Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

                                                           

                                   

Vendredi 31 octobre, nous étions très nombreux au crématorium d’Orange, pour un hommage sensible et fraternel à François Corteggiani. Hommage de la famille, des amis, du monde chaleureux de la BD. Hommage aussi de celles et ceux qui avaient partagé les combats opiniâtres de François dans ce Carpentras qu’il refusait de voir livré au FN, puis à son ersatz respectabilisé, le RN.

Chacun avait encore présent à la mémoire les presque six années pendant lesquelles, poursuivi en justice par un monsieur très poli et propre sur lui, le sieur Hervé de Lépinau, chantre de l’intégrisme en Vaucluse, qui ne s’indignait pas d’être qualifié d’extrême droite mais se lamentait d’avoir été caricaturé sous les traits d’un petit lapin, lui qui, quelque temps plus tôt, défendait, s’agissant de Charlie Hebdo, le droit à cette même caricature.

Chacun savait donc combien cette affaire avait rongé, voire miné, François, notre ami. Il fut un temps, pas si lointain, où Gaston Deferre pouvait provoquer en duel des adversaires dont il estimait qu’ils l’avaient diffamé. Mais Hervé de Lépinau, grand admirateur d’une France éternelle très fantasmée, de la Chevalerie à la mode Puy-du-Fou et d’un Code de l’honneur plus romanesque qu’authentique, excipant de sa grande compétence du Droit, avait préféré utiliser l’arme favorite des gens de sa classe et de son idéologie, comme les Bompart, père, mère et fils, avec lesquels il avait d’abord frayé à la Ligue du sud avant de marionniser : engager une action en justice et traquer l’ennemi, pousser la bête dans ses derniers retranchements.

Certes, le nouveau député, brillamment élu, y compris par des femmes qui semblent ignorer qu’il se targue d’être un pilier de la lutte anti-avortement, et des travailleurs qui devraient s’interroger sur son silence pendant les conflits chez Charles et Alice ou Etex, logique de la part d’un chaud partisan de la France d’en-haut et des actionnaires, ne faisait jamais qu’être dans le droit fil d’une extrême droite procédurière toujours prompte à indignations sélectives et plaintes lucratives, à l’exemple du patriarche Le Pen dont on ne comptait plus les actions en justice.

Mais…

Mais, au fond, quoi de plus normal ? Qu’attendre de plus de ce notable qui trouve le temps de diriger son cabinet d’avocat, de s’occuper de ses six enfants, de siéger à l’Assemblée nationale, où il conspue volontiers les opposants au R(F)N ?

Un peu de dignité, simplement, un peu d’honneur et surtout un peu de décence.

Car le 22 septembre, sur Twitter, le si policé et propre sur lui Hervé de Lépinau a manqué des trois.

Voici en effet, ce qu’on pouvait y lire ce jour-là:

 

On ne pourra qu’admirer la manœuvre : en rendant ainsi un hommage presque attendri à François, c’est lui-même qu’Hervé de Lépinau met en valeur : Voyez comme je suis capable de passer au-dessus de toute idéologie, de tout préjugé, comme je sais mettre l’humain au premier plan ! Et, au passage, j’accrédite l’idée que François Corteggiani lui-même avait été sensible à la nécessité de tendre des passerelles.

Que de générosité ! Quelle grandeur d’âme !

Cependant, voilà que, scandalisée par la sollicitude du bon apôtre, une amie de François, Francesca, a osé répliquer par le même canal :

  

 

Et notre humaniste de lui répondre toujours aussi benoitement, continuant à jouer les suaves et les onctueux :

 

Quelle belle leçon d’humanité ! Mais le prêcheur ne va pas jusqu’à préciser lequel des deux hommes a changé, ce qui, évidemment, laisse à croire qu’abandonnant son « agressivité gauchiste » et ses « provocations insultantes », François Corteggiani serait venu à résipiscence. Aucune autre interprétation possible puisque ses déclarations et son attitude à l’Assemblée nationale montrent à l’envi qu’Hervé de Lépinau, quant à lui,  reste droit dans ses bottes et n’a témoigné d’aucun changement.

Pourtant, la compréhension et les manières policées, ça n’a qu’un temps : Francesca ayant récidivé, le député intégriste l’a aussitôt bloquée sur son compte, non sans avoir auparavant reçu le soutien d’un homme politique de poids, Jordan Bardella, en campagne pour la présidence du FN – oh, pardon, du RN.

Alors, ainsi adoubée, notre gloire locale peut abandonner toute retenue. Le naturel revient au galop. Sans doute Jordan Bardella a-t-il osé évoquer la figure de Jean Moulin, puisque Hervé de Lépinau nous gratifie d’un ultime ( ?) tweet :

 

Le moment où l’on glisse de l’indécence à l’ignominie. Le moment où les héritiers d’un parti, le FN, fondé par un assemblage hétéroclite de vieux collabos, ex-waffen SS, miliciens, rescapés du PPF, de nostalgériques et de jeunes fachos, détournent allègrement tous les symboles, toutes les valeurs, osent utiliser le mot de Résistance pour qualifier leurs éructations nauséabondes, osent se réclamer de l’héritage d’un De Gaulle, ou, ici, d’un Jean Moulin.

Le moment où un Hervé de Lépinau, sans crainte d’être contredit par celui-là même qu’il a persécuté, ose prétendre, des trémolos dans la plume, à leurs rapports courtois.

Non, Monsieur de Lépinau, François Corteggiani n’était pas un adversaire, mais un ennemi résolu de vos idées délétères.

Il combattait tout ce que vous représentez, avec ses moyens, son humour, son talent, avec ses amis, ceux qui ne se résolvent pas au pire, qui ne veulent pas oublier le vol sourd des corbeaux sur nos plaines, ceux qui, chaque année, à Sarrians comme au Beaucet, à Carpentras comme à L’Isle-sur-la-Sorgue commémorent les assassinats de résistants, authentiques ceux-là, pas ceux qui exaltaient une idéologie brun-marine.

 

Roger Martin

P.S. : quant au titre de cet article, il fait naturellement référence à la formule de Voltaire, qui signait ainsi toute sa correspondance, pour rappeler inlassablement l’indispensable combat contre l’intolérance, le confusionnisme et le fanatisme.

                                        Écr.l’inf., autrement dit Écrasons l’infâme.

  

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :