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Gérard Le Puill,  l 'Humanité 10 Septembre, 2015
 
Dans une chronique d’une rare violence visant les salariés modestes bien trop payés à ses yeux, Arnaud Leparmentier dévoile à son insu sa profonde méconnaissance du monde du travail sans lequel il n’y a pas de création de richesses dans les entreprises.

A lire la presse datée de ce jeudi 10 septembre concernant le contenu du rapport Combrexelle sur le code du travail et sur les intention du Premier ministre pressé de légiférer sur le sujet, la précarisation accrue du travail salarié doit , plus que jamais, servir de variable d’ajustement aux entreprises afin que l’unique critère demeure le taux de profit  qui va rémunérer les actionnaires et les dirigeants. Quitte à massacrer  l’emploi  au point de  handicaper ces mêmes entreprises par des stratégies de court terme.

Dans Le Monde daté de ce jeudi, le comble de l’abjection est atteint par Arnaud Leparmentier  sous couvert de dénoncer le manque de  « courage » du chef de l’Etat sur le sujet. « Las, si Combrexelle se rêve en Hartz, Hollande ne sera jamais Schröder. L’objectif n’est pas de traiter de front les «chiffons rouges » sociaux français : un SMIC trop élevé, des salaires qui progressent trop, des prud’hommes lents et imprévisibles, une Cour de cassation «rouge», une formation professionnelle gaspillée, des indemnités de chômage trop longues. Il faudrait que le marché du travail redevienne un marché, où l’on peut embaucher, licencier et retrouver un emploi rapidement », écrit-il. Bref, il faut un véritable marché aux esclaves,  nous dit ce larbin du patronat titulaire d’une carte de presse.

Après quoi il appelle en renfort Patrick Artus, économiste en chef chez Natixis  pour lui faire dire ceci sans autre précision : «le SMIC est à 63% du salaire médian. S’il était à 43%, ce qui correspond à la moyenne internationale, on augmenterait de moitié l’emploi non qualifié». Même Combrexelle est trop timide aux yeux du chroniquer du Monde  qui lui oppose le duo Barthélémy-Cette,  lequel propose de « déroger au SMIC par accord de branche étendu ». Et Leparmentier d’ajouter : « cherchons des syndicalistes courageux pour signer de tels accords ».

En France le salaire net payé au SMIC est d’environ 1.137€ par mois. Arnaud  Leparmentier  utilise  Patrick Artus pour le faire diminuer d’un tiers et le ramener à 691€.

Pour ce prix là on ne trouve pas un logement  locatif dans la plupart des grandes villes. Avec un tel salaire, on n’aura pas de quoi payer une nourrice pour garder  son enfant si l’on part tôt au travail où si l’on rentre tard en raison des horaires décalés  très fréquent dans les emplois peu qualifiés. Mais il faut aussi se nourrir pour avoir la force de travailler, dépenser une partie de sa paie pour payer  le transport entre le domicile et le travail. Quand on est parent, il faut aussi habiller les enfants pour aller à l’école et payer la restauration scolaire.

Est-il concevable en 2015 que des hommes et des femmes travaillant dur ne dispose que d’un si faible revenu quand par exemple, l’ancien directeur général d’Alcatel-Lucent après d’autres dirigeants de ce groupe, vient de partir avec un pactole de 13,7 millions d’euros après avoir passé seulement deux ans à la tête de cette entreprise ? Même Pierre Gattaz, président du MEDEF est embarrassé par ce scandale quand il confie aux Echos de ce 10 septembre à propos d’Alcatel:  « L’entreprise était au bord de la faillite. Michel Combes a réussi à la redresser d’un point de vue financier. Ce redressement sera-t-il durable ? C’est toute la question».

Arnaud Leparmentier, lui,  ne se pose pas ce genre de questions sur les patrons surpayés   alors qu’il exige que les salariés soient sous payés. Il devrait lire ce sondage récent réalisé pour le Secours Populaire français. Il montre que la crainte de voir leurs parents devenir pauvres est exprimée par 63% des gosses de 11 à 14ans  et que cette question hante aussi 58% des petits de 8 à 10 ans. Parce qu’ils perçoivent déjà cette réalité dans la rue comme chez certains de leurs copains d’école, environ 60% des enfants de 8 à 14 ans sont plus lucides que le chroniqueur du Monde sur ce que signifie la pauvreté en France.

Moi, Gérard Le Puill, titulaire de la carte de presse 52.622 obtenue en avril 1984, je suis probablement  plus ancien  qu’Arnaud Leparmentier dans la profession de journaliste. L’Humanité m’a embauché comme stagiaire en septembre 1983 alors que Kléber-Colombes, mon employeur de l’époque,  venait de me licencier pour cause de fermeture d’usine  avec refus d’un quelconque reclassement pour moi comme pour tous les syndicalistes qu’ils soient de la CGT, la CFDT ou la CFE-CGC. J’ai travaillé 18 ans dans cette usine ; de jour comme de nuit en fonction des équipes. J’y ai  transpiré et souffert physiquement comme beaucoup de mes collègues dont beaucoup sont morts de maladies professionnelles  avant même d’atteindre l’âge de la retraite. Les comités d’hygiène et de sécurité au travail (CHSCT)  n’ont été mis en place qu’après  les grèves de 1968.

Alors, quand je lis les propos esclavagistes d’Arnaud Leparmentier   dans un quotidien qui se revendique comme un « journal de référence » - et dont j’apprécie de nombreux articles quotidiennement - je suis triste  pour ma profession.  Les journalistes n’ont  pas à être les larbins de quiconque. Et surtout pas du patronat par les temps qui courent.

 

Par Gérard Le Puill : Journaliste et auteur. Dernier ouvrage paru : « L’écologie peut encore sauver l’économie », une coédition de Pascal Galodé et l’Humanité . En vente au village du livre à la fête de l’Humanité  

 

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Tag(s) : #JE LUTTE DES CLASSES
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