
Laurence Cohen (sénatrice communiste du Val-de-Marne)
L’examen du Projet de loi de financement de la Sécurité́ sociale pour 2019 a été l’occasion d’un débat dans notre assemblée qui a confronté deux projets de société différents.
En effet, le fil conducteur de votre projet gouvernemental est que les excédents de la Sécurité́ sociale, obtenus à coups de restrictions budgétaires, participent désormais au désendettement de l’Etat. Pour ce faire, vous avez décidé́ de mettre fin, notamment, au principe de compensation intégrale, par l’Etat, des exonérations de cotisations sociales.
C’est un choix que nous récusons et qui nous a conduit à déposer une motion d’irrecevabilité́ constitutionnelle, hélas rejetée par tous les groupes de notre Haute Assemblée !
Ainsi, vous considérez les cotisations sociales, y compris les cotisations patronales comme des charges qui nuiraient à la compétitivité des entreprises, alors qu’elles sont la part socialisée des salaires perçus par les salarié.e.s.
Nous ne sommes pas les seuls à dénoncer ce PLFSS 2019, l’ensemble des caisses nationales de Sécurité sociale, réunies le 2 octobre 2019, l’a unanimement rejeté́. Une première à la hauteur d’une attaque sans précédent des principes fondamentaux qui gouvernent la Sécurité́ sociale.
Entre le remboursement du CICE pour l’année 2018 et la baisse de cotisations décidée pour 2019, les entreprises et les actionnaires vont recevoir un cadeau de Noël de 40 milliards d’euros ! Je précise bien qu’il s’agit d’un cadeau puisque les entreprises n’ont aucune contrepartie à fournir en échange. Et cette mesure inique se prend en parfaite harmonie avec la droite sénatoriale.
Dans cette logique, vous ajoutez des exonérations sur les heures supplémentaires, sachant pertinemment qu’ainsi vous les encouragez !
C’est un non-sens d’inciter les entreprises à développer les heures supplémentaires, alors que notre pays connaît plus de 11 millions de chômeurs et précaires. Rappelons que selon l’Observatoire Français des Conjonctures Economiques, la précédente exonération avait fait perdre plusieurs dizaines de milliers d’emplois.
La réalité de ce PLFSS 2019 est qu’il n’y aura pratiquement plus de cotisations patronales pour la sécurité́ sociale.
Et une fois que vous avez réduit les recettes, vous nous expliquez qu’il faut raboter les dépenses. L’hôpital n’a pas besoin de moyens supplémentaires, dites-vous, mais d’une réorganisation. Les personnels jugeront, elles et eux qui portent leurs services à bout de bras. Les infirmières sont en ce moment même dans la rue, et même devant votre Ministère, pour dénoncer, je cite « le mépris du gouvernement ».
Votre budget demande un tour de vis supplémentaire aux hôpitaux de 910 millions d’euros, quand la Cour des Comptes relève que le déficit des hôpitaux publics a quasiment doublé en 2017, atteignant 835 millions. Nous condamnons ce sous financement.
Et tandis que vous êtes d’une grande largesse avec ceux qui n’en ont pas besoin, vous imposez le quasi gel à 0,3% aux allocations familiales et aux pensions de retraites. L’inflation attendue étant de 1,7%, vos choix se solderont par une baisse de leur pouvoir d’achat.
Pour les retraité-e-s, cette mesure injuste additionnée à l’augmentation de la CSG va leur faire perdre 700 € par an, et entrainer pour 2020 une baisse du pouvoir d’achat pour huit retraité-e-s sur dix.
Quant à la majorité́ sénatoriale qui prétend les défendre, elle a aggravé la note en repoussant l’âge de départ à la retraite à 63 ans ! Alors, certes, madame la Ministre, contre votre avis, mais au nom, comme vous, de l’équilibre budgétaire et de VOTRE logique de faire peser les choix austéritaires sur la majorité́ des Françaises et des Français, déjà̀ fort malmené.e.s. Voyez la colère qui gronde un peu partout dans le pays, en ce moment.
La transformation de notre système de santé que vous appelez de vos vœux Madame la ministre, vous ne pouvez la faire avec seulement 400 millions d’euros. En totale contradiction d’ailleurs avec les 3,8 milliards d’euros de réduction des dépenses de santé prévues pour 2019.
Et ce n’est malheureusement pas un ONDAM à 2,5% qui va réellement améliorer la situation. C’est pourquoi nous portons un projet d’urgence pour les hôpitaux et les EHPAD publics avec la création de 100 000 nouveaux emplois hospitaliers pour répondre à la souffrance des personnels et des malades, 100 000 emplois par an, pendant 3 ans pour les EHPADS, avec un plan de formation et d’investissement à la hauteur des enjeux de société que représente le vieillissement de la population.
Les conséquences de ce PLFSS 2019, ce sont concrètement, malgré́ vos engagements, de nouvelles fermetures d’hôpitaux de proximité́ et singulièrement de maternités.
Face à notre amendement demandant un moratoire sur les fermetures d’hôpitaux et de services, vous nous avez répondu que les fermetures actuelles étaient justifiées pour les raisons de sécurité́. Comment y être insensibles, nous sommes des parlementaires responsables ? Mais vous trouvez, mes Cher.e.s Collègues, qu’accoucher dans sa voiture ou dans un camion de pompiers est plus « Secure » qu’à l’hôpital ?
Durant ces 5 jours, nous avons constaté que, si une partie de la majorité́ sénatoriale, dont le Président de la Commission des affaires sociales, pouvait partager avec notre groupe, l’impératif de défendre un financement de la Sécurité́ sociale par les cotisations contre l’accélération de l’Etatisation avec un financement par l’impôt, cela ne se manifestait pas dans les actes. Toutes nos propositions de suppression des exonérations patronales ont, en effet, été́ rejetées.
Nous avons été les seuls à proposer durant les débats de mettre à contribution les revenus financiers, de revenir sur les suppressions de cotisations sociales patronales, de proposer de mettre à contribution les entreprises selon leur politique salariale, notamment concernant l’égalité́ des traitements des femmes pour un travail de valeur égale et le respect de l’écologie. Nous avons été́ les seuls à proposer la suppression de la taxe sur les salaires dans les hôpitaux publics et les établissements privés à but non lucratif. Et nous allons rester vigilants quant à votre engagement à y travailler. Quant à la situation catastrophique de la psychiatrie, elle n’est pas prise en compte dans ce PLFSS, si ce n’est indirectement avec le dispositif IFAQ (incitation financière à l’amélioration de la qualité́) qui risque même d’aggraver les choses.
Nous aurons la maigre satisfaction que le Senat ait adopté la suppression de l’article 7 bis qui portait atteinte aux chèques vacances et aux prestations relevant des activités sociales et culturelles octroyées par les Comites Sociaux et Economiques (CSE) et remettait donc en cause le droit aux vacances pour les plus modestes.
De même pour la suppression de l’article 29 quinquies, introduit par l’Assemblée nationale, qui prévoyait un dispositif de réorientation des patients aux urgences vers la médecine de ville, alors que les déserts médicaux conduisent justement les patient-e-s à attendre pendant des heures aux urgences.
L’urgence, c’est d’embaucher 750 urgentistes et de rouvrir des lits d’aval.
Enfin, vous mettez en œuvre le remboursement 100% santé pour les prothèses dentaires, optiques et auditives. Mais, vous brouillez les pistes car ce sont bien les patient-e-s qui paieront vias les mutuelles qui ne manqueront pas d’augmenter leurs tarifs et/ou de réduire leur couverture. Pour mon groupe, ce qu’il faut mettre en œuvre, c’est le 100% Sécu.
Malgré́ quelques mesures positives que nous avons soutenues, ce PLFSS est aux antipodes de la satisfaction des besoins de santé dans notre pays et n’est pas de nature à faire reculer les renoncements aux soins ni les déserts médicaux.
En utilisant le budget de la Sécurité́ sociale pour réduire le déficit de l’Etat, votre gouvernement se livre au plus grand holdup du siècle et vous franchissez sans état d’âme la ligne rouge.
Pour toutes ces raisons, et pour faire écho à tous les témoignages que nous avons entendus lors de notre tour de France des hôpitaux et des EHPAD, le groupe Communiste républicain citoyen et écologiste votera contre ce Projet de loi de financement de la Sécurité́ sociale pour 2019.
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ELECTIONS DANS LA FONCTION PUBLIQUE:
AUX URNES FONCTIONNAIRES!

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