Sur le site des communistes de Pierre Bénite
Le système de retraite est-il en déficit ? Et si c’est le cas de combien ? Il faudra attendre le mois de septembre pour avoir en main le nouveau rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR). La copie était attendue pour juin. Le Conseil qui réunit partenaires sociaux, administrations et élus s’appuie, pour établir ses conclusions, sur les prévisions macroéconomiques actualisées du gouvernement.
Mais l’exercice traditionnel qui consiste à intégrer les données officielles sur la croissance attendue, l’évolution de la masse salariale, le montant de l’inflation a pris du retard en raison des échéances électorales.
Pas moyen de faire tourner les modèles de prévision du COR sans ce cadrage économique. Ces prévisions servent à établir les projections financières du COR pour les années les plus proches, le Conseil s’appuyant ensuite sur des hypothèses à long terme comme la démographie, le chômage, la productivité pour éclairer l’horizon 2040 et au-delà.
Quand les données gouvernementales de référence auront été transmises, les différents régimes de retraites établiront leurs prévisions avant que le COR ne les centralise. Ce qui renvoie les résultats à septembre. Ce n’est qu’ensuite que le Comité de suivi des retraites (CSR) cette autre instance chargée d’indiquer si elle considère que le système de retraite s’éloigne de façon significative ou non de l’équilibre rendra son avis.
Situation qui ne peut qu’enchanter le Gouvernement qui n’imagine pas sa campagne des législatives parasitée par une réouverture trop précoce du dossier de la réforme des retraites. Et délai supplémentaire qui va être mis à profit par Bercy pour noircir le tableau, juste ce qu’il faut pour inquiéter les assurés.
Le rapport 2022 du COR est d’autant plus attendu que l’ensemble des syndicats au vu des besoins de financement des régimes, estime qu’il n’y a pas d’urgence à mener une réforme des retraites qui retarderait une fois de plus l’âge légal de départ. Certes le rapport du Conseil de juin 2017 avait quelque peu noirci le tableau, mais à ce stade rien n’indique que le système de retraite soit au bord de la faillite. Au contraire ! Les besoins de financement des régimes semblent contenus malgré la pandémie et l’équilibre financier serait assuré dès la prochaine décennie.
Force est de constater une nouvelle fois que les tenants de la retraite à 65 ans utilisent de faux arguments.
La France n’a pas le système de retraite le plus favorable. La mise en avant des comparaisons de l’âge légal servent à dissimuler le fait que notre pays a l’une des durées de cotisation les plus longues d’Europe. Bientôt 43 ans pour obtenir une retraite à taux plein chez nous. Certes 45 ans en Allemagne, mais 35 ans en Espagne, 40 ans au Portugal, moins de 40 ans en Italie ou en Grèce.
Contrairement à ce qui est généralement mis en avant la France n’a pas un niveau de pension extraordinaire. L’OCDE qui classe les systèmes de retraite en fonction du taux de remplacement du salaire par la retraite, situe notre pays dans la moyenne des pays européens mais plus bas que le Danemark, l’Autriche, les Pays-Bas, l’Espagne, l’Italie… Ce qui semble guetter nos retraités c’est une chute de leur niveau de vie. Certaines analyses évoquant une « paupérisation relative » de cette catégorie [1].
La stratégie du gouvernement qui subordonne tous ses choix à sa vision de la compétitivité apparaît clairement. Il lui faut trouver de nouvelles marges de manœuvre pour octroyer de nouveaux cadeaux aux entreprises notamment en allant plus loin dans le désengagement de celles-ci du financement de la protection sociale [2].
Dans cette optique le financement de la retraite apparaît comme le dernier réservoir d’allègement du « coût du travail ». Les dépenses de retraites passeraient d’un peu plus de 14,8 % du PIB à 12 ou 13 %, une marge de jeu de plus de 60 milliards d’euros. Tel est l’enjeu de la bataille qui va reprendre.
Jean Christophe Le Digou
[1] Olivier Passet, « 60 ou 65 ans : le débat tronqué sur les retraites » XERFI Canal 1er juin 2022
[2] Les entreprises ne financent plus que 40 % des dépenses de protection sociales (source DREES)
Tribune de Jean Christophe Le Digou Publiée dans l'Humanité