Article du blog d'André Chassaigne
La semaine écoulée aura décidemment été très riche en annonces concernant l’avenir des territoires de la République. Alors que le Président de la République énonçait sa volonté de supprimer 7 ou 8 régions, l’Assemblée nationale examinait une nouvelle fois le projet de transfert du plan local d’urbanisme (PLU) au niveau intercommunal (PLUI) dans le cadre du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR). Décidément, la démocratie territoriale est dans l’œil du cyclone !
Pour le volet régional, l’objectif est de tailler dans les dépenses publiques, en faisant croire que moins de régions, c’est plus d’efficacité dans leurs missions. En réalité, cette annonce brutale répond point par point aux injonctions de la Commission européenne. Depuis l’adoption du pacte budgétaire européen, la Commission mène une croisade sans merci contre la dépense publique. Les collectivités font partie des cibles privilégiées : par leurs investissements, par les services publics locaux qu’elles développent, elles sont de mauvais élèves de la pensée libérale.
L’autre mauvaise nouvelle concerne la remise en cause du texte issu du Sénat sur le transfert des PLU vers les intercommunalités. La Haute assemblée, prioritairement compétente en matière de représentation des collectivités territoriales, comme l’énonce l’article 24 de la Constitution, avait institué un dispositif d’équilibre, garantissant le respect de la volonté des communes, en particulier des communes rurales, avec une minorité de blocage d’un quart des communes représentant au moins 10 % de la population. Mais ce compromis a été foulé aux pieds à l’Assemblée nationale, au profit d’un passage en force quasi systématique.
Les maires ruraux sont parfaitement capables de prendre des décisions relatives à un PLU intercommunal et ils n’admettent pas qu’elles leur soient imposées. Pour être de qualité, la mise en œuvre d’un PLU intercommunal doit impliquer le maire et conseils municipaux dans le cadre d’une réflexion partagée avec leur population. Mais qu’en sera-t-il, demain, avec des PLU obligatoirement à l’échelle intercommunale ? Notre conception de la démocratie n’est pas celle qui consiste à mépriser les élus en cherchant à leur imposer des décisions.
Si j’insiste beaucoup sur ce point, c’est parce que ce sont aujourd’hui les fondements de l’identité républicaine et de la solidarité communale qui sont mis en cause. Tout au long des débats sur les réformes territoriales qui s’accumulent, je ressens le fossé qui se creuse entre les élus locaux et des élites technocratiques, gonflées au pseudo réalisme libéral qui veut que la « bonne gouvernance » s’impose par le haut. L’expertise démocratique des élus locaux, comme les moyens humains et financiers mis à leur disposition, sont sans cesse dévalorisés, rognés, rejetés. Cette pensée dominante du « ce sera mieux avec moins d’élus », « ce sera mieux à une échelle territoriale plus grande », accompagnée des bons mots de « cohérence » ou « d’efficacité », est la négation même de l’intérêt populaire et de l’implication citoyenne au plus près des préoccupations du quotidien.
La fracture qui existe actuellement entre les Français et leurs responsables politiques, que l’on constate tous les jours, sépare aussi désormais les élus locaux, notamment ruraux, de ceux qui décident à l’échelon national. Comment ne pas prendre conscience de cette situation ? Comment ne pas comprendre que la politique du rouleau compresseur ne peut avoir que des effets désastreux ?
Chronique publiée dans le journal La Terre.
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