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JUSTICE DE CLASSE

A quatre heures trente ce lundi matin, dans les commissariats de plusieurs départements proches de Paris, l’alerte était au rouge : rassemblement des policiers, dernier briefing sur la mission, vérification des armes et des gilets pare balles, répartition des personnels dans les véhicules. L’opération était programmée à six heures pétantes. Il fallait faire vite et éviter les témoins.

S’agissait-il de terroristes préparant un attentat ? De malfrats impliqués dans de sales affaires ? De voyous en col blancs spécialistes du détournement de biens publics, anciens membres des gouvernements d’hier et d’aujourd’hui, de la droite et son extrême ? D’assassins recherchés ? Vous n’y êtes pas.

La rafle de ce matin visait plusieurs salariés d’Air France suspectés d’avoir arraché leurs chemises à des membres de la direction venus annoncer des milliers de licenciements après s’être octroyés, eux et leur PDG, des augmentations de salaires allant de 30 à 70%.

L’ancien ministre socialiste Jules Moch s’était distingué en 1948 en faisant tirer sur les mineurs en grève. Il les qualifiait de «  racailles ». Manuel Valls a vu des «  voyous » parmi les salariés désespérés d’Air France et a fait donner la police. Les années passent, les méthodes des puissants ne changent pas pratiquant la même violente et méprisante justice de classe.


José Fort

 

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NEGOCIATION

Témoignage par Sylvain Bouard Cheminot,
http://rue89.nouvelobs.com 06/10/2015

 

Ce témoignage décrit les conditions dans lesquelles peuvent se dérouler des négociations syndicales, vécues du côté des représentants des salariés. Il a été écrit suite aux images violentes du débordement du comité d’entreprise d’Air France, mais concerne des faits et des personnes tout à fait différents.


Ce grand ado méprisant en face de moi a plus de 50 ans et il est PDG.
Il est au bout de la table, affalé en arrière sur sa chaise et tripote son téléphone portable. De temps en temps, il jette un regard par en dessous aux autres humains assemblés autour de lui. Par moment, sans que l’on sache si cela est dû à ce qui se passe sur l’écran de son téléphone ou à ce qu’il entend, il lâche un petit soupir agacé.

Plusieurs fois pendant les deux ou trois heures que je vais passer non loin de lui, il balancera son téléphone nerveusement sur la table comme on jette un outil récalcitrant, et aura l’air d’être un peu parmi nous le temps de lâcher quelques sentences définitives qui, manifestement, ne souffrent aucune contestation.

Un ado distant qui joue avec son téléphone

Bref, j’ai en face de moi un grand ado distant qui joue avec son téléphone puis se mêle de la conversation pour nous laisser entendre que nous sommes vraiment des vieux cons.

Le seul problème, c’est que, ce grand ado, il a plus de 50 ans et il est président directeur général du leader mondial du travail temporaire (ce joli nom qu’on donne à l’intérim, c’est-à-dire à l’exploitation des précaires).

A côté de lui, son directeur juridique et son DRH, manifestement pas étonnés par l’attitude pour le moins désinvolte et méprisante du grand patron.

Autour de la table, nous, seize personnes, quatre par organisation syndicale, qui essayons chacun de faire un peu avancer les dossiers que nous estimons importants pour les 5 500 salariés en CDD ou CDI ainsi que les 150 000 intérimaires.

Ce sont les négociations annuelles obligatoires. Une belle invention du législateur qui oblige les grandes entreprises à recevoir les délégations syndicales une fois par an pour aborder tous les sujets. Juste à les recevoir, hein, pas à arriver à un quelconque accord sur le moindre sujet. Faut pas déconner non plus !

Sont exigeants ces pauvres !

Notre grand ado, pour lui, ça semble être la corvée de chiottes. Nous ne sommes manifestement que des pénibles qui l’emmerdons avec des revendications stupides.

Des intérimaires se font facturer leur casque ou leurs chaussures de sécurité ? On dirait que c’est dans nos têtes malgré les cas qu’on nous signale de façon récurrente.

Un vrai budget d’action sociale pour le CE pour pouvoir vraiment faire quelque chose pour les intérimaires ? Il semble penser que la boîte est déjà bien sympa de leur filer du boulot précaire et sous-payé. Sont exigeants ces pauvres !

3% de revalorisation des salaires pour les CDD/CDI au lieu des 0,5% proposés ? Il glousse devant une demande aussi irréaliste. La boîte n’a pas les moyens, c’est sûr... Elle ne fait que 400 millions de bénéfice net après impôts. Les personnels des premiers échelons qui émargent à moins de 1 000 euros net par mois doivent aussi s’estimer heureux d’avoir un boulot. Et puis, « faut penser à l’actionnaire ».

Bref, en guise de négociateur, nous avons un type méprisant au dernier degré. Un gars qui émarge à presque 100 000 euros brut mensuel nous regarde comme une bande de gueux décidément bien gonflés de demander plus que ce que l’on veut déjà bien nous donner et, en plus, on a vraiment l’air de lui faire perdre son temps.

C’est un souvenir cuisant

A la sortie de ces deux ou trois heures, je ne m’étais jamais senti aussi méprisé et humilié. Aujourd’hui encore, c’est un souvenir cuisant.

Ces gens ont la vie des autres entre leurs mains mais n’ont absolument aucun scrupule. Ils se sentent 100% légitimes à décider du sort de leurs semblables et ne se gênent pas une seconde pour faire comprendre à des gens qui gagnent 50 ou 100 fois moins qu’eux qu’ils doivent se taire et s’estimer heureux de ce qu’on leur donne. Pire, toute tentative de contestation, ne serait-ce que par la négociation, semble être vécue comme un crime de lèse-majesté bien agaçant, comme le moustique qui vous tourne autour alors que vous tentez une petite sieste, peinard, au bord de la piscine.

Alors quand je vois des salariés que l’on va pousser à la porte perdre un peu les pédales, je ne peux pas m’empêcher de repenser au sentiment que j’ai ressenti ce jour-là, alors qu’il n’était même pas question de m’ôter mon gagne-pain. Je l’aurais croisé dans une rue sombre, sans témoin, je crois bien qu’il aurait pris quelques coups.

Oui, la violence, c’est condamnable, mais il ne faut pas oublier que l’attitude d’une bonne partie de ces « grands » patrons est une violence faite aux salariés qui ne demandent qu’à vivre correctement de leur travail mais se trouvent mal payés et, parfois, mis dehors sans remords par des entreprises juste parce qu’elles ne gagnent pas autant que prévu.

La première violence est sociale. Elle vient du monde patronal et financier et elle s’exerce souvent avec un mépris total. On a tendance à l’oublier un peu vite.

 

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Pour défendre la poste et le service public

 

 

Tous devant la poste de Châteauneuf de Gadagne

 samedi 17 octobre  à 11h

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Tag(s) : #JE LUTTE DES CLASSES
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