Alors que le débat sur le racisme a été très présent ces deniers mois, il a été fort peu question de la contribution des étrangers au rayonnement scientifique de notre pays. A-t-on entendu dans les médias, aux heures de grande écoute, ou lu dans la presse bien-pensante des références à la forte présence dans nos hôpitaux publics des médecins étrangers ou à tous ces chercheurs, souvent d’origine africaine et formés dans leur pays, qui travaillent dans les universités et dont la France bénéficie allégrement car immédiatement productifs et dans la force de l’âge ?
D’ailleurs, leur apport pose d’autres problèmes et met en évidence la nécessité de bâtir une coopération équitable entre les pays africains et la France, pour un développement scientifique commun… Et on n’oublie pas la lutte actuelle sur les droits d’inscription pour que les étudiants étrangers puissent continuer à venir en France. Étonnamment, on en parle rarement, alors qu’on devrait mettre en avant ce contre-discours, ce rappel qui pourrait s’avérer très utile face à l’extrême droite qui assimile inlassablement les immigrés à la délinquance, les présente comme intellectuellement inférieurs à la moyenne, incapables de quoi que ce soit, ne contribuant en rien à la richesse du pays. Écouter notre contre-discours pourrait en outre aider à « débloquer » une situation politique délétère, à démonter des mensonges massivement relayés à des fins électoralistes.
Alors pourquoi y fait-on si peu référence? Serait-ce parce que en parler sérieusement signifie replacer la question du travail au centre du débat et faire prendre conscience que nous ne sommes, avant tout, ni plus ni moins que des salariés partageant le sentiment d’être en partie exploités par le même système qui a pour boussole non pas le bien collectif mais le seul profit (qui peut parfois contribuer, si peu que ce soit, au bien collectif, bien que ce ne soit pas son but premier) ? Tout se passe comme s’il fallait éviter cette idée que, salariés, nous faisons tourner le pays, que pour cela nous recevons les mêmes fiches de paie, que nous voyons nos conditions de travail se dégrader et sommes pareillement exposés aux risques au travail. Et pourtant nous gardons l’envie du travail bien fait, avec cette caractéristique bien française qui est de vouloir à tout prix donner à son travail un sens, d’en faire autre chose qu’un simple un gagne-pain.
Ainsi, rappeler cette évidence qu’il y a des Noirs, des Arabes, des Asiatiques qui soignent et sauvent des vies, qui transportent ou font tourner les usines, les centres de recherche, etc., ceux-là mêmes que nous avons applaudis au balcon à 20 heures en pleine période de confinement Covid-19, nous incite à voir les choses différemment et contribue à dégonfler un tas de problèmes. Mais cette approche n’est jamais vraiment bienvenue pour les obsédés de l’« identité » de tous acabits, car cela casse leur fonds de commerce.
Bien sûr, cela ne suffit pas à lutter contre le racisme, car c’est un combat culturel plus global qu’il faut mener, mais cela y contribuerait fortement. Si les personnalités politiques de gauche, et au-delà, pouvaient l’entendre, ce serait un grand progrès!
Amar Bellal,
(*) Editorial par Amar Bellal, rédacteur en chef de la revue Progressistes
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