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"On a vaincu l'armée nazie en 45, mais on n'a pas vaincu l'idéologie nazie. Et actuellement, on assiste à des dérives, dans toute l'Europe"

Walter Bassan

C'est avec une profonde émotion et une grande tristesse que nous avons appris le décès de notre camarade Walter Bassan, Président de la FNDIRP (*),  le mardi 5 septembre 2017 à La Tour en Haute-Savoie.

Ce décès qui survient peu après celui de notre camarade Albert Cordola, lui aussi résistant à 17ans, déporté, communiste, nous rappelle que  les héros survivants de cette époque sont de moins en moins nombreux et que c'est à nous, aujourd'hui, que il appartient de porter leur témoignage  et leurs valeurs.

Transformons notre tristesse en engagement! 
 

R.C.

(*) FNDIRP:Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes

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Walter Bassan Paroles de Résistance 2017

(Extrait de l’ouvrage "Walter : une vie de résistances" par Claire Rosler)

« Je voudrais dire avant tout que la vie vaut la peine d’être vécue. Je suis un militant de base, un homme de terrain, dont le parcours semé de terribles épreuves a fait un citoyen conscient de ses responsabilités. J’apporte ma pierre à ce combat pour la défense inconditionnelle de l’être humain et des valeurs démocratiques. Ma conviction profonde est que, quels que soient le lieu de naissance et la couleur de peau, il y a une seule race, la race humaine qui mérite d’être respectée et défendue. A toutes les époques il y a eu des hommes et des femmes qui se sont battus pour une société meilleure, qu’il s’agisse des esclaves dans l’antiquité ou des révolutionnaires de 1789, sans oublier les Résistants de 1940-1944, les opprimés ont toujours fini par gagner. Il faut donc poursuivre le combat contre les inégalités, sans tomber dans la lassitude, le pessimisme ou le désarroi ambiant, car les victoires résultent d’un engagement constant. On n’est pas citoyen par intermittence, ni en surface : la conscience citoyenne s’ancre profondément dans l’être et l’accompagne sa vie durant. La société de consommation actuelle a tendance à enfermer les gens dans des attitudes individualistes où chacun s’isole, vit pour lui-même et sa sphère privée. Pour en sortir, il faudrait ré-instaurer les liens entre les personnes et reconstruire une société plus solidaire, qui permette un partage plus égalitaire des richesses et offre une promotion à chaque être humain. Notre société trop souvent mécanique, froide et impersonnelle, souffre d’une déshumanisation, de logiques strictement comptables et de perspectives à courte durée. Une citoyenneté bien comprise devrait instaurer davantage de partage, de fraternité et de liberté pour conduire des actions créatrices d’avenir. Choisir de résister, c’est faire un choix de vie, pour préserver la vie, et ce choix engage pour toute une vie. Aucun retour en arrière n’est possible. On ne peut pas effacer les leçons de l’histoire apprises au contact d’évènements si douloureux. Résister au nazisme hier, c’était une décision qui s’imposait à moi. Lutter constamment contre les dérives, qu’elles soient fascistes, nazies, néo-nazies, xénophobes, liberticides, inégalitaires ou individualistes, est un moteur permanent dans mes orientations de vie, aujourd’hui comme hier. J’espère que nous serons nombreux à faire du mot « Résistance » un moyen contemporain pour inventer une société meilleure. Nous devons résister, encore et encore. 
 

Walter Bassan

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"Walter Bassan, notre « Walter », nous a quittés"

par Alexandra Rollet, Vice-Présidente de la FNDIRP,

 

 

Mardi, une affreuse nouvelle a circulé dans les rangs de la FNDIRP, Walter Bassan est décédé …

En raison d’un état de santé qui s’est dégradé rapidement, cette terrible nouvelle, nous a tous frappés au cœur. Notre Walter vient de nous quitter, et pour toujours, au terme d’une pénible maladie.

Walter Bassan, notre camarade, résistant dès 1943 à l’âge de 17 ans, détenu dans les prisons de Pétain, et déporté dans les camps de concentration nazis, portait, à jamais inscrit dans son cœur, le calvaire enduré dans les griffes de la police française, sous le joug de la milice, et dans l’enfer des camps de la mort …

Walter est né le 5 novembre 1926 à Rovigo, dans la région de la Vénétie, au nord-est de l’Italie. Il est le troisième, d’une famille de cinq enfants. Dès 1924, ses parents, Thérèse et Gino Bassan, combattent la milice fasciste de Mussolini. Gino Bassan, après un séjour en prison, et suite au harcèlement dont il fait l’objet, n’a d’autre choix que de quitter l’Italie. Il part travailler dans les mines Belges, puis, pour se rapprocher de sa famille restée en Italie, trouve du travail à Annemasse en Haute-Savoie, ce qui lui permet en 1930, de faire venir sa femme et ses enfants. C’est ainsi que Walter arrive en France, l’année de ses 4 ans. Pour Thérèse et Gino Bassan, la France est une terre d’accueil et de liberté. Ils commencent une nouvelle vie, veulent s’intégrer totalement, et couper tout lien avec l’Italie fasciste. Ils demandent la naturalisation française, qui est accordé à toute la famille, en 1934. Dans les années qui suivent la situation politique qui devient préoccupante en France, est souvent évoquée par les parents de Walter, qui baigne, dès son plus jeune âge, dans une atmosphère prédestinée à la résistance qui va orienter sa vie. Il obtient son certificat d’études en 1939 et participe, comme tous les étés, aux travaux des campagnes (moissons, récoltes, vendanges), permettant à Walter et ses frères, d’apporter une aide à leurs parents. Dès la déclaration de guerre, Gino Bassan perd son emploi, et la famille déménage à Annecy, où Gino, va aider clandestinement la résistance. En juin 1940, suite à l’invasion nazie, l’armistice est demandé par Pétain, qui s’engage dans la collaboration avec Hitler. La république est abolie, pour faire place, au régime de Vichy. La devise « Travail, Famille, Patrie », s’est substituée à l’adage républicain, « Liberté, Egalité, Fraternité ». Walter, attentif à l’analyse de ses parents, sur l’évolution des évènements, comprend que le régime de Vichy est complice des fascismes, et des idéologies d’extrême droite. En 1942, il arrête ses études, et démarre une vie active. Dès 1943, repéré par un recruteur, il commence à exécuter de petites missions clandestines, puis rejoint ses deux frères aînés, Dominique et Serge, au maquis FTP 93.27, qui exerce ses activités sur Annecy et sa région, parallèlement, il adhère aux Jeunesses Communistes. Walter et son frère Serge, sont arrêtés sur dénonciation le 23 mars 1944, et sont internés à l’Intendance, à Annecy, où, à 17 ans et demi, Walter connait les mauvais traitements et tortures. Transférés à la prison Saint-Paul à Lyon, les deux frères sont déportés le 29 juin, et arrivent à Dachau le 2 juillet, après un voyage épuisant, sans boisson, ni nourriture. Walter pénètre dans l’enfer des camps nazis. Il n’est plus Walter Bassan, mais le matricule 75823. Il découvre le processus mis au point par les nazis : l’extermination par le travail. Le 15 juillet, Walter est séparé de Serge, qui est envoyé dans un kommando extérieur. Le 2 août, Walter est transféré au Kommando de Kempten, où il passera de longs mois dans les camps de la mort, à lutter contre la faim, le froid, les coups et la maladie. Il tiendra jusqu’à l’arrivée de l’armée américaine, et sera rapatrié à Annecy, en mai 1945. Deux membres de ma famille étaient ses compagnons d’infortune, depuis la prison Saint-Paul jusqu’à Kempten, mon père et mon grand-père. Nous en avons beaucoup parlé, plus tard, avec Walter. Son frère Serge ne rentrera pas. Il est décédé le 2 mars 1945, à Ohrdruf, kommando de Buchenwald.

Titulaire de nombreuses décorations, dont la médaille de la résistance, la Croix de guerre 39/45, la médaille militaire, la légion d’honneur dont il a été élevé au titre d’officier le 15 avril 2016, et les palmes académiques, dont il été élevé au titre d’officier, également le 15 avril 2016.

         Mon cher Walter, voilà brièvement rappelés, tes mérites et le dévouement dont tu as fait preuve, aux heures les plus sombres de l’histoire de notre pays, la lutte que tu as menée pour la liberté, l’indépendance nationale, et la dignité humaine.

         Dans les années qui ont suivi ton retour des camps nazis, tu as eu la satisfaction de voir, mise en place, la Sécurité Sociale, un des programmes du Conseil National de la Résistance, et même d’y faire carrière. Fidèle à tes convictions, tu en seras un responsable syndical et un délégué du personnel.

         Installé dans la région d’Annecy, tu as consacré tous tes efforts, à la transmission du message des déportés, et à la mémoire. Tu prendras la responsabilité du poste de secrétaire, de l’association départementale des Déportés et Internés, Résistants et Patriotes de Haute-Savoie, dont tu seras un membre très actif, mettant toute ton énergie pour l’obtention des droits et pensions des déportés. Tu consacreras d’immenses efforts, couronnés de succès, pour la réussite du Concours National de la Résistance et de la Déportation en Haute-Savoie.

Tu deviendras en 2013, Président de la Fédération Nationale des Déportés et Internés, Résistants et Patriotes, dont la Secrétaire Générale, Anita Baudouin, nommée elle aussi en 2013, exprime combien elle est affectée de ne pouvoir être présente aujourd’hui, pour raisons de santé,  le jour de ton dernier départ. La Fédération Nationale, créée en 1945 sous l’égide de Marcel Paul et de Frédéric-Henri Manhès, a aidé au rapatriement et aux soins médicaux des déportés, en mettant en place un dispensaire, rue Leroux à Paris, pour soigner les pathologies liées à la déportation, un centre de réadaptation fonctionnelle, puis plus tard un centre hospitalier, et enfin, une maison de retraite médicalisée, le tout à Fleury-Mérogis. 

         L’affection fraternelle dont tu nous entourais, t’avais donné une place particulière dans le cœur de chacun, Déportés, Internés, et Familles, au sein de la FNDIRP.

         A présent, tu ne seras plus des nôtres, ton sourire, ta sympathie, feront toujours défaut à nos réunions.

         Nous, tes amis, tes camarades, qui connaissons bien la valeur de ton engagement, la valeur des sacrifices consentis à la Nation, nous inclinons respectueusement devant toi, et t’adressons une dernière fois, nos très fraternelles pensées.

         A ta compagne, ta fille et petite-fille, nous présentons nos condoléances très sincères, et les assurons de notre affection, en souvenir de toi.

 

         Adieu Walter, tes camarades ne t’oublieront jamais.

         Alexandra Rollet
         Vice-Présidente de la FNDIRP

         La Balme de Sillingy, le 8 septembre 2017.

 

Photos prises aux obsèques de Walter

Gilles Perret, le réalisateur de “Walter, retour en résistance”, “La Sociale”...

Notre camarade, Alexandra Rollet, Vic-Présidente de la FNDIRP

 

Tag(s) : #AGENDA
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