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Alors que le chœur des affligés professionnels pleure à l’unisson notre Bébel national et que se prépare une cérémonie aux Invalides, notre ami Didier Daeninckx nous écrit pour rappeler « le silence assez compact sur le fait que Belmondo a été plusieurs années président du Syndicat Français des Acteurs CGT ».
Une vérité vraie, comme dirait madame Michu.
Il fallait un certain courage en 1963, à celui qui n’était pas un monstre sacré, pour succéder à Gérard Philipe qui avait assuré cette présidence avec constance et sérieux avant que sa maladie ne l’emporte.
Il faut dire que je vous parle d’un temps que les jeunes de vingt ans, et même de quarante, ne peuvent pas connaître, un temps où autour de Belmondo à la CGT, on trouvait Michel Piccoli, Bernard Fresson, Pierre Vernier, Jacques Roussillon, Raymond Bussières et Annette Poivre, les anciens du Groupe Octobre. Et François Chaumette, et Paul Crauchet, et Françoise Rosay, et Nicole Courcel et beaucoup d’autres, et la moitié des réalisateurs de télévision.
Et, en décembre 1964, qu’est-ce qu’il déclarait Bébel dans La Vie ouvrière, l’hebdomadaire de la CGT, à un moment où le souci principal du syndicat était l’exploitation des comédiens par la télévision, pas encore astreinte à la législation du travail en vigueur dans le cinéma et les difficultés d’un théâtre, concurrencé par le cinéma et la télévision ?
« …Je sais que vous allez penser aux vedettes, aux gros cachets... Nous sommes quoi, une dizaine peut-être ? N’en parlons pas, car là il ne s’agit plus à proprement parler de notre métier d’acteur. Nous sommes traités à ce niveau non pas comme des comédiens, mais comme des marques de pâte dentifrice. Ce n’est pas ça le spectacle. Le spectacle, ce sont les quelque vingt mille comédiens, acteurs de cinéma, de théâtre, de télé, qui travaillent quand on veut bien leur en donner l’occasion et dont beaucoup ont bien du mal à vivre de leur métier, ce métier qu’ils ont choisi et qu’ils aiment. Et ceux-là, je vous assure, ils ont besoin d’être syndiqués et de se battre pour la vie. J’ai des tas d’amis qui travaillent trois mois par an et moins parfois. Mais il faut manger pendant douze mois. Les sources d’emploi, voilà le problème ».
Dans les hommages qui pleuvent, peu de voix non plus pour évoquer le premier film de Belmondo. Les Copains du dimanche, tourné en octobre-novembre 1956 et sorti à Paris uniquement en 1957 (et…en République démocratique allemande l’année suivante). Un film d’Henri Aisner, avec pour co-scénariste Raymond Lavigne, un communiste journaliste à L’Huma, et un producteur nommé Louis Daquin, qui ne l’était pas moins. Un film produit par la Coopérative du cinéma français, c’est-à-dire par la CGT.
Un film dont les héros sont tous de jeunes prolos vibrants d’espoir et de fraternité, dont certains interprètes, comme Pierre Vernier (Rocambole), resteront, comme ses copains de promotion théâtrale (Marielle, Rochefort, Beaune) des amis de toute une vie.
Un film sur le tournage duquel se montra un jour un certain Marcel Carné, qui remarqua un jeune comédien prometteur et… on connaît la suite.
Alors, à Rouge Cerise, on ne va pas jouer les détrousseurs de cadavres, faire de Bébel Jean-Paul le jumeau de Bebel August, le révolutionnaire allemand (1840-1913) qui aimait à répéter cette phrase que nous aurions intérêt à garder en mémoire : « Quand l’ennemi de classe me félicite, je me demande quelle erreur j’ai commise ».
Mais on n’oublie pas non plus que L’As des as, Le Magnifique, savait aussi se faire le défenseur de ceux qu’il ne considérait pas comme des seconds rôles mais comme ses pairs.
Roger Martin