L'intérêt de l'article que Rouge Cerise présente aujourd'hui n'est pas dans la vidéo dont il parle: "Hold up", ce "document" censé nous expliquer en quoi la crise sanitaire est un complot. Les regrets de Monique Pinçon-Charlot pour y avoir participé et la promotion qu'en fait l'hebdomadaire d'extrême-droite Valeurs actuelles mettent déjà en éveil notre sens critique.
L'intérêt est plus dans les questions que posent les auteurs de ce décryptage pour déterminer la confiance qu'on peut, ou ne peut pas, accorder à ce "document" ( Qui en est à l'origine? Qui y parle, d'où viennent-ils, ont-ils une expérience du sujet? Fait-on plus appel à l'émotion qu'à la raison?) car on peut s'en servir pour analyser n'importe quel document: les émissions de BFM-TV ou le journal télévisé de TF1 par exemple.
Qui possède les grands médias? Apolline de Malherbe vient-elle du monde ouvrier? L'expérience professionnelle de Christophe Barbier le qualifie-t-il pour traiter des fermetures d'usines? Les images de BFM-TV sur les attentats font-elles appel à la raison ou à l'émotion?
A la confiance qu'on peut donner aux uns répond la confiance qu'on peut accorder aux autres et ,pendant ce temps, on ferme les services publics, le contribuable finance les licenciements des grandes entreprises et le travail (quand on en a) se précarise encore d'avantage. Ainsi chemine ni vu ni connu l'ordre du capital. Un bon maître doit pouvoir compter sur de bons serviteurs....
Rouge Cerise
Revue Progressistes
Depuis quelques jours, les réseaux sociaux sont envahis de teasers (*) préparant la sortie d’un documentaire « choc », Hold Up. Ce film (long de 2h40 !) prétend révéler un véritable scandale dans la gestion de l’épidémie de Covid19 sur fond de corruption. Après son visionnage, nous – le collectif Covid 19 Fédération – avons décidé d’en faire une analyse détaillée tant les “informations” qu’il véhicule sont trompeuses, dangereuses ; en fait, totalement irresponsables.
Le travail d’analyse et de rédaction va être long : d’une part à cause de la durée du film, et surtout parce que la loi de Brandolini est incontournable (La quantité d'énergie nécessaire pour réfuter des idioties est supérieure d'un ordre de grandeur à celle nécessaire pour les produire).
Pour les curieux les plus pressés, voici en exemple la première analyse, portant sur les 15 premières minutes (1/2 journée de travail) : https://spark.adobe.com/page/xiBTzlo8ML8Hv/
Et il est important pour nous de vous mettre en garde dès à présent, compte tenu de l’effort impressionnant investi dans la promotion de ce film. Voici donc quelques grands traits du reportage, qui justifient une grande méfiance envers les propos tenus.
Qui est à l’origine de ce documentaire ?
Le réalisateur serait Pierre Barnérias qui avait plutôt l’habitude de s’intéresser à la vie après la mort avec des films comme Thanatos, « L’Ultime passage » ou M et le 3e secret.
Depuis la crise du covid19, il a donné la parole à de nombreux covido-sceptiques via sa chaîne YouTube, relayant des propos souvent complotistes.
Le projet a été financé par une campagne de crowdfunding qui doit son succès au large partage dans des groupes facebook pro-Raoult et gilets jaunes.
D’ailleurs, selon Libération, cette campagne a bénéficié du soutien de « personnalités très actives sur les réseaux sociaux au sujet du Covid comme Peter El Baze, qui se présente comme un 𝗲𝘅-𝗺𝗲́𝗱𝗲𝗰𝗶𝗻 𝗮𝘁𝘁𝗮𝗰𝗵𝗲́ 𝗱𝗲𝘀 𝗵𝗼̂𝗽𝗶𝘁𝗮𝘂𝘅 𝗱𝘂 𝗖𝗛𝗨 𝗱𝗲 𝗡𝗶𝗰𝗲, 𝗰𝗼𝗻𝘁𝗿𝗶𝗯𝘂𝘁𝗲𝘂𝗿 𝗱𝘂 𝘀𝗶𝘁𝗲 𝗙𝗿𝗮𝗻𝗰𝗲 𝗦𝗼𝗶𝗿 ». Rappelons que ce dernier avait relaté une fausse information sur une prime Covid attribuée aux hôpitaux pour chaque mort estampillée Covid19.
Qui sont les principaux intervenants de ce documentaire ?
Nous retrouvons des noms connus pour leur prise de positions controversées :
Christian Perronne, un “lyme doctor” selon qui la maladie de Lyme aurait été artificiellement véhiculée par les nazis ; il est actuellement visé par le conseil national de l’ordre pour ses propos calomnieux envers les médecins,
Martine Wonner, députée Ex-LREM, qui véhicule ou relaye de fausses informations régulièrement et a participé à la création de l’association Bon Sens, présentée comme un lobby citoyen, avec des personnalités très controversées,
Xavier Azalbert, directeur de publication de France Soir, qui a renvoyé les 4 derniers journalistes de ce média. Lequel média publie régulièrement de fausses informations.
Alexandra Henrion-Caude, généticienne et ex-chercheuse à l’INSERM (ses prises de position ont conduit l’INSERM à se désolidariser d’elle).
Valérie Bugault, ancienne adhérente de l’UPR, intervient régulièrement dans des médias d’extrême droite.
Silvano Trotta, youtubeur adepte des théories complotistes QAnon.
En quoi consiste ce documentaire ?
Hold up se présente comme une enquête journalistique, qui cumule et emboîte les interviews des personnages cités plus hauts, et de bien d’autres, et fait quelques incursions hors des studios pour donner la parole aux gens dits ordinaires.
En première lecture, nous avons surtout relevé beaucoup d’affirmations fallacieuses, allant parfois totalement - et grossièrement - à l’encontre des données scientifiques. Les sous-entendus sont nombreux, et ouvrent grand la porte à la rhétorique conspirationniste. De forts appels à l’émotion soutiennent ces propos dont les seules sources sont leurs auteurs.
En somme, c’est l’art du mille-feuille argumentatif porté à son sommet, feuilles et crème étant constituées de personnages à l’expertise (sinon aux intentions) douteuse.
En tout cas, il nous semble que c’est faire preuve de la plus grande irresponsabilité que de diffuser, maintenant - en pleine crise, et sans aucun recul - , un tel “documentaire”. Il est vrai que la période est propice pour surfer sur les émotions. Plus que jamais, gardons l’esprit critique et méfions nous des discours qui séduisent.
(*) teaser, en français: bande-annonce. (note de RC)