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Le 11 février 1957, il y a 63 ans aujourd’hui, notre camarade Fernand Iveton était guillotiné à Alger bien qu’il n’ait tué ni même blessé qui que ce soit.

Son  histoire tragique est méconnue des militants et totalement ignorée du grand public car, il faut bien le reconnaître, les directions successives de notre parti n’ont guère souhaité  s’y attarder.

Il est vrai qu’elle nous ramène à la période où notre parti, bien qu’il ait toujours été clair sur la nécessité de lutter contre le colonialisme,  a beaucoup hésité sur la façon de la mener et a eu du mal à définir une ligne cohérente vis à vis de ce qui se passait en Algérie.

L’engagement de nos camarades algériens était à la fois plus évident et plus immédiat mais s’agissait-il « d’un travail de masse »  ou « d’actions d’aventuriers » ? L’appréciation des communistes pouvait ne pas être la même suivant le côté de la méditerranée et donc le contexte où l’on se trouvait…

Se remémorer  l’action de Fernand Iveton c’est refuser d’occulter ou pire de renier une histoire dont nous sommes, dans sa complexité, les héritiers c’est aussi honorer la mémoire  d’un camarade qui paya de sa vie son engagement communiste. 

 

 

 

 

Fernand Iveton est né en 1926 à Alger. Ouvrier tourneur, il milite au Parti Communiste Algérien et adhère à la CGT de l'usine à  Gaz d'Alger où il travaille. 

 

Pas plus que ses camarades, Maurice Laban, Henri Maillot, Pierre Gnanissa, Maurice Audin, Henri Alleg et bien d’autres encore, Fernand Iveton  ne pensait que  son  «origine» européenne pesait dans son engagement: son pays, l’Algérie, était la proie d’un système injuste, le colonialisme, il fallait l’en débarrasser, c’était aussi simple que cela.

 

Il s’enrôla  donc tout naturellement dans les Combattants de la libération (CDL), structure clandestine armée, créée par le Parti communiste algérien alors interdit. 

 

Les CDL furent ensuite absorbés par le FLN et c'est dans ce cadre que Fernand Iveton prépara  un attentat  visant l'usine  où il travaillait. Il faut noter que cet attentat ne devait faire que des dégâts matériels et en aucun cas causer de victimes. Cet impératif fit l'objet d'une attention minutieuse. L'attentat n'eu jamais lieu car Fernand Iveton fut  arrêté  le 14 Novembre 1956 avant même d'avoir pu placer la bombe.

 Fernand Iveton au moment de son arrestation (archives Ina)

 

Il fut d'abord torturé par des policiers, comme cela était alors la règle : décharges électriques sur le  corps, supplice de l'eau puis  jugé par le tribunal militaire d’Alger 10 jour seulement après son arrestation. Il fut condamné à mort.   

Les réactions ne furent  pas à la hauteur de l'injustice. Même si, comme aimait à le rappeler notre camarade Albert Cordola, la fédération CGT de l'énergie se mobilisa pour obtenir sa grâce. Jacques Duclos la demanda  au Président de l'époque René Coty, qui n’y était pas opposé mais qui  dut tenir compte    du refus du Garde des sceaux François Mitterrand et du Président du Conseil Guy Mollet.  Fernand Iveton devait mourir, l’Algérie Française l’exigeait.

 

 Rue Fernand Iveton à Oran

 

Il  a été guillotiné en même temps que 2 autres militants nationalistes le 11 février 1957 à la prison de Barberousse à Alger. Au pied de l’échafaud il a embrassé ses deux compagnons condamnés à mort, Mohamed Ouenouri et Mohamed Lakhnèche et a crié « l'Algérie libre vivra ! »

 

Gilles Perrault  à sans doute raison quand il  écrit (1):

"L’acte d’Iveton fut une divine surprise pour un gouvernement français qui redoutait de voir sa politique algérienne condamnée à la prochaine session des Nations unies. La capture d’un « terroriste » communiste d’origine européenne permettait de relancer la thèse d’une rébellion inspirée par Moscou pour faire basculer l’Algérie dans le camp soviétique. Il fallait une condamnation à mort suivie d’exécution pour donner à Iveton la stature convenable à cet emploi imprévu d’agent de la subversion internationale. "

 

Mais cela ne saurait occulter le message de notre camarade: « Iveton ne voulait pas d’une explosion-meurtre. Il voulait une explosion-témoignage. » a écrit l'historien Pierre Vidal_Naquet (2). Il souhaitait par son geste montrer à la population algérienne que tous les pieds-noirs n’étaient pas ses ennemis et que les communistes se rangeaient à ses côtés.

 

C'est ce message insupportable et dangereux pour le colonialisme qu'il a payé de sa vie et dont les communistes d'aujourd'hui ne peuvent qu'être fiers.

 

Enver

Article écrit en souvenir de Maurice Baglietto, dit "momo", qui du Ruisseau (El Anasser) à Alger participé à 70 ans de luttes communistes et m'en a fait découvrir certaines.

 

   

(1) Un pied-noir dans la révolution algérienne. Le destin oublié de Fernand Iveton. Présentation de Gilles Perrault dans le Monde diplomatique. Août 1987 . P27

(2) Préface de Pierre Vidal-Naquet, pour "Pour l’exemple, l’affaire Fernand Iveton" de Luc Einaudi ( L’Harmattan, 1986)

 

 

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Tag(s) : #SE FORMER - COMPRENDRE, #TRIBUNE LIBRE
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