13 mai 2017 Par Caroline De Haas
En décembre 2016, des écologistes du 18ème m'ont proposée d'être candidate aux législatives dans leur circonscription face notamment à Myriam El Khomri. L'objectif ? Rassembler toutes celles et ceux qui s'étaient mobilisé.e.s contre la Loi travail et son monde pour gagner cette circonscription face à une candidate qui incarne les renoncements du quinquennat.
Dès décembre, après une rencontre avec les écologistes du 18e, j'ai contacté les forces de gauche (France Insoumise, le PCF, Nouvelle Donne comme des proches de Benoît Hamon) pour échanger avec eux sur la possibilité de créer une candidature de rassemblement. Chacun était pris dans les logiques de la présidentielle, mais tous m'ont dit que cela avait du sens. Personne n’était fermé à l’idée.
En février, nous avons testé l'idée auprès des habitantes et habitants du 18e. Dans la rue, un par un, nous avons posé à 800 personnes la question de ma candidature. Fin février, une réunion publique a rassemblée 120 personnes dans laquelle nous avons décidé de lancer la campagne. Depuis, nous menons chaque jour des actions de terrain, du matin devant les métros au soir en porte à porte, en passant par les diffusions devant les supermarchés ou les déambulations sur la pause déjeuner. Nous déclinons nos priorités : emploi, écologie, éducation et égalité. Nous participons aux mouvements sociaux, comme le 4 mai, où j'étais la seule candidate de la 18e présente aux côtés des salariés de Tati. Nous proposons également une transformation radicale de la pratique du pouvoir. Je me suis par exemple engagée à publier l'intégralité de mes dépenses et à ne faire qu'un seul mandat.
En deux mois, plusieurs milliers de personnes ont souhaité recevoir notre programme. Aujourd'hui, nous sommes plus d'une centaine à participer activement à la campagne. Parmi nous, 80% de personnes qui ne sont pas adhérentes d'un parti politique. Plus d'un tiers n’avait jamais participé à une campagne. Beaucoup sont venus par l'engagement féministe, d'autres suite à la pétition #LoiTravailNonMerci. La plupart d'entre nous ont voté Mélenchon, d'autres ont voté Hamon ou Poutou. Certains ont voté au second tour, d'autres non.
Notre objectif est clair : gagner. Nous voulons élire à l'Assemblée nationale une députée qui résistera à la Loi travail n°2 (voir ici une tribune signée avec François Ruffin sur les ordonnances), à la suppression des postes de fonctionnaires ou à la remise en cause des engagements de la France sur le climat. Une candidature qui porte des propositions pour créer des emplois (voir le rapport 1 million d'emploi pour le climat) ou pour lutter contre la fraude fiscale (je suis à ce jour la seule candidate de la circo à avoir signé les 15 propositions pour la solidarité).
Pour cela, plusieurs conditions : un programme clair et ambitieux, un rassemblement de toutes les forces motivées dans l'arrondissement et une candidature qui puisse être majoritaire. Notre objectif était également de créer une campagne citoyenne, innovante, inclusive et participative. Une campagne qui s'appuie sur les organisations politiques de l'arrondissement tout en allant au delà d'une addition d'appareils. Le pari est presque réussi. Presque.
En mai, après plusieurs demandes, la France Insoumise du 18e a enfin accepté une rencontre. Nous avons réuni autour de la table EELV, le PCF, Ensemble et le Parti de gauche pour échanger sur l'idée d'une candidature commune à toutes nos dynamiques. Nous avons expliqué que la suppléance à ma candidature n'était pas fixée et qu'il était possible pour nous d'envisager un ticket. Cette discussion (très cordiale !) a montré deux désaccords avec France Insoumise. Pas sur le fond, nous partageons le même programme (il suffit de regarder le projet proposé par La 18 citoyenne pour le constater). Il s'agit de désaccords stratégiques. On pourrait se dire "alors si c’est stratégique, ce n'est pas très grave". Je ne suis pas d'accord. Le programme est fondamental, la stratégie l'est aussi.
Deux désaccords donc.
Le premier porte sur le rassemblement de la gauche. La "proposition" faite par la France Insoumise, dans le 18e comme presque partout en France, est assez simple : ralliez vous. Proposition non amendable bien sûr. Leur pari est que seule la dynamique de la France Insoumise peut gagner et que les voix faites par Jean-Luc Mélenchon au premier tour iront toute aux candidats insoumis. Pari risqué. D'autant plus que dans la circonscription, les voix seules de Mélenchon (qui risquent fort, en plus, de ne pas se reporter automatiquement) ne permettent pas de gagner. Macron est à 33%, Mélenchon à 23% et Hamon à 13%. La droite est largement en deçà de son score habituel. Nous avons donc besoin d'élargir la dynamique de la France Insoumise pour gagner en rassemblant toutes les organisations et les énergies de l'arrondissement. La France Insoumise pense le contraire. Premier désaccord.
Le deuxième porte sur la personne la mieux placée pour gagner. Une élection législative, lorsqu'il s'agit de s'opposer à la majorité présidentielle, se gagne notamment sur la capacité à créer une dynamique locale, à mobiliser et rassembler l'électorat, à créer l'événement. Nous avons besoin d'une personne pour incarner cette dynamique, la France Insoumise est bien placée pour le savoir. Entre la présence de Myriam El Khomri sur la circonscription et la volonté de Macron de faire une Loi travail n°2, plusieurs partis politiques comme des dizaines d'habitantes et d'habitants plaident pour que je l'incarne. Le candidat de la France Insoumise nous a alors expliqué (je mets des guillemets, je cite), que "la Loi travail, c'était loin" (gloups) et que "la pétition ne représentait plus grand chose" (re-gloups). Il a donc maintenu qu'il était plus légitime à incarner cette dynamique. Deuxième désaccord.
Ce qui ne sera pas dit dans cette réunion et que j'apprendrai après, c'est que la décision de ne pas me soutenir n'a pas été discutée par les Insoumis du 18e. Elle a été prise ailleurs.
La campagne lancée depuis 3 mois par la 18 citoyenne rassemble des dizaines de citoyennes et citoyens n'ayant jamais milité de leur vie, elle est soutenu par EELV et le PCF, par des militant.e.s d'Ensemble*, du NPA*, des insoumis.e.s, des hamonistes, des féministes et des syndicalistes. Cette volonté de la France Insoumise d’être l’unique organisation politique à partir seule à la bataille est incompréhensible. Ne pas vouloir participer à ce rassemblement, dans la 18e comme ailleurs, présente un risque majeur : faire gagner la droite. Les jours passent, et avec eux s'éloigne la possibilité de partir groupés.
Je veux encore y croire. Nous allons nous battre de toutes nos forces pour que cela n'arrive pas et créer les conditions de la victoire de la gauche et des écologistes dans l’arrondissement.
Caroline De Haas