LA HONTE !
Commémoration du massacre de Barbarenque au Beaucet
Vendredi 2 août 2013
Les faits
Ils étaient 5.
5 jeunes résistants qui avaient choisi l’honneur et la dignité, qui étaient prêts pour les sauvegarder à sacrifier leur vie.
Ils s’appelaient Paul Arnaud , Jean Flandrin, René Fouque, Laurent et Marcel Pons.
Parce que d’autres avaient choisi la voie du déshonneur et de la collaboration, parce que les partisans de Pétain et de Hitler n’avaient pas désarmé, ils furent trahis et livrés aux occupants. Ceux qui les dénoncèrent et permirent ce massacre n’ont pas été identifiés. Mais les a-t-on réellement cherchés où il fallait?
Les bourreaux
Jusqu’à il y a peu, comme beaucoup, j’ai répété que les tueurs étaient des SS membres de la sinistre Division Brandeburg.
Ce qui n’est pas à proprement parler une erreur.
Pourtant, pour peu que l’on creuse un peu, on découvre très vite que cette formation militaire allemande, reconnue comme l’une des plus brutales à l’œuvre sur le territoire français, était en partie composée de volontaires français. Militants des partis collaborationnistes, principalement du Parti populaire français, responsable de la tragédie de Sarrians et de l’assassinat d’Antoine Diouf et Albin Durand, anciens du front de l'Est, authentiques voyous comme François Carbone, frère du célèbre caïd marseillais, auréolé par le film Borsalino, ou maquisards retournés. Ils formeront ainsi la 8ème compagnie du 3ème régiment de la division Brandeburg, bras armé des Services de renseignement allemands. Opérant en civil, en uniforme ou dans la tenue de leurs adversaires, les mercenaires de la 8ème compagnie se rendront responsables de plusieurs centaines d'assassinats, notamment dans le Sud-ouest, en Provence et en Alsace, avant que, repliés en Allemagne, ils soient versés dans les Waffen-SS. Certains seront alors engagés dans des missions derrière les lignes ennemies sous l'uniforme des troupes alliées, avant d'être versés dans le Werwolf (Loup-garou) ce mouvement de terreur créé à la fin de la guerre par les nazis les plus fanatiques. Quelques-uns tomberont sous les balles des pelotons d'exécution de l'épuration. D'autres partiront se battre en Indochine. Certains passeront entre les gouttes et deviendront même des notables.
Sous réserve de recherches historiques approfondies, rien n’interdit donc de penser que, même s'ils avaient à leur tête le lieutenant allemand Ludwig Simon, les tueurs du Beaucet étaient des collaborateurs français, comme leurs acolytes de Sarrians.
Une assistance nombreuse et recueillie
Ce vendredi, la commémoration traditionnelle a été suivie par une foule importante.
La honte
Cependant nous avons été nombreux à être surpris et indignés de découvrir une gerbe au nom de la députée de la 3èmecirconscription de Vaucluse puis l’arrivée - tardive - de celle-ci.
Au moment où elle prenait la gerbe pour aller la déposer au pied du monument qui rappelle le sacrifice des martyrs, plusieurs dizaines de personnes présentes tournèrent ostensiblement le dos et on put entendre s’élever a capella Le Chant des Partisans.
Plus tard, Sylvain Meyer – commandant Gervais dans la Résistance – président du comité de Pernes de l’ANACR et Jean Bottey, président départemental, dans leurs interventions vigoureuses et pleines d’émotion, tinrent à rappeler que le Président du Front national, Le Pen, avait osé déclarer que « l’Occupation allemande n’avait pas été particulièrement inhumaine même s’il y avait eu des bavures inévitables dans un pays de plus de 550 000 mètres carrés ».
Bavures ? Oradour-sur Glane, Villeneuve d’Ascq, Barbarenque, Valréas, Étobon, Chatou, Lorgies, Autun, Saint-Genis-Laval, Vassieux-en-Vercors, Tulle, Buchères, Châteaubriant, Malleval, Annecy, Rouffignac, Le Cheylard, Ploumagoar, La Ferté-Saint-Aubin, Ussel, Rennes, le Mont-Valérien, Nantes, Ugine, Montpezat-de-Quercy, Fouesnant, parmi plusieurs centaines d’autres !
People
Soyons clairs : cette réaction, si elle trouva une véritable approbation chez nombre de participants, souleva aussi l’incompréhension et même l’hostilité chez d’autres, et l’on vit même des gens se précipiter à la fin de la manifestation pour se faire photographier avec la députée.
Elle a été élue démocratiquement, On est obligé de l’inviter, c’est le protocole, Elle n’y est pour rien, ce n’est plus la même génération, elle n’est pas responsable de son grand-père, autant d’affirmations qu’on put alors entendre, qui montrent bien à quel point la banalisation du discours du Front national, dont une bonne partie de la droite dure est coresponsable, s’est, hélas !, ancrée dans notre société.
Dénonçons déjà certaines de ces remarques:
- Que l’on nous montre l’article de loi stipulant qu’un maire est obligé d’inviter systématiquement TOUS les élus…(Pour rappel, à l’époque du détail, les ¾ des élus, quelles que fussent leurs étiquettes politiques, se refusaient à inviter le député Le Pen ou son acolyte Golnish)…
- Élue démocratiquement ? Oui, par une majorité relative, parce que l’appel à lui barrer la voie n’a pas été suffisamment entendu et que la triangulaire a marqué le suicide de la démocratie justement ! Et puis, Hitler aussi avait été élu « démocratiquement » (pendant que ses Sections d’Assaut terrorisaient la rue), et puis, tiens, Pétain aussi c’était un pouvoir légitime (ce que ne manquent pas de rappeler les nostalgiques de tous poils) et c’est De Gaulle qui était le hors-la-loi, les Résistants les « terroristes » !
- Pas responsable de son grand-père ? Mais qui parle de son grand-père ? C’est de l’ex-président du FN que nous parlons et de son parti. Que je sache, Madame Maréchal Le Pen est bien membre du FN !
Eh bien, à ce titre, si, elle y est pour quelque chose!
En tout cas tant qu’on ne l’aura pas entendu déclarer que:
- L’ex-président du Front national s’est déshonoré en parlant de «détail de l’Histoire» à propos des chambres à gaz…
- L’ex-Président du Front national s’est déshonoré en évoquant une « occupation pas si inhumaine que ça et des bavures inévitables…
- L’ex-Président du Front national s’est déshonoré en faisant figurer dans les organismes de direction du Front national des hommes qui avaient noms Léon Gaultier, Pierre Bousquet, André Dufraisse, François Brigneau, Victor Barthélémy, Gilbert Gilles ou Roland Gaucher, dont les uns portèrent l’uniforme de la Milice et d’autres celui de la SS ! Et pour ceux qui, à l’énoncé de ces noms, ouvrent de grands yeux en jouant les ravis de la crèche, ils trouveront en notes quelques détails sur ces crapules.
Pour l’heure, nous constatons que la députée représente un parti qui n’a toujours pas reconnu qu’il s’est fondé sur le racisme, la xénophobie et la haine et qui est totalement étranger aux valeurs de la Résistance à l’honneur lors de cette commémoration.
Que certains préfèrent s’aveugler, que le versement d’une partie des 30 deniers de l’indemnité parlementaire de la députée aux bonnes œuvres de leur commune les transforme en obligés respectueux, que d’autres n’aient même pas conscience de l’incongruité totale de la présence d’une députée FN lors de pareil hommage, libres à eux !
Après tout, lorsque les combattants de la Liberté, réunis quelles qu’aient été leurs opinions politiques, syndicales, leurs croyances religieuses ou l’absence de telles croyances, pour libérer le pays et faire triompher le programme du Conseil National de la Résistance, d’autres avaient choisi la honte ou l’attentisme.
Quant à nous, fidèles à la leçon des combattants de l’Ombre, nous continuerons à nous montrer vigilants, comme ils l’auraient souhaité !
Roger Martin
Pour mémoire :
Léon Gaultier : Ancien lieutenant Waffen SS condamné à 10 ans de prison dont il ne fera que 2, a fondé une maison de disques, la SERP, avec Le Pen en 1963. Membre du conseil national du FN dès sa création, en 1972.
André Dufraisse : Membre du Parti populaire français et de la Légion des volontaires français (LVF), dit « Tonton Panzer ». Membre du Bureau politique du Front national de 1972 à sa mort, compagnon de Martine Lehideux, ex-présidente du groupe FN au conseil régional d'Ile-de-France, elle-même nièce de François Lehideux, ministre de l'Industrie de Pétain. À sa mort, en 1994, Le Pen prononça sur le parvis de l'église de Saint-Nicolas-du-Chardonnet un bref hommage au défunt, avec lequel il avait milité depuis 1956. Disant, entre autres : « M. Bousquet a peut-être eu les responsabilités que vous dites, il a peut-être été un ancien SS mais moi je suis de ceux qui sont pour la réconciliation des Français... » .
François Brigneau : De son vrai nom Emmanuel Allot, ancien membre de la Milice, vice-président du FN de 1972 à 1973. Éditorialiste de National Hebdo, condamné plusieurs fois pour incitation à la haine raciale.
Roland Goguillot : alias Roland Gaucher, responsable des jeunesses du Rassemblement national français de Marcel Déat. Journaliste à Minute, co-fondateur du FN en 1972, puis membre de son Bureau politique. Conseiller régional FN de Franche-Comté et directeur de National Hebdo jusqu'en 1993.
Pierre Bousquet : premier trésorier du FN, décédé en 1991, ancien membre du Parti franciste puis caporal (rottenführer) de la 33ème division de grenadiers SS Charlemagne.
Victor Barthélemy : secrétaire de Jacques Doriot, chef du PPF. Membre du comité central de la Légion des volontaires français (LVF). Secrétaire général du Front national de 1973 à 1978
Gilbert Gilles : adjudant de la Waffen-SS, auteur de livres apologétiques sur ses campagnes dans la Division Charlemagne, puis activiste de l’OAS, devient en 1984 chargé de mission de Le Pen afin de récolter des fonds en Afrique.