Les Bolloré, Drahi, Arnault, Dassault, Lagardère, Bouygues, ou encore le trio Bergé-Niel -Pigasse ont fait main basse sur les médias, sur l’information, sur la culture et ils dénaturent l’idée même de démocratie.
Aujourd’hui, tout le monde parle, mais surtout les médias, des oligarques Russes que l'Union Européenne a décidé de punir avec ses sanctions dans le but d'isoler Poutine. Quelques bateaux de luxe ont été saisis, des comptes sont bloqués notamment ceux liés aux pays de l'évasion fiscale. A entendre les médias, les oligarques n'existeraient qu'en Russie et seraient le mal Russe qui rongerait le pays avec Poutine qui déclare la guerre à l'Ukraine. Efficaces ou pas ces sanctions ? C'est une autre question.
Un article de fond publié par le site Cairn en 2020 met en évidence que la France aussi a ses oligarques dont la puissance financière et leur mainmise sur une partie des activités industrielles du pays s'interpénètrent étroitement avec les banques et le politique au point d'influer les choix politiques dans le sens de leurs intérêts particuliers contre l'intérêt général.
Ces oligarques Français existent bel et bien et sont très connus ! Regardons de près ce que nous dit cet article de Cairn.
En France, cinq des sept quotidiens nationaux sont la propriété de quatre des dix plus grandes fortunes du pays : la première (Bernard Arnault) contrôle Les Échos et Le Parisien, la cinquième (Serge Dassault), Le Figaro, la sixième (Patrick Drahi), Libération, la dixième (Didier Niel), Le Monde. Seuls la Croix et l’Humanité sont indépendants des milieux industriels et financiers.
Le constat ne s’arrête pas aux quotidiens nationaux ; l’audiovisuel privé (chaînes de télévision et de radio), la presse magazine et la presse spécialisée sont contrôlés par des conglomérats industriels, la presse régionale est, elle, sous l’étroite dépendance des banques, le Crédit mutuel et le Crédit agricole essentiellement.
En moins de dix ans, le paysage médiatique a été bouleversé et a vu apparaître de nouveaux intervenants, Bernard Arnault (LVMH, rachetant Les Échos et Investir, Le Parisien – Aujourd’hui en France, après avoir pris le contrôle de Radio Classique, du Monde de la musique ou encore de Connaissance des arts), Xavier Niel (actionnaire du groupe Le Monde, avec Télérama, les publications de la Vie catholique puis du Nouvel Observateur et Rue 89, aux côtés de Pierre Bergé et de Matthieu Pigasse, le codirecteur de la banque Lazard et propriétaire des Inrockuptibles), Vincent Bolloré (actionnaire entre autres de Vivendi et du groupe Canal Plus), enfin Patrick Drahi (rachetant tour à tour Libération, le groupe L’Express et sa vingtaine de magazines, puis le groupe NextRadioTV et ses chaînes de télévision BFM et RMC, avant de prendre la contrôle d’un groupe de presse spécialisée Intescia, éditeur de Stratégies).
L’intérêt d’industriels du luxe (Bernard Arnault), du téléphone (Xavier Niel), d’un conglomérat international présent dans les secteurs de l’énergie, de l’agriculture, du transport, de la logistique, du fret maritime et de la publicité (Vincent Bolloré), des télécommunications (Patrick Drahi) pose des questions essentielles à la vie politique et à la démocratie;
Ces industriels ont toujours affiché leur soutien à ceux qui serviront au mieux leurs intérêts économiques. Certains, comme Vincent Bolloré, adoptant même des postures caricaturales et brutales dans les médias dont ils ont pris le contrôle.
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Vincent Bolloré est partisan des méthodes brutales et se considère comme un patron de droit divin qui s’immisce dans tous les rouages de ses sociétés.
Si Lagardère, Drahi et Bolloré se comportent comme des industriels soumis aux dogmes financiers des banques et investisseurs, ils n’oublient pas qu’ils sont à la tête de médias qui ont une influence politique.
N’est-ce pas Bolloré qui avait mis son yacht à disposition de Nicolas Sarkozy dès le soir de son élection de la présidence de la République ?
N’est-ce pas Lagardère qui avait licencié Alain Genestar pour avoir publié une photo de Cécilia, l’épouse de ce même Sarkozy en une de Paris Match en compagnie de son amant à New York ?
N’est-ce pas Bernard Arnault, propriétaire d’un groupe de l’industrie du luxe (LVMH), qui rachète le quotidien populaire Le Parisien ?
Ce rachat, comme celui du Figaro par Serge Dassault, et le maintien du Journal du dimanche dans le giron du groupe Lagardère apportent la preuve que ces milliardaires ont aussi le souci du contrôle de l’information en direction du lectorat populaire.
La financiarisation de leurs groupes respectifs ne leur fait pas oublier que les résultats des élections leur permettront de renforcer leur influence sur l’exécutif et d’obtenir en permanence la nécessaire adaptation des règles de fonctionnement du système capitaliste à leurs stratégies.
Un spécialiste des médias n’a pas caché que « M. Drahi est peut-être intéressé par l’influence. Être propriétaire de Libération, de l’Express ou NextradioTV, cela peut aider à entrouvrir les portes de l’Élysée et des ministères. »
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Par ailleurs, directement (dans le cas de Bolloré, par exemple) ou indirectement, par l’intermédiaire de directeurs de rédaction aux ordres des propriétaires (Alexis Brezet au Figaro ou Laurent Joffrin à Libération, par exemple), les lignes éditoriales sont toutes verrouillées, identiques et monocolores ; on a raison de parler de pensée unique quand on constate la censure des opinions adverses et de la diversité et une information dénuée d’esprit critique et de mise en perspective.
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La confusion entre information, relations publiques et publicité est portée à son paroxysme. Par là même, les médias aux mains des industriels exercent une influence de plus en plus forte sur le discours public et font fi de l’intérêt public pour privilégier leurs intérêts particuliers.
Les industriels des médias ont trahi le Conseil national de la Résistance et tourné le dos à son programme, qui avait pour objectif de sanctuariser la presse et l’information vis-à-vis des puissances d’argent.
Ils ont trahi ceux qui, en novembre 1945, au sein de la Fédération nationale de la presse française (FNPF), n’hésitaient pas à déclarer dans une déclaration solennelle : « La presse n’est pas un instrument d’objet commercial mais un instrument de culture ».
Les Bolloré, Drahi, Arnault, Dassault, Lagardère, Bouygues, ou encore le trio Bergé-Niel -Pigasse ont fait main basse sur les médias, sur l’information, sur la culture et ils dénaturent l’idée même de démocratie.
Mis en ligne sur Cairn.info le 22/03/2020
https://doi.org/10.3917/lp.385.0017