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LA PERLE DU JOUR (17) 27/06/17  Chronique à peu près quotidienne de la lutte des classes vue d'une Union Locale CGT

On les sent pas à l'aise les deux qui pénètrent, avec hésitation, le seuil de notre Union Locale, passant la porte (rouge) avec des airs de pas être à leur place. Deux jeunes. On les assoit dans le couloir, le temps que ça désengorge. Y a de tout aujourd'hui : une femme de ménage mise sous pression, un ouvrier mis à pied, une jeune femme attendant une rupture conventionnelle, et quelques autres, donnant à notre Union Locale les allures d'une salle des pas perdus. Un camarade s'approche des deux jeunes. Deux chauffeurs routiers. Ils se racontent. On sent qu'ils en bavent. Ils lancent des S.O.S. avec leurs yeux paniqués. C'est que le patron les menace, les engueule, les entourloupe, matin, midi et soir, par textos, coups de fils et coups de gueule en live. Ils font des heures. Des heures et des heures. Non-respect des temps de coupure, la convention collective aux chiottes, le Code du Travail à la poubelle. Ce patron est manifestement macronnien.

Et pour oublier ce qu'il est, il boit. Trop. Les deux jeunes salariés le ramassent parfois, au dépôt, où il a fait du dégât en voulant rentrer les camions... On les devine marqués par cette violence quotidienne les deux... Alors notre camarade, un peu pressé et habitué de ce genre de situations, leur dit comme ça dans le couloir : "Vous notez tout, dans le détail, vous revenez, je vous fais un courrier de mise en demeure pour qu'il paye, respecte le droit et cesse de vous violenter. On lui laisse huit jours. Il répondra pas, alors vous voyez notre avocat et on dépose le dossier aux Prud'hommes. Bien sûr, faudra vous syndiquer."

Bien rassurés sur leur bon droit et satisfaits de l'écoute et du conseil, ils s'apprêtent à prendre congé quand l'un des deux, le plus jeune, demande au camarade : "Et on est obligés de se syndiquer ?" Là, le camarade inspire fortement, regarde le bureau dans lequel une autre camarade s'échine depuis une heure à construire un dossier pour la femme de ménage. Quand celle-ci pleure, notre camarade pleure aussi. Elle prend des notes avec dans ses bras, son nouveau-né. Image sacrée du militantisme. D'ailleurs y a toujours des gosses dans cette baraque... "Non, t'es pas obligé de te syndiquer, tu peux aller voir un avocat en ville. Ici c'est pas une institution, on n'est pas payés pour faire ça ! 120 ans qu'on se bagarre pour changer de société ! Les congés, la Sécu, les retraites, c'est nous ! Alors quand on défend des gens comme toi, on leur demande d'adhérer, tu comprends ? D'adhérer à ça, tu comprends ? Mais t'es pas obligé, tu peux préférer l'autre côté."

C'est clair, ça leur paraît impossible que les gens se battent pour changer les choses et qu'au milieu, il y eux, des gens aussi, et que leurs problèmes puissent faire partie d'un problème plus gros encore... Ils repartent comme ils sont venus, avec un bulletin d'adhésion dans les mains... Ils vont sans doute aller chercher ailleurs une solution gratuite... Et revenir finalement, avec leur bulletin d'adhésion dûment rempli...


C'est beau le dialogue social non ?

 

 

Tag(s) : #TRIBUNE LIBRE, #JE LUTTE DES CLASSES
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