Dans une France traumatisée par la guerre, ses morts et ses destructions, puis traumatisée par la défaite, cette divine surprise des capitalistes, qui a apporté son lot de prisonniers ; dans un France où une partie de la population, fuyant devant l’armée d’occupation, vient juste de vivre un tragique exode; dans une France où le Parti communiste a été interdit et où ses militants sont traqués ; oui, dans cette France là, il n’est sûrement pas simple d’ analyser la situation et d’en tirer un appel à l’action contre le régime de Pétain.
C’est pourtant ce que tente de faire, avec un certain succès, « Peuple de France », texte signé au nom du PCF par Maurice Thorez et Jacques Duclos. Cet appel a été publié il y a 80 ans aujourd’hui : le 10 juillet 1940, jour où l’Assemblée nationale vote, à Vichy, les pleins pouvoirs à Pétain.
Rouge Cerise publie ci-dessous ce document. Son intérêt historique est évident et son actualité surprenante.
Comment après la crise sanitaire, cette divine occasion pour les capitalistes de s’en prendre à nos conquis sociaux, ne pas penser aux « jours d’après » quand on y lit, par exemple :
« Qui peut relever la France ? C'est la question qui se pose. Ce ne sont ni les généraux battus, ni les affairistes, ni les politiciens tarés qui peuvent relever la France; ils ne sont bons qu'à la trahir et à la vendre. Ce n'est pas dans les milieux corrompus du capitalisme que peuvent se trouver les éléments de la renaissance nationale. C'est dans le Peuple que résident les grands espoirs de libération nationale et sociale. »
ou
« Mais s'il faut panser les plaies, il faut aussi reconstruire; reconstruire pour le bien de la collectivité et non pour fournir l'occasion de nouveaux profits aux maîtres et protégés de ces Messieurs du gouvernement de Vichy.
Il faut remettre la France au travail mais en attendant, il faut assurer le pain quotidien aux sans-travail. Et pour remettre le pays au travail il faut mobiliser les ressources de la Nation, en confisquant tous les bénéfices de guerre et en effectuant un prélèvement massif sur les grosses fortunes »
« Peuple de France » est un document dont les communistes peuvent être fiers !
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Commémoration de l'Appel du 10 juillet 1940 signé par Jacques Duclos et Maurice Thorez
Maurice Thorez (Secrétaire général du PCF) et Jacques Duclos (Secrétaire du PCF)
Discours de Cyril Benoit, membre de la direction de section de Montreuil du PCF, le 12 juillet 2017.
Mesdames, messieurs,
Chers amis, chers camarades,
Le 10 juillet 1940, alors que, dans une France écrasée et occupée par les armées nazies, l’Assemblée nationale, réfugiée à Vichy, votait à une grande majorité les pleins pouvoirs au maréchal Pétain, deux dirigeants communistes, Maurice Thorez et Jacques Duclos, signaient un appel au peuple de France.
Alors que le PCF était interdit et ses militants et dirigeants emprisonnés ou passés dans la clandestinité, cet appel fut néanmoins imprimé à 600 000 exemplaires, diffusant une lueur d’espoir dans un pays meurtri par la défaite, coupé en deux et se préparant à entrer dans l’une des pires phases de son Histoire, marquée par la soumission et la collaboration. Face à une défaite écrasante, Duclos et Thorez pointaient les responsabilités des élites politiques et économiques dans celle-ci et lançaient un appel à la réorganisation populaire et communiste, ce qui se traduira concrètement par la participation essentielle et incontournable du PCF dans la Résistance, aux côtés de forces très variées.
De cette époque et du processus lancé par l’appel du 10 juillet, notre parti hérita du titre à la fois tragique et glorieux de « Parti des fusillés ». Ce titre, nous l’avons aujourd’hui encore à l’esprit, à l’heure où les héritiers directs de la Collaboration attirent un nombre croissant de suffrages aux élections, profitant, comme dans les années 1930, de la catastrophe sociale provoquée par le capitalisme, et détournant la colère de la population contre celle-ci.
Forts de cette leçon de l’Histoire, nous savons que la menace de l’extrême-droite ne peut être prise à la légère et conscients de nos responsabilités, nous avons appelé à infliger la défaite la plus large possible à Marine Le Pen aux élections présidentielles. Comme l’a réaffirmé à cette occasion notre Conseil national : « Nous ne prendrons jamais le risque de laisser entre les mains de l'extrême droite la gestion du pays et du pouvoir d’État, les libertés publiques, la sécurité de notre territoire et celle du monde ».
Notre pays est aujourd’hui confronté, une fois encore, aux désordres mondiaux provoqués par le capitalisme : la crise de 2008, résultat inévitable de la spéculation financière mondialisée, continue de produire ses effets destructeurs de l’emploi et des services publics et sert de prétexte à la négation de la souveraineté populaire et nationale au nom de la lutte contre les déficits. Les interventions militaires impérialistes, menées dans le but de conquérir de nouveaux marchés – et bien mal dissimulées par le masque de la lutte pour la liberté et les droits de l’Homme – ont mis à feu et à sang des régions entières de la planète. Par un terrible effet boomerang, augmentés du racisme, de l’exclusion sociale et de la perte de sens, ces conflits ont frappé notre pays dans des attaques terroristes plus barbares les unes que les autres.
Face à cette situation, la tentation est donc grande pour beaucoup de recourir de nouveau à une figure tutélaire, qui, parée des atours de la nouveauté imposerait sa volonté personnelle pour balayer un système à bout de souffle. Là aussi, les mots de l’appel du 10 sont là pour nous rappeler que, même dans les moments les plus difficiles, l’issue ne peut jamais provenir d’un homme providentiel, doté des pleins pouvoirs, que celui-ci se nomme Louis-Napoléon Bonaparte, Philippe Pétain, Guy Mollet ou autre.
Relisons donc les mots de l’appel du 10 juillet : « Qui peut relever la France ? C'est la question qui se pose. Ce ne sont ni les généraux battus, ni les affairistes, ni les politiciens tarés qui peuvent relever la France ; ils ne sont bons qu'à la trahir et à la vendre. Ce n'est pas dans les milieux corrompus du capitalisme que peuvent se trouver les éléments de la renaissance nationale. C'est dans le Peuple que résident les grands espoirs de libération nationale et sociale. »
Ne retombons pas dans le piège : le renouvellement, le changement, pour qu’ils conduisent vers plus de justice sociale, ne peuvent se faire qu’avec l’intervention active et soutenue du peuple, des travailleurs. Dans le cas contraire, le renouvellement proclamé ne sera jamais que la perpétuation de l’ancien sous une autre forme.
Au risque de tomber dans la commémoration de la commémoration, je citerai les mots prononcés en 1977 par Gaston Plissonnier, dirigeant du PCF, lors du dévoilement de la plaque apposée sur l’immeuble où fut rédigé l’appel du 10 juillet, boulevard Mortir à Paris : « C'est notre conviction, que les profonds changements inscrits à l'ordre du jour de l'histoire nationale ne sauraient être l'œuvre ni d'un seul homme, ni d'un seul parti. Ils sont et doivent être l'affaire du peuple français lui-même, unique dans sa diversité, comme ce fut le cas autrefois pour la lutte de libération nationale. »
Photo blog d' El diablo
TEXTE DE L’APPEL DU 10 JUILLET 1940
Vidéo de la cérémonie de commémoration de l'Appel du 10 juillet 1940, organisée boulevard Mortier à Paris 20ème, le 10 juillet 1977, avec notamment le discours de Gaston Plissonnier.