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Malgré la crise sanitaire et les mesures de protection qu'elle impose, malgré la chaleur  (plus de 40°  dans l'après-midi) et enfin malgré la pluie d'orage qui s'est mise à tomber pendant la cérémonie, il y avait à peine moins de monde que  les années précédentes  à la cérémonie commémorant l'assassinat de nos camarades Antoine Diouf et Albin Durand  ainsi que les évènements tragiques du 1er août 1944 à Sarrians.

Avant l'intervention de Madame Anne-Marie Bardet, Maire de la commune, Roger Martin  a pris la parole au nom du Parti Communiste Français. Françoise et Rolande ont déposé  une gerbe sur laquelle était inscrit  "À nos camarades, le Parti Communiste Français"

Rouge Cerise publie ci-dessous le discours de Roger Martin.

 

R.C.

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2020  Discours de Roger Martin au nom du Parti communiste français

 

 

Madame le Maire de Sarrians, Mesdames et Messieurs les élus, les Représentants des associations d’Anciens Combattants, Résistants et Déportés, des Corps constitués, Mesdames et Messieurs les Amis d’Antoine Diouf et Albin Durand, Mesdames, Messieurs, chers Amis et chers Camarades…

 

76 ans ont passé. 76 ans déjà. Personne ici aujourd’hui, devant ce monument, à Sarrians, qui puisse dire qu’il a vécu la tragédie que nous allons évoquer. Sauf, peut-être, un enfant, soudain affronté à l’explosion de la haine.

76 ans que, chaque année, respectant fidèlement une tradition qui a résisté au temps et aux aléas de la vie politique, se retrouvent en ce lieu le premier magistrat de la ville et un représentant du Parti communiste, comme un symbole exemplaire du pacte que signèrent pendant la guerre des hommes et des femmes que des horizons politiques, philosophiques ou religieux différents, et même parfois éloignés sinon opposés, n’avaient pas empêché de s’unir au nom de leur volonté commune, chevillée au corps et au cœur, forte et inébranlable, libérer la patrie profanée et préparer ces lendemains que leur programme, celui du Conseil National de la Résistance, avait baptisé Les Jours heureux.

Cette commémoration de Sarrians a pris, c’est en tout cas ce que je ressens profondément, une signification de plus en plus forte au cours des dernières années. J’ai été moi-même un élu, je n’ai jamais cessé d’être un citoyen engagé et à ce double titre j’ai participé à de très nombreuses cérémonies. Pourtant, il m’est arrivé d’éprouver comme une sorte de malaise parce qu’il me semblait, peut-être à tort, que ces rassemblements, répondant plus aux habitudes et au calendrier des manifestations communales, s’étaient ancrées dans une sorte de train-train, pour ne pas dire de routine. Quelques discours, plus ou moins bons, souvent convenus et répétitifs, la sonnerie aux Morts, une Marseillaise parfois expéditive, avant le vin d’honneur et la dispersion. Somme toute, une célébration parmi d’autres, entre inauguration d’un boulodrome et ouverture d’une foire agricole, parce que c’est ainsi, parce que c’est inscrit dans le marbre de la tradition et que personne, quelle que soit la tendance politique affichée, ne saurait y manquer.

Le 1er août à Sarrians résonne tout autrement. La gravité qu’on peut lire sur les visages n’y est pas affectée, le rappel des faits tragiques qui ont bouleversé la population et laissé des traces indélébiles, les noms égrenés, Albin Durand, Antoine Diouf, Marius Bastidon, Paul Roux, Lucien Faraud, Pierre Charasse, Marcel Billota, d’autres encore, s’ils réveillent la douleur et le deuil des familles ravivent en même temps aussi la flamme du souvenir et continuent de susciter l’émotion de celles et ceux qui n’acceptent pas que l’oubli vienne insidieusement s’installer comme une fatalité contre laquelle on ne pourrait rien.

Notre ami Albert Cordola, grand résistant, arrêté et torturé par une police qui n’était alors française que de nom, déporté à Dachau, qui fut ici parmi nous chaque année, fidèlement, repartait toujours de Sarrians, confiait-il « le cœur chaviré mais le cœur battant ». Lui qui, jusqu’au bout, aura tenu à rencontrer des lycéens dans les établissements scolaires de notre région, rappelait combien pareilles commémorations étaient essentielles et l’obligation que nous avions tous de tenir bon. Le passé comme lumière de l’avenir. Frappé par des questions et des remarques qui revenaient souvent et lui avaient d’abord brisé le cœur : « Mais pourquoi ne vous rebelliez-vous pas ? Pourquoi ne preniez-vous pas les armes ? », il avait bien saisi que rien n’est jamais acquis à l’Homme et combien, influencée par un cinéma d’action où triomphaient des héros auxquels la force physique et des armes dévastatrices tenaient lieu de convictions, la jeunesse avait besoin qu’on lui fasse comprendre la véritable nature de l’héroïsme.

Albin, Antoine, Marius n’avaient jamais envisagé d’être des héros. Auraient-ils survécu qu’ils auraient sans aucun doute récusé ce terme. Ils étaient, comme leurs pareils de Brest ou Strasbourg, leurs frères et sœurs de Lille ou Pau, de ces gens que l’on dit hâtivement sans histoire, qui constituèrent le vivier de la Résistance. Des femmes et des hommes ordinaires, aspirant à une vie paisible, attachés à leur village, à leur ville, à leur pays et, pour ceux qui l’avaient quitté pour trouver refuge en France afin d’échapper à la barbarie et au racisme, Espagnols républicains, Italiens antifascistes, juifs d’Europe centrale persécutés par les nazis, attachés donc à la terre qui les avait accueillis.

Leur engagement dans la lutte remontait parfois à la Guerre d’Espagne, mais il pouvait être plus récent, il pouvait avoir pris des chemins de traverse. Combien en effet avaient cru d’abord que la paix valait bien quelques sacrifices, ne pouvant imaginer que des hommes politiques, des militaires haut-gradés, des hauts fonctionnaires de l’État aient pu brader le passé d’un pays que le monde entier considérait comme celui de 1789, de 1848, de 1871, le pays de la Liberté, cette liberté guidant le peuple immortalisée par Delacroix.

Leur héroïsme avait commencé bien souvent par ce que l’écrivain Didier Daeninckx a appelé dans La Mort n’oublie personne « l’héroïsme du pot de graisse », évoquant la limaille que des cheminots dissimulaient dans la graisse pour favoriser les déraillements. Il se poursuivait par des actions quotidiennes. Distribuer un tract, tracer furtivement à la craie une croix de Lorraine ou la faucille et le marteau sur un mur ou une porte, siffler les actualités dans les cinémas, déposer en dépit des interdictions quelques fleurs le 14 juillet ou le 11 novembre au monument aux morts, cuire du pain et en assurer le transport jusqu’aux campements du maquis. Et puis, prendre les armes, le prolongement naturel de l’action.

Qu’on n’aille pas croire que Marius, Antoine, Albin étaient des inconscients incapables de mesurer les risques et d’imaginer ce qui pouvait leur arriver. Ils savaient bien qu’à une époque où transporter à vélo des provisions aux combattants des maquis, imprimer un tract sur une machine à alcool, pouvait vous faire pendre ou abattre sur place, qu’à une époque où la délation était encouragée, récompensée, légitimée par les autorités, leur peau ne valait pas cher et que la torture et la mort étaient au bout du chemin.

Le profit, la gloire ? Comment penser une seconde que c’était à quoi ces résistants aspiraient? S’ils avaient eu à donner leur définition de l’héroïsme, ils auraient été bien embarrassés. Et si tout simplement le héros était celui qui fait son devoir quelles que soient les conséquences de ses choix ? Et si l’héroïsme c’était d’assurer chaque jour sa tâche de paysan, de boulanger, d’instituteur, de cheminot, de père ou de mère de famille tout en agissant dans l’ombre, en surmontant ses peurs, l’inquiétude qui devient anxiété avant de se transformer en une angoisse qui vous ronge et ne vous quitte jamais. Ce qu’il leur a fallu alors, c’est une conviction inébranlable et une force morale trempée au feu de la solidarité, qui permettaient d’agir en dépit du danger. Pas de muscles hypertrophiés, pas d’arme terrifiante, pas de place pour les grandes gueules et les Rambo de pacotille !

Et, aussi, cette certitude fragile que, sans prétention, sans moralisme, sans gloriole, il faut bien que certains frayent la voie pour que d’autres s’engouffrent dans le sillon tracé.

« Il est contagieux l’exemple du courage » avait écrit dans France écoute !, un an plus tôt sur l’autre rive du Rhône, à Villeneuve-lès-Avignon, le poète et résistant Louis Aragon, cependant qu’un autre poète, résistant lui-aussi et chef de Maquis, ce René Char que les Vauclusiens connaissent bien, fustigeait les indécis, les incertains, ceux qui attendent sans prendre position et qu’il appelait avec une ironie méprisante les « Prudents ».   

On me reprochera peut-être de n’avoir pas cette année rappelé les faits tels qu’ils se sont déroulés, il y a 76 ans, lorsqu’à ceux qui criaient Liberté ont répondu les grincements de scie puis les coups de feu.

Mais dans cette situation particulière où le monde est suspendu à l’évolution d’un virus meurtrier, où un confinement inhabituel a bouleversé, et continue de le faire, la vie de millions de personnes, il ne m’a pas semblé hors sujet de remettre à sa place, la toute première, la dimension humaine d’hommes et de femmes affrontant l’adversité et la barbarie avec du courage pour chaque jour.

 

Antoine, Marius, Albin, vous tous qui, comme l’a écrit le poète, avez aimé la vie à en mourir, 76 ans plus tard, vous continuez à nous montrer l’exemple.

 

Quelques photos de la cérémonie 

Sarrians: 76ème anniversaire de l'assassinat de nos camarades Antoine Diouf et Albin Durand
Sarrians: 76ème anniversaire de l'assassinat de nos camarades Antoine Diouf et Albin Durand
Sarrians: 76ème anniversaire de l'assassinat de nos camarades Antoine Diouf et Albin Durand
Sarrians: 76ème anniversaire de l'assassinat de nos camarades Antoine Diouf et Albin Durand
Sarrians: 76ème anniversaire de l'assassinat de nos camarades Antoine Diouf et Albin Durand
Sarrians: 76ème anniversaire de l'assassinat de nos camarades Antoine Diouf et Albin Durand
Sarrians: 76ème anniversaire de l'assassinat de nos camarades Antoine Diouf et Albin Durand
Sarrians: 76ème anniversaire de l'assassinat de nos camarades Antoine Diouf et Albin Durand
Sarrians: 76ème anniversaire de l'assassinat de nos camarades Antoine Diouf et Albin Durand
Sarrians: 76ème anniversaire de l'assassinat de nos camarades Antoine Diouf et Albin Durand
Sarrians: 76ème anniversaire de l'assassinat de nos camarades Antoine Diouf et Albin Durand
Sarrians: 76ème anniversaire de l'assassinat de nos camarades Antoine Diouf et Albin Durand
Sarrians: 76ème anniversaire de l'assassinat de nos camarades Antoine Diouf et Albin Durand
Sarrians: 76ème anniversaire de l'assassinat de nos camarades Antoine Diouf et Albin Durand

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 Commémoration du massacre de Barbarenque

 

 

 

- Dimanche 2 août RDV à 18H30 place du Maquis Jean Robert au Beaucet

 
- Respectez les gestes barrière. Port du masque
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Tag(s) : #SE FORMER - COMPRENDRE
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