Lien vers l'article sur la-bas.org publié le 28 février 2019
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Mercredi 20 février, les négociations sur l’assurance chômage ont été rompues, sans que les représentants de salariés et de patrons ne trouvent d’accord, ouvrant la voie à la reprise en main par l’État.
C’est le genre d’infos qu’on voit passer rapidement, dont on entend vaguement parler à la radio, mais qu’on laisse filer, comme ça, sans y attacher plus d’importance, tant la question est vidée de son contenu politique par certains journalistes. Et pourtant : qui gère les 35 milliards d’euros de l’assurance chômage ? Qui décide de la façon dont sont indemnisés les chômeurs ? Pourquoi les négociations ont échoué, et qui y avait intérêt ? Voilà quelques questions simples que les médias dominants oublient de poser ! Heureusement, Gérard Filoche est là pour y répondre :
Depuis sa fondation en 1958, l’assurance chômage est administrée par un organisme paritaire, l’Unédic, cogéré par les syndicats de patrons et de salariés. Le principe est simple, et c’est celui, fondateur, de la Sécurité sociale : ce pot commun est abondé par les travailleurs et les patrons grâce à une partie de la richesse créée, c’est donc à eux de le gérer et de décider comment on utilise l’argent. Pas à l’État. C’est ce qu’on appelle le paritarisme.
Et c’est bien ce principe, le paritarisme, qui embête Emmanuel Macron, qui aimerait se débarrasser du contrôle des syndicats pour pouvoir faire ce qu’il veut avec le pactole – 35 milliards d’euros – de l’assurance chômage. À savoir : indemniser moins, moins longtemps, et contrôler plus ces chômeurs qui n’attendent qu’une chose, « bénéficier des allocations chômage pour partir deux ans en vacances [1]. »
Mais pour reprendre la main, l’État a besoin d’un prétexte : l’échec des négociations paritaires. Pour être bien certain de les envoyer dans le mur, Emmanuel Macron s’est doté d’un nouvel outil : la loi Avenir professionnel, votée en septembre 2018, a donné au gouvernement le pouvoir de définir en amont les objectifs de la négociation. Une « lettre de cadrage » : parlez entre vous, mais à la fin, ça doit être comme ça ! Dès lors, il ne reste qu’à fixer des objectifs inaccessibles aux parties, en l’occurrence 4 milliards d’économies, pour s’assurer que les négociations échouent, et obtenir ce prétexte que l’on cherche pour contourner les syndicats. C’est précisément ce qui vient de se passer.
Une belle mise en scène, relayée avec entrain, destinée à cacher l’objectif réel du gouvernement : détricoter un à un les principes fondateurs de la Sécurité sociale. Macron avait déjà rogné le mode de financement autonome de la Sécu (en remplaçant les cotisations salariales par un impôt, Là-bas si j’y suis en parlait en octobre dernier), aujourd’hui, il s’attaque à la gestion de la Sécu par les salariés – l’autre « verrou » qui empêche les néolibéraux de bazarder notre système social comme ils l’entendent.
Et Macron de signer son forfait avec une nouvelle petite phrase moqueuse : « Chaque jour, dans le pays, on dit : "corps intermédiaires ! Démocratie territoriale ! Démocratie sociale ! Laissez-nous faire !" Et quand on donne la main, on dit : "Mon bon Monsieur, c’est dur… reprenez-la [2]. »
Notes
[1] Christophe Castaner, « La liberté, ce n’est pas de se dire que, finalement, je vais bénéficier des allocations chômage pour partir deux ans en vacances », BFMTV, 16 octobre 2017.
[2] France 2, « Assurance chômage : la phrase cinglante d’Emmanuel Macron », 22 février 2019.