Devenus une source importante d'informations, les réseaux sociaux sont l'enjeu d'une féroce bataille idéologique.
Ils pourraient être un outil d'émancipation et de convivialité , le Capital et ses commis populistes, obscurantistes, complotistes en font un outil de manipulation redoutable.
Les infox (les médias préfèrent dire "fake news", pour montrer leur culture américaine) y circulent masquées mais nombreuses et chacun de nous s'y laisse prendre un jour ou l'autre.
Alors soyons prudents comme le rappelle l'article de Roger Martin que Rouge Cerise publie ci-dessous.
R.C.
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Régulièrement, par le biais de sites inconnus ou sulfureux, circulent sur Internet et finissent dans nos boites des ignominies qui se parent des mots usurpés de VÉRITE et de JUSTICE.
Le drame, c’est lorsque, trompés par une indignation feinte ou une malhonnêteté incurable, ce sont les nôtres qui se font les propagandistes de textes qui sont tout sauf innocents.
Le dernier à avoir échoué dans ma boîte m’est venu d’un ami, un camarade que j’apprécie, auquel je ne ferai qu’un reproche, celui de se laisser emporter par son sens de la révolte et de ne pas toujours vérifier certaines sources.
Voilà en effet que divers médias connus ou de l’ombre sont en train de transformer en victime et en sainte Christine Deviers-Joncour, ex-maîtresse de Roland Dumas (ce qui était son droit le plus strict…) et surtout pièce plus importante qu’elle n’a cessé ensuite de le proclamer dans divers scandales financiers et politiques de l’ère mitterrandienne que rappelle avec talent l’écrivaine Dominique Manotti dans son Nos fabuleuses années Fric.
Comme ces courtisanes royales qui, après des décennies de turpitudes, viraient à une dévotion ostentatoire et à une bondieuserie tartuffesque, Madame Deviers-Joncour vient aujourd’hui jouer les vierges effarouchées et nous dispenser des leçons de morale et de conduite.
Le plaidoyer qui circule proclame qu’ « elle vit modestement dans un village du Périgord noir où elle écrit des livres et s’adonne à des actions caritatives », omettant de signaler qu’elle possède toujours des biens dans la capitale (ce qui est, une nouvelle fois, son droit) et que sa propriété du Périgord n’est pas réellement une chaumière, que ses livres – confidentiels – ne se signalent pas par une écriture et un contenu bouleversants, enfin que ses actions caritatives, dont on ne trouve trace que sur quelques sites complotistes, restent très obscures.
En revanche, le texte sulfureux qu’elle signe après avoir été présentée comme une combattante mérite assurément d’être lu avec des lunettes grossissantes permettant de voir entre les lignes. Comme tout ce que cette dame publie sur son compte Facebook ou divers sites comme @APAR.TV, il s’agit d’un flot de bile incontrôlable où les accusations vérifiables sont totalement écrasées par un délire de haine et un prurit de dénonciation qui ne s’encombrent pas de subtilités.
Amis qui répandez la prose de cette dame, sachez qu’outre sa campagne anti-vax moyenâgeuse où s’accumulent contre-vérités et mensonges, on la retrouve partout où le complot règne en maître, en compagnie, selon le moment, de François Asselineau, de Sylvano Trotta, qui croit aux OVNI mais pas à la science, de Marion Sigaud, passée de l’OCI à Debout la République, sans oublier René Cassen, Alain Soral, Éric Zemmour et quelques seconds couteaux RFN.
Et puis, comment ne pas s’étonner du cynisme de cette dame ? Voilà qu’elle dresse une longue liste d’abominations en martelant toutes les trois lignes « J’ai vu… », un procédé rhétorique qui lui permet de tenter de transformer en vérités révélées les affirmations les plus grotesques.
Comment ne pas se poser deux questions, alors ?
Si, réellement Christine Deviers-Joncour a vu tout ce qu’elle prétend ici, comment expliquer qu’elle n’ait jamais été condamnée pour complicité, même passive, autrement que pour escroquerie ?
Et surtout, comment comprendre que cette dame qui, sur Facebook, s’en prend violemment à Jean-François Delfraissy, ex-Président du Conseil Scientifique, en écrivant : « Le conseil sanitaire est dissout et Delfraissy crache dans les médias, crache sur tout ce qu’il a fait faire au gouvernement durant deux ans. Comme on aurait aimé de cet homme qu’il le fasse quand il était en fonction, avec ses amis. Comme on aurait apprécié ce courage, cette bravoure, s’il s’était opposé à cette époque, avec ses arguments d’aujourd’hui. Mais non, il est à l’origine des confinements, des AUSWEIS*, de la suspension des personnels non vacciné (sic), de la vaccination obligatoire, du passe sanitaire… se soit, elle, tu, pendant près de trente ans ?
Comme on aurait aimé, nous, que cette femme parle plus tôt, au moment où elle voyait, de ses propres yeux, ce qu’elle dénonce si tardivement ! Comme on aurait apprécié ce courage, cette bravoure dont elle fait grief à Delfraissy d’avoir manqué !
En 1998, alors que la ville de Toulon était tombée aux mains du FN, j’avais été invité à la Fête du Livre démocratique, qui doublait la Fête du Livre organisée par la municipalité. Le samedi, FR3 présentait cette manifestation qui devait montrer la résistance face à l’extrême-droite. La seule écrivaine (sic) interviewée était madame Deviers-Joncour, dont le livre La Putain de la République battait des records de vente. Le dimanche, je découvris que j’étais placé à côté d’elle. Je devais signer mon Main basse sur Orange. Je refusais, expliquant en sa présence au libraire que c’était justement des gens comme elle qui avaient, par leur corruption et leur cynisme, fait le lit du FN.
Tout le dimanche, je la vis minauder, se poser en victime, se faire prendre en photo avec des gens venus « saluer son courage » ( !).
Quant à moi, agressé par deux nervis d’extrême-droite sans réaction de la vingtaine des autrices et auteurs présents, que le bruit de la controverse gênait au point qu’une écrivaine, qui signerait bientôt dans Libération un beau texte contre…l’extrême-droite, alla même se plaindre au libraire avant de changer de place, je ne pus compter que sur le seul soutien de Didier Daeninckx que ma femme était allée prévenir alors qu’il signait dans un stand voisin…
Alors, amis et camarades, je sais bien qu’on ne peut tout savoir, tout connaître, mais, s’il vous plaît, avant de diffuser un texte, prenez un minimum de précautions !
Fraternellement,
Roger Martin
*Madame Deviers-Joncour ne va pas aussi loin que ceux de ses amis anti-vax qui ont osé se comparer aux juifs obligés de porter l’étoile jaune, ou évoquer le pass-nazitaire, mais comment ne pas s’indigner de cette allusion à l’Ausweis, cette « carte d’identité » imposée par les occupants nazis aux Français courant 1943 !