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Pour ce quatre-vingtième  anniversaire de l'assassinat de nos camarades, l'association des Amis d'Antoine Diouf - Albin Durand avait organisé jeudi dernier, une remarquable évocation, à plusieurs voix, des évènements qui ont endeuillé   Sarrians le 1er août 1944. Elle fut suivie par une assistance aussi fournie qu'attentive.

Comme chaque année,  depuis 1945, un représentant du Parti communiste français prononce un discours au début de la cérémonie commémorative qu'organise la municipalité. Waldeck Rochet, qui devint par la suite Secrétaire général du PCF, prononça le premier et cette année, c'est notre camarade Anne-France Breuillot, qui a pris la parole au nom du Parti Communiste. Rouge Cerise publie ci-dessous le texte de son allocution.

RC

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Madame le Maire de Sarrians, Mesdames et Messieurs les élus, Présidents et représentants des associations d’anciens combattants, résistants et déportés, représentants des corps constitués, membres de l’association des Amis d’Albin Durand et Antoine Diouf, chers amis, chers camarades,
Quatre-vingt ans aujourd’hui.
Et depuis quatre-vingt, tous les ans, le 1er août, à Sarrians, ceux qui n’ont jamais accepté que le crime auquel se sont livrés des français contre d’autres français, dans la nuit du 1er août 1944, tombe dans l’oubli, se réunissent pour leur rendre hommage.
Ici, à Sarrians, la folie meurtrière de français collaborationnistes et fascistes s’est abattue contre ceux qui avaient résisté, avant et pendant la guerre et l’occupation, aux horreurs du fascisme, du nazisme et de sa répression. 
Ce crime a eu lieu 15 jours seulement avant le débarquement de Provence, et 24 jours avant la libération de Sarrians.
Ce jour-là vers 19 heures un commando composé de membres du PPF et de la GESTAPO, protégés par des soldats allemands a investi Sarrians à la recherche de communistes et de résistants. Ils ont fait tirer sur la place pour semer la terreur, provoquant la mort de Paul Roux, qui avait tenté de porter secours à un jeune blessé, et de Lucien Faraud, agent de liaison de la résistance, de passage ce jour-là.
Puis le commando, toujours à la recherche de membre du parti communiste et de la résistance, s’est ensuite rendu dans la ferme d’Albin Durand et l’ont arrêté avec Antoine Diouf, son ouvrier agricole et camarade de lutte.
Ils les ont interrogé et torturé pendant des heures avant de les tuer.
Le corps d’Albin Durand sera retrouvé le cuir chevelu scalpé, la poitrine défoncée, les jambes sciées, une balle de revolver derrière la nuque.
Celui d’Antoine DIOUF sera retrouvé brûlé, les muscles en tumeur et les os cassés portera des traces de coups, également achevé par un coup de révolver. 
Aucun d'eux ne parlera et les réseaux de résistance qui devaient se réunir dans la ferme le lendemain, entre-temps avertis, seront préservés.
Après le crime, les tortionnaires ont pillé et incendié la ferme.
Ce n’est que le 28 août, après la libération de Sarrians, que l’exhumation des corps, enterrés près de la ferme sera ordonnée, et plus de 5000 personnes assisteront aux funérailles.
Ce crime atroce n’a pas été accompli par la seule armée allemande mais par des français contre d’autres français.
Nous savons aujourd’hui que les hommes qui constituaient ce commando étaient membres des « groupes d'action pour la justice sociale » bras armés du PPF, le Parti fasciste français, et que ces groupes avaient été créés à la demande de l'occupant allemand pour réduire la résistance intérieure.
Après la guerre, les principaux responsables du commando échapperont à la condamnation qu’ils méritaient. 
Ils parviendront à s’enfuir, le plus souvent dans les fourgons de l’armée allemande. 
Leur chef Jacques Tricon se réfugiera au Brésil, Jacques Tourrou, agent allemand et employé de la préfecture au STO, au Maroc et tous deux ne seront définitivement jugés qu'après la dissolution des Cours de justice de la libération, par des tribunaux militaires, sur des dossiers vides.
Le premier sera acquitté, le second condamné à une peine de 6 ans de travaux forcés qui ne sera jamais exécutée et même amnistiée en 1962. Un autre membre du commando, Pierre Terrier, qui avait gagné le territoire allemand, ne sera jamais retrouvé.
Alors que nous honorons aujourd’hui, la mémoire d’Albin Durand et d’Antoine Diouf, il est de plus en plus évident que le combat pour lequel ils ont donné leur vie n’a pas été définitivement remporté. 
Et cela pas seulement parce que leurs principaux assassins n’ont pas été condamnés.
Mais aussi parce que, comme l’a écrit Bertolt Brecht :


Vous, apprenez à voir, plutôt que de rester
Les yeux ronds. 
Agissez au lieu de bavarder.
Voilà ce qui aurait pu pour un peu dominer le monde ! 
Les peuples en ont eu raison, mais il ne faut 
Pas nous chanter victoire 
Il est encore trop tôt 
Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde. 

 

Qu’est devenu le combat pour lequel Albin et Antoine ont donné leur vie ?

Des principes politiques, économiques et sociaux ont été proclamés, pour la première fois, à la libération. 
Ce sont pour eux qu’Albin, Antoine, et tant d’autres ont résisté et pour lesquels ils ont été tués.
A la libération, ont été consacrés dans le préambule de la constitution de 1946, pour la première fois :
-    L’égalité des femmes et des hommes, 
-    Le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi
-    L’interdiction des discriminations en raison des origines et des opinions
-    Le droit d’asile
-    La garantie pour chacun à la protection de la santé de la sécurité matérielle, du repos et des loisirs
-    Le droit d’avoir des services publics
-    Le droit des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises
-    Le droit de grève
-    Le droit de nationaliser les monopoles de fait…
Tous ces principes ne sont pas encore effectifs et, reconnaissons-le, ceux qui avaient été arrachés, comme la sécurité sociale ou les services publics, reculent depuis 30 ans.
Parce que nous avons fini par croire qu’il s’agissait de privilèges, et que nous n’avons pas su résister à ce discours.
Et c’est parce que nous n’avons pas su résister que reviennent aujourd’hui les forces de la division et de la guerre.
En 2024, remontent d’un peu partout, y compris des grands médias d’information, des discours de haine et d’intolérance. 
On parle de nouveau de donner des droits différents aux travailleurs selon leurs origines, de faire le tri entre les citoyens.
Les dernières élections européennes et législatives nous montrent que le danger est devant nous.
Chaque jour, des signes alarmants de violence et d’intolérance se manifestent. Des milices défilent ouvertement dans les rues. La parole raciste se libère.
L’on fiche des militants politiques. Il devient dangereux de manifester. Les gens ne se parlent plus mais s’invectivent par réseaux sociaux interposées.
Il n’y a plus d’argent pour la sécurité sociale ou pour nos services publics et l’on répète sans cesse que les français vivent au-dessus de leurs moyens quand la pauvreté explose et que le coût des biens de première nécessité n’a jamais été aussi élevé.
L’on stigmatise le chômeur immigré mais l’on feint de ne pas voir qui travaille dans les exploitations agricoles, sur les chantiers de travaux public ou dans les entrepôts de logistique. Et dans quelles conditions.
Et l’on augmente sans cesse les budgets militaires. 
Et l'on nous parle de guerre.
Il y a urgence à organiser la résistance aujourd’hui entre tous les citoyens, pour faire en sorte que ces forces de mort ne l’emportent pas, pour que vive l’espoir d’un monde meilleur, solidaire et fraternel.
Que la mémoire d’Albin Durand et Antoine Diouf soit notre guide.

 

Anne-France Breuillot

Militante de la section de Carpentras

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