Intervention de Jérémy BACCHI au nom du PCF
Madame le Maire de Sarrians, Mesdames messieurs les élus, les présidents et représentants des associations d’anciens combattants, Résistants et Déportés, les Représentants des corps constitués, mesdames et messieurs membres de l’association des Amis d’Albin Durand et Antoine Diouf,
Chers amis, Chers Camarades,
Cette cérémonie du 01 août à Sarrians est toujours un moment particulier. Un moment où l’histoire entremêle le tragique et l’héroïque.
Le côté tragique de cet été 1944, prend ici, à Sarrians, toute sa mesure.
Ici, ceux qui ont trahis la France, ses valeurs républicaines et humanistes, ont plongé encore plus dans une folie meurtrière et désespérée. Sentant la fin du régime collaborationniste et l’effondrement à venir du Reich nazi sous les coups de boutoirs des soviétiques et des alliés, il leur fallait assouvir leur soif de sang et leur haine.
Alors toutes celles et ceux qui, sans attendre le tournant des opérations militaires, avaient résisté à l’occupation devenaient pour eux des victimes toutes désignées.
Antoine DURAND et Albin DIOUF faisaient partie de ceux-là. Pas question pour les collabos de permettre que survivent à la guerre ces hommes de lumière, humanistes dans l’âme. Eux qui avaient fait le choix de l’entraide, de la liberté et de la fraternité.
Pour les collabos sanguinaires il fallait les exterminer en les faisant souffrir le plus possible.
C’est cette haine, cette détermination à tuer, nourries d’un anti-communisme primaire et associé dans ces esprits malades au racisme, à l’antisémitisme, qui expliquent les événements tragiques de ce 01 août 1944, à Sarrians.
Depuis leur entrée en résistance, Albin et Antoine agissent, motivent, fédèrent, cachent et protègent toutes celles et tous ceux qui comme eux refusent l’ordre établi par les nazis et leurs supplétifs collabos.
Tout cela, l’ennemi le sait. Leur engagement communiste leur vaut une surveillance accrue de la part des autorités préfectorales et hélas aussi, des délations de la part de collaborateurs sarriannais.
Et c’est ainsi, que ce jour funeste, un commando de tueurs français, membres du PPF, de la Milice et de la Gestapo, appuyé par la troupe allemande, investit le village de Sarrians, à la recherche des résistants communistes et en particulier de la famille Durand.
Le passage de cette horde meurtrière marquera à jamais l’histoire de Sarrians. Dès son arrivée, elle exécute froidement des villageois : Paul Roux, chrétien humaniste, mort pour avoir porté secours au jeune Marcel Chassillan, et Lucien Faraud, résistant, qui passait aux abords du Café du Casino.
Albin Durand et Antoine Diouf sont ensuite arrêtés, interrogés, brutalisés, torturés avec un degré de barbarie que seuls des être dépourvus de toute humanité peuvent atteindre.
Leur supplice révulse l’immense majorité de la population sarrianaise qui par son silence ou son appui discret a, tout au long de l’occupation, apporté un soutien essentiel aux résistants du village et du département.
Aujourd’hui encore, la population villageoise se souvient et commémore ce triste jour.
Mais au-delà de sa commémoration, cette histoire tragique et l’exemple du combat d’Albin, d’Antoine et de tous leurs camarades, doivent nous servir de rappel. La République, la Démocratie et nos libertés publiques ne sont pas définitivement acquises mais le fruit de conquêtes et de combats permanents.
Quand le poison de la division, de la haine et de l’intolérance se diffuse doucement mais surement dans la société, alors il devient une menace mortelle pour la cohésion nationale. Il ouvre la porte à la guerre civile. Comme durant l’occupation, des corps de l’Etat, comme la préfectorale ou la police peuvent alors basculer et accélérer cette pente mortifère.
Aujourd’hui comment ne pas regarder avec inquiétude la montée de la violence et de l’intolérance dans notre société contemporaine. Chaque semaine des permanences du parti communiste sont vandalisées. Des parlementaires reçoivent des menaces de mort. Des domiciles d’élus locaux et de militants sont attaqués de nuit avec la volonté manifeste de porter atteinte à leur personne et à leurs familles.
Un glissement inquiétant de la parole publique ouvre des brèches dans l’état de droit et parle d’accorder des droits ou des pouvoirs spéciaux pour le maintien de l’ordre. Pouvoirs spéciaux qui tourneraient le dos à nos principes fondamentaux et constitutionnels.
Nous avons le devoir d’alerter et de résister face à ce péril, face au racisme, face à l’abandon des principes républicains.
Tout comme Antoine et Albin qui n’ont cessé de réunir les gens de bonne volonté, dans la diversité de leurs opinions et religions, pour bâtir une France libre, solidaire et fraternelle : la France de Jours Heureux. Celle qui a mis en œuvre le programme du Conseil National de la Résistance avec ses avancées sociales majeures qui demeurent encore aujourd’hui malgré des attaques incessantes.
Oui leur exemple et leur courage doivent guider encore notre action, que nous soyons élus, militants, citoyennes et citoyens engagés pour une société plus fraternelle.
Les périls d’aujourd’hui ne sont plus ceux de 1944. Mais hélas, les idées de haine perdurent, ressassées et alimentées par celles et ceux qui ont fait de la division leur fonds de commerce électoral.
Il est fondamental de leur opposer un large front républicain comme ce fut le cas durant la Résistance. Une période durant laquelle communistes, gaullistes et socialistes arrivèrent à surmonter leurs divergences dans un but ultime : sauver la France, son honneur et la rétablir dans son rang de grande nation.
Fidèles au martyr de nos résistants, nous devons œuvrer pour que notre pays, nos enfants ne connaissent pas à nouveau ces jours horribles où des français ont massacré d’autres français parce qu’ils ne pensaient pas comme eux et qu’ils voulaient l’avènement d’une société plus juste et fraternelle.
C’est cet esprit qui m’anime en tant que responsable communiste. Il anime aussi toutes les militantes et tous les militants de notre parti.
Chacune et chacun garde à l’esprit ces vers d’Aragon, décrivant le supplice de nombreux de nos camarades torturés et morts sous les coups et les balles des nazis ou des traites à la Patrie.
Et si c'était à refaire
Je referais ce chemin
Sous vos coups chargés de fers
Que chantent les lendemains
Il chantait lui sous les balles
Des mots sanglants est levé
D'une seconde rafale
Il a fallu l'achever
Une autre chanson française
À ses lèvres est montée
Finissant la Marseillaise
Pour toute l'humanité *
79 ans après le supplice d’Albin et d’Antoine, le verbe résister se conjugue toujours au présent.
Missak et Mélinée MANOUCHIAN rentreront bientôt au Panthéon.
Par ce geste fort, la Nation reconnaît enfin le rôle déterminant de la Résistance communiste dans la libération. C’est pourquoi Albin, Antoine et tous les autres reposeront aussi parmi les grands personnages qui ont fait l’histoire de notre pays et qui ont permis nos libertés d’aujourd’hui.
* Balade de celui qui chanta dans les supplices - Louis Aragon
Quelques photos de la cérémonie