Tribunes d' Éric Bocquet Sénateur Communiste du Nord
Big Mac ! 4,6 milliards de dollars distribués aux actionnaires
Le « super giant triple XXL mega king size hamburger” vient de sortir chez McDonald’s. On connaît les dimensions hors normes de cette multinationale, leader mondial de la restauration rapide avec plus 38 000 « restaurants » dans 119 pays, les deux tiers de la planète ! Chaque jour, ce ne sont pas moins de 70 millions de client.e.s qui y sont servis.
En termes d’emplois, McDonald’s est le deuxième employeur privé au monde avec plus de 2 millions de salarié.e.s sous enseigne. Notre pays joue un rôle particulier dans la domination mondiale de la marque. Nous sommes, en effet, le deuxième marché au monde en termes de chiffres d’affaires, juste derrière les Etats-Unis. L’enseigne y emploie plus de 75 000 salarié.e.s dans près de 1 500 « restaurants ».
Il y a quelques jours, une ONG, ReACT*, a publié un rapport qui nous permet, de manière très documentée, de comprendre comment ce géant de la restauration rapide vit cette pandémie planétaire. Disons-le d’emblée, ça ne se passe pas mal du tout.
Hormis le poids économique évident de ce mastodonte, Mc Donald’s sait tirer profit de toutes les aubaines qui se présentent. C’est ainsi qu’ils ont distribué environ 4,6 milliards de dollars à leurs milliardaires. Quelle est leur recette ? L’entreprise doit sans doute disposer des meilleurs directeurs financiers au monde.
McDonald’s émarge à tous les guichets publics existant dans notre pays. Il y a d’abord une politique salariale claire, les bas salaires y sont très majoritaires. Les entités sont quasi exclusivement constituées de moins de 50 salariés, ce qui permet d’échapper à l’obligation de leur verser une participation (environ 1 000 euros par an).
McDo a bénéficié, depuis 2013, du fameux CICE. Selon l’ONG, les montants se situeraient entre 300 et 400 millions d’euros. Suivi par les allègements de cotisations, estimés à 135 millions par an pour les années à venir.
McDo s’était publiquement engagé à créer 20 000 emplois, à la date d’aujourd’hui, nous en sommes à 10 000… Ils ont aussi bénéficié du chômage partiel. Ils peuvent facilement « négocier » leurs loyers, puisqu’ils sont propriétaires des locaux qu’ils occupent via une filiale. Ils bénéficient aussi de primes pour l’embauche de jeunes, 45 millions d’euros par an, et enfin, la suppression des impôts de production leur fera économiser 11 millions par an. Voilà le plus gros hamburger du monde. Avec McDonald’s, c’est le beurre, l’argent du beurre et les cuisses de… Marianne, c’est-à-dire nous tous !
Merci ReACT pour ce beau travail !
*Le rapport de ReACT sera analysé et commenté dans le prochain numéro d’Alternatives Economiques en février
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Mauvaise blague Carambar
L’exemple parfait du capitalisme financiarisé
Nous nous sommes rendus en délégation, vendredi dernier, sur le site de l’usine Carambar de Marcq-en-Barœul. Les salariés y sont en lutte depuis plusieurs semaines après l’annonce par la direction du transfert de l’activité sur un site voisin de Bondues. Rien de délirant dans cette idée de déménagement mais, au passage, elle prévoit une baisse de la rémunération des 112 salariés. Décision absolument inacceptable.
Thierry Gaillard, PDG du groupe Carambar & Co a déclaré : « Certains niveaux de rémunération sont déconnectés du marché ». Alors, on essaie d’explorer le sujet et l’on découvrira que l’usine fait partie d’une galaxie beaucoup plus large, elle est même planétaire, elle appartient au groupe Eurazeo.
Eurazeo, c’est un fonds d’investissement qui gère un portefeuille de 430 entreprises. Un montant de 18.8 milliards d’euros d’actifs sous gestion, hormis Carambar, Poulain, Kréma, Lutti, La Pie qui chante, Rochers Suchard… il est présent dans de très nombreux domaines, finance et services financiers, plus de 3 400 banques et institutions dans l’UE, production d’énergie durable, agroalimentaire…
Eurazeo est dirigé par un Conseil de surveillance qui compte des membres « prestigieux », un ancien collègue LR du Sénat, l’épouse d’un PDG de la Société Générale, la Présidente de la Française des jeux récemment privatisée… Ces gens-là préfèrent les dollars aux caramels.
L’action du groupe a crû de 18% entre 2013 et 2018. Lors de l’Assemblée générale des actionnaires du 30 avril 2020, il fut décidé d’augmenter le dividende de 10% afin, je cite le compte-rendu, « de récompenser les actionnaires détenant des titres au nominatif de façon continue pendant au moins deux ans… » Fichtre ! Voilà une illustration concrète et parfaite de ce que l’on appelle le capitalisme financiarisé. Donc, ce n’est pas pour ces valeureux dirigeants, le capital qui coûte cher, mais le travail.
La direction avait proposé aux salariés une prime d’incitation de 8 000 euros, ramenée subitement à 3 000 euros, puis dégressivité des salaires sur quatre ans pour arriver au niveau des salaires de l’usine Lutti de Bondues…
Au fait, dans ma pérégrination documentaire sur Eurazeo, j’ai découvert que le groupe avait une entité au Luxembourg, « Eurazeo Funds Management », ceux qui s’occupent des sous, et l’adresse c’est 25 boulevard Royal… Ça ne s’invente pas. On va gratter un peu !
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