
Ce lundi 14 mai au matin... Action symbolique dénonçant l'attitude du gouvernement face à la lutte des cheminots, plus de 250 personnes sont venues enterrer la réforme du service public ferroviaire devant la gare TGV d'Avignon. À cette occasion notre camarade Paul Fructus, écrivain et acteur, a prononcé un superbe hommage aux Services Publics que Rouge Cerise reproduit ci-dessous.
Hommage

Nous voilà rassemblés toutes et tous pour soutenir les cheminots qui portent ici le deuil de leur avenir.
Ils sont entourés par leurs familles, leurs proches, mais aussi par les usagers conscients que le jour où, sur l’autel de la concurrence, les cheminots seront sacrifiés en employés précaires, corvéables et marchandisés, les usagers, eux, seront définitivement transformés en cible tarifaire, en viande transportable, en clients vendus sur pied.
Voilà pourquoi nous nous sommes donnés rendez-vous dans ce lieu symbolique : une gare. Carrefour d’hommes et de femmes où on ne croise pas que « des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien » comme a osé le déclarer celui que, pour paraphraser Victor Hugo, j’appellerai Napomacron le petit.
Si nous sommes rassemblés ici, c’est donc pour rendre hommage à une profession menacée mais pas seulement.
C’est aussi pour donner tout son sens au beau mot de SOLIDARITE
Et pour rendre hommage également à un monde battu en brèche par les eaux glacés du CAC 40.
Pour prendre dans nos bras un monde qui nous a accompagnés depuis l’enfance jusqu’à aujourd’hui .
Nous sommes là, évidemment, pour saluer celui qui nous a transportés du nord au sud, d’est en ouest à travers la France.
Mais nous sommes là aussi pour honorer :
- celui qui nous appris à lire, celui qui a soigné nos maladies et nos blessures,
- celui qui a porté nos lettres, nos cartes postales,
- celui qui nous a ouvert les chemins des bibliothèques, des théâtres et des musées.
- celui , qui répond « présent » au nom d’instituteur et d’institutrice, d’infirmier et d’infirmière, de facteur et de factrice, de cheminot et de cheminote…
- celui qui répond toujours « présent! » à tous les noms de celles et ceux dont la vie est utile à la vie de cette communauté humaine : la république.
Nous sommes donc là pour rendre hommage à celui que nous nommons : SERVICE PUBLIC. Et cela au nom de toutes les fonctions vitales pour notre respiration commune.
Il est vrai que le service public a souffert, et cela depuis longtemps d’une cruelle maladie au nom exotique : « la fautaki »
La « fautaki », petit virus mental dérivé d’une souche pathogène : celle de la rumeur.
Il y a des lustres que la « fautaki » s’immisce dans les conversations de bistrot :
Le petit neveu, gavé de jeux vidéo, qui ne sait toujours pas lire à 10 ans. C’est la « fautaki » ? C’est la faute à l’école, à l’école publique !
Le train mis en retard par un chômeur en fin de droit qui s’est jeté sous les roues c’est la « fautaki »? au désespoir ? non, c’est la faute aux cheminots.
Dès que ça marche de travers, que ça rame, que ça cafouille, que ça débloque , hoquète, claudique, disjoncte, bugue, bref aussitôt que ça disfonctionne, c’est la faute à qui?
AU SERVICE PUBLIC
Et dans le brouhaha orchestré par les traders et les holdings, personne n’entend que le service public est un service privé… privé de moyens
La « fautaki » …Les philosophes de comptoir, les académiciens du « yaka » et du « faut qu’on » sont formels. Et ils ont la preuve incontestable : ils l’ont vu sur TF1 !
Vu à la télé ! Le pays joyeux des enfants heureux où tout est à vendre.
Ce paradis où des familles souriantes et décérébrées vivent dans un monde dégoulinant de couleurs et s’ébattent dans un télé-achat permanent où volent dans un ciel d’azur, les couches de bébé, les serviettes hygiéniques de madame, les rasoirs à double lame de monsieur, la colle à dentier du grand père et le plan obsèques de grand-mère.
Un pays où le service public n’a pas droit de cité
parce que le service public n’est pas à vendre.
Le service public n’est plus dans l’air du temps,
on connaît la chanson
la chanson des proxénètes, des fonds de tiroir et des fonds de pensions.
La chanson des macs
La chanson des maq-uignons, des maq-uereaux, des mac-dos, des macs carrés et des macs ronds.
L’hymne de la république des marchands de peigne:
« Allons enfants de la braderie
le jour de vendre est arrivé »
Vendez tout !
votre avenir, votre présent, votre passé
vendez vos bras
vendez votre tête
Vendez votre savoir faire, le DRH le soldera.
Vendez votre savoir vivre, avant qu’il ne soit plus côté en bourse.
Vendez la jeunesse de vos fils, on en fera des intérimaires.
Vendez le cul de vos filles on en fera des mannequins.
Vendez la mémoire de vos parents.
Le tueur à gages de l’HEPAD liquidera
leurs souvenirs de labeur et de lutte
et fera porter le chapeau du meurtre aux aides soignantes épuisées.
Tout est à vendre
L’eau, l’air, les lacs, les montagnes, la santé, le savoir, l’amour, l’enfance et la vieillesse, la naissance et la mort.
Et, les jours de solde, les humains déboussolés s’entassent et s’écrasent devant les grilles des grandes surfaces.
La république sociale a mal au service public.
Parce que la Ve république est malade.
La république est en marche, oui, en marche funèbre.
Elle attrapé le cancer du Collomb, le sinistre de l’intérieur.
Et les métastases visent le coeur et la tête du service public
Parce que service public n’est pas RENTABLE
le service public est
UTILE
Utile: encore un gros mot interdit dans les conseils d’administration.
Une grenade lâchée dans la gueule des actionnaires
Il faut faire attention aux mots, tendre l’oreille:
SI, au coin du bois, vous rencontrez l’homme de Cro-Macron
Et s’il vous tend la main en vous disant « cher ami »
méfiez vous !
Ce n’est pas qu’il vous aime…
C’est qu’il espère tirer un bon prix de votre peau.
Nous voilà au terme de cet hommage rendu au service public.
Non, je n’ai pas dit : dernier hommage
Cela ferait trop plaisir aux marchands de peigne qui ont pris le pouvoir.
Et si nous avons porté un cercueil jusqu’ici Ce n’est pas pour enterrer le service public.
C’est pour tromper l’ennemi, L’ennemi public .
Pendant que le vautour financier tourne autour du cercueil du vieux monde , il ne voit pas le berceau des luttes à venir.
Ici et aujourd’hui nous ne sommes pas réunis pour larmoyer et pour murmurer : « ici git le service public »
Ici nous sommes rassemblés pour dire haut et fort : ICI AGIT LE SERVICE PUBLIC
Courage, salut et fraternité!
Paul Fructus
14 mai 2018
La solidarité financière aussi!

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