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Publié le 6 octobre sur le site Economie Solidaire et Cie

https://ecosol92.wordpress.com/

 

Pôle emploi n’a pas vraiment de solution à proposer aux chômeurs et précaires pour retrouver un emploi décent – ce qui est sa mission principale – , mais n’est pas avare de communication, ce qui est la mission que lui assigne le gouvernement pour assurer le succès de sa politique.

Donc, Pôle emploi communique. Notamment sur le suivi de la Convention tripartite 2015-2018 signée entre l’État, l’Unédic et Pôle emploi. Cela donne dans le rapport annuel qui vient d’être publié un festival de langue de béton pour enrober une réalité qui a du mal à se faire oublier.

Florilège tiré du communiqué de la direction Rapport annuel sur la mise en oeuvre de la Convention Tripartite :

  •         La convention tripartite 2015-2018 vise à accélérer le retour à l’emploi et à mieux satisfaire les demandeurs d’emploi…

Évidemment. C’est le contraire qui serait étonnant, encore que dans la façon de le dire il y a la manière qui compte. « Accélérer le retour à l’emploi… », on va vous y aider petits salopards de chômeurs. Ce n’est pas le chômage qui est visé mais les coupables de s’attarder sur les canapés voluptueux des agences Pôle emploi.

  •         Ces résultats intermédiaires sont globalement encourageants au regard d’un contexte économique qui reste fragile.

    Comme ces choses-là sont dites. Les résultats ? « Globalement encourageants ». On croit rêver. Mais que voulez-vous, le « contexte économique … reste fragile ». Fragile ? Mais pour qui ? Pour Liliane Bettencourt et Patrick Drahi ou pour les salariés ? Dans un contexte de poursuite de l’augmentation du nombre de demandeurs d’emploi et d’évolution des règles d’assurance chômage…

Ah, tout de même. Bon, « l’augmentation du nombre de demandeurs d’emploi », on a vu. Mais quant à l’« évolution des règles d’assurance chômage… », alors là, on a vu aussi. Le Conseil d’État vient de sanctionner sèchement la Convention d’assurance chômage 2014 concoctée par l’Unédic, Pôle emploi et le gouvernement, l’infernale troïka des politiques de chômage, pour avoir totalement méconnu le droit. La Convention est annulée, il faudra revoir la copie, ce que les associations de chômeurs et la CGT disaient sans pouvoir se payer les bataillons de juristes bien payés de ladite troïka.

L’insécurité juridique des chômeurs est totale avec des règles qui changent tous les deux ans, écrites par les « partenaires sociaux » dans le cadre d’un accord national interprofessionnel (ANI) qui est au droit du travail ce que les arrangements entre copains et coquins sont à la démocratie. Les chômeurs, exclus du droit du travail, ont fait les frais avant l’heure de l’écriture des règles par le patronat dans le cadre d’accords arrangés, sans que la loi s’en mêle. Le Medef, satisfait d’un système où il est à tous les coups gagnant, veut l’étendre aux salariés en substituant les accords de branches et d’entreprises à la loi. Vous trouvez le Code du travail complexe ? Venez voir à l’Unédic ce que ça donne quand les règles sont faites hors Code du travail.

  •         Le taux de satisfaction des demandeurs d’emploi concernant le suivi dont ils bénéficient atteint au premier semestre 2015 65,1%

Bien entendu, il y a des « satisfaits ». Encore qu’il faudrait voir de plus près la méthode employée pour arriver à ce résultat qui donne, tout de même, un gros tiers de pas contents. Pôle emploi pourrait aussi donner les chiffres des contentieux ouverts, chiffres qui auraient l’avantage de ne pas être des sondages mais des données réelles. La réalité est que les chômeurs sont victimes d’un organisme qui est à la fois juge et partie dans l’application des règles qu’il édicte. Un déni de droit supplémentaire que doivent affronter les chômeurs. Pôle emploi vous réclame des paiements « indus », à tort selon vous ? Votre recours, c’est Pôle emploi. Effet garanti. En attendant les radiations ...

  •         Le taux de satisfaction des demandeurs d’emploi vis-à-vis des services numériques développés par Pôle emploi a atteint 77% au premier semestre 2015, soit 4,3 points de plus qu’en 2014.

Ah mais, il y a un domaine où Pôle emploi joue la carte post-moderne, c’est l’utilisation d’Internet. C’est que le recours à la dématérialisation des démarches a l’avantage de dématérialiser aussi le nombre d’agents de Pôle emploi. Enfin, c’est la théorie. Parce que dans la pratique c’est pannes sur pannes et des inscrits qui ne sont pas tous et toutes cybernautes. Ce sont même les plus en difficulté qui sont sans recours face à l’informatique. Quant à la progression du taux de satisfaction, il ne fait que rendre compte dans ce cas de la progression du nombre d’internautes dans les inscrits de Pôle emploi.

  •         A la fin du premier semestre 2015, 410 800 offres d’emploi étaient en ligne sur pole-emploi.fr

Ce chiffre ne vous dit rien ? Mais c’est bien sûr ! il est proche de celui cité par la nouvelle ministre du chômage, Mme Myriam El Khomri, dès son installation au ministère. Mais alors que Pôle emploi l’utilise pour se féliciter de l’efficacité croissante de sa collecte d’offres d’emploi et de son site web, la ministre pour sa part s’en est servie pour ressortir la rengaine des emplois non-pourvus qu’elle évalue à « environ 300 000 ». Elle n’a sans doute pas eu le temps de lire la fiche que les services lui avaient préparée sur la différence entre le flux et le stock. 410 000 offres d’emploi collectées, cela ne signifie pas qu’elles ne sont pas pourvues mais simplement qu’il y a un décalage de temps entre leur mise à disposition et leur retrait. Faut réviser, Mme El Khomri.

  •         …mieux prévenir le risque de chômage de longue durée et augmenter le taux de retour à l’emploi durable après formation.

Tiens, Pôle emploi fixe des objectifs dans ces deux domaines ? Et pourquoi pas des chiffres ? Parce qu’en matière de chômage de longue durée et retour à l’emploi durable après formation, ils sont accablants. Soyons justes : la responsabilité en revient principalement aux politiques créatrices de chômage des gouvernements successifs depuis quarante ans. Mais de là à servir de rustine, il y a une marge que la direction de Pôle emploi n’hésite pas à franchir. La « conjoncture économique est fragile » ? On va vous réparer tout ça. Sauf que ce ne sont pas les conventions de la troïka qui vont améliorer la situation de l’emploi.

  •         Pôle emploi mettra en œuvre dès le second semestre 2015 puis en 2016 :…

Enfin, conclusion, la feuille de route de Pôle emploi pour les prochains mois. Non, ne cherchez pas, le nouveau dispositif de contrôle des chômeurs dont les médias nous ont complaisamment fait part ne figure pas dans les objectifs avoués. C’est que le gouvernement et la direction de Pôle emploi n’en attendent qu’une chose : qu’une fois les chômeurs montrés du doigt comme rechignant à reprendre le boulot, il contribue à faire baisser les chiffres du chômage. Enfin la courbe inversée ? On peut toujours rêver à celle des radiations, hein, Mme El Khomri.

Robert Crémieux

 

Choix des illustrations Rouge Cerise

Tag(s) : #JE LUTTE DES CLASSES
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