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Parlons salaire minimum et revenu minimum par Laurent BRUN

Parlons salaire minimum et revenu minimum

 

1) D’abord on parle de « salaires de misère » et il faut déjà comprendre d’où on part :

Au XIXe siècle l'ouvrier consacre les deux tiers de son budget en moyenne à la nourriture (pain, pommes de terre, oeufs, rarement de la viande) ; 15 % du budget est destiné au logement. La lutte contre la famine est permanente et les carences alimentaires sont nombreuses.

Des révoltes éclates sur les « tarifs » lorsqu’ils baissent, comme celles des canuts à Lyon en 1831 et 1834. Cela se traduit par des dizaines de morts, des centaines de blessés, des arrestations, des déportations…

En 1884, les syndicats sont autorisés. Leur première action est la négociations des « tarifs » salariaux dans les différentes branches professionnelles.

En 1891, la « convention d’Arras » des mineurs du nord pas de calais est la première Convention collective arrachée par la lutte et la négociation. En 1919 les conventions collectives sont reconnues mais elles ne sont appliquées réellement qu’en 1936 avec les nouvelles lois du gouvernement du Front Populaire.

Au passage : Vichy les supprime, car l’extrême droite déteste l’idée que les salariés puissent négocier sur la base d’un rapport de force. Elles sont rétablies après la Libération.

 

2) le « minimum », c’est quoi ?

Le programme du Conseil National de la Résistance (CNR) avait préconisé l'instauration de « la garantie de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d'une vie pleinement humaine ».

En 1950, après beaucoup d’inflation et de nombreuses luttes, le Gouvernement crée le SMIG (salaire minimum national interprofessionnel garanti). Il est calculé sur un « panier de la ménagère » dans la logique du minimum vital puisque les capitalistes ne conçoivent pas que la « ménagère », dans son « panier », ait besoin de confort, de loisirs ou autres. Le patronat parle de besoins physiologique d’un être humain sans activité physique particulière.

La CGT et le PCF revendiquent au contraire que ce minimum intègre les besoins réels des salariés et aussi les « besoins insatisfaits » (confort, culture, etc).

Des affrontements entre le patronat et la CGT se multiplient sur le nombre de savonnettes à intégrer, le nombre de costumes, le nombre de calories nécessaires à un être humain, les heures d’électricité a compter (dont le patronat veut déduire les heures d’ensoleillement !).

Le SMIG est fixé à 13566 francs à Paris soit l’équivalent de 504€ d’aujourd’hui (pour 45h de travail par semaine)…

Le projet est adopté par 209 voix contre 105 sur 314 votants. Ont voté contre : les communistes, les socialistes et les républicains populaires.

A cette époque le PCF et la SFIO dénoncent le SMIG comme un plancher, un salaire de misère.

En 1952, avec la forte inflation et les luttes qui vont avec, les syndicats obtiennent une « échelle mobile des salaires » qui indexe le Smig sur la hausse des prix.

Mais la productivité du travail augmente vite à cette époque et les salariés luttent pour le partage des gains de productivité. Les salaires augmentent donc plus vite que l’inflation. Le SMIG est largué.

En 1970, le SMIG est transformé en SMIC (salaire minimum interprofessionnel de croissance). Son calcul integre l’inflation mais aussi une partie de la hausse du salaire moyen ouvrier, de manière à intégrer une partie des gains de productivité.

C’est une avancée énorme, qui « automatise » une partie des conquis. La lutte peut alors se concentrer sur le reste, notamment l’intégration de la satisfaction de nouveaux besoins, la socialisation grandissante de la protection contre les risques de la vie, etc. 

 

3) Face au maintien de la misère, notamment du fait du chômage, réapparaît la logique de minima de vie pour ceux qui n’ont pas de travail.

En 1988 (Gouvernement Rocard) le RMI qui est fixé à 80% du SMIC est créé.

La loi est adoptée à l’unanimité même si les différents camps ne l’apprécient pas de la même manière. La droite veut insister sur le volet insertion (c’est à dire imposer une contrepartie au bénéficiaire de l’allocation), alors que la gauche veut instaurer un revenu minimum pour ceux qui sont privés de travail. Gros point noir cependant, les moins de 25 ans en sont exclus.

Petit à petit, la droite va imposer sa conception de la contrepartie nécessaire, colonisant une partie de la gauche.

Elle y arrive notamment parce que l’allocation est déconnectée du travail donc l’opinion publique accepte l’idée que c’est un « abus », que tout le monde doit travailler pour « mériter », quitte a y être forcé. Du coup la notion de droit s’efface, et s’impose l’idée qu’il ne faut pas pouvoir « profiter » qu’il faut galerer avec cette allocation pour être « incité » à retrouver du travail. De l’autre côté, les bénéficiaires sont sous la pression : ils doivent se contenter de ce qu’ils ont puisqu’ils ne travaillent pas et que c’est de leur faute.

RMA, RSA, 15h de travail obligatoire… la dérive s’amplifie.

D’une certaine manière les batailles autour du RMI, RSA sont la continuité des batailles des années 70/80 : faut il un plancher très bas ou la satisfaction des besoins sociaux ? Et par ailleurs, le lien avec le travail doit-il existe, doit-il être contraint ou choisi ?

Le patronat, et ses supplétifs, lutte pour le retour du salaire des « besoins physiologiques », voire même pour le retour des « tarifs » du travail à la tâche et l’abandon de la protection des privés d’emploi. C’est la lutte des classes dans son expression la plus pure.

 

Le PCF veut prendre de front le sujet : pas une défense de l’allocation, mais une relance de la discussion sur le niveau maximum de niveau de vie garantit et sur le lien positif au travail. Il veut donc mener la bataille des idées pour regagner l’opinion publique a l’idée d’une protection, d’un droit, et d’un niveau de vie qui ne soit pas miséreux. Il propose d’instaurer une sécurité d’emploi et de formation (c’est à dire de maintenir le salaire de celui ou celle qui est licencié, le temps de le former et de lui permettre de retrouver un travail) et il affirme donc vouloir la suppression du RSA au travers de ce nouveau mécanisme.

Il est fidèle aux luttes et aux positions de la gauche historique.

La polémique déclenchée par la LFI ne contribue pas à la bataille idéologique nécessaire dans la société. C’est une polémique politicienne qui vise juste à affaiblir un concurrent électoral. En ce sens c’est plutôt misérable, d’autant qu’il est probable que sur le fond, les militants LFI soient plus proches de la position de Fabien Roussel qu’ils ne le pensent.

Dans un moment où les fachistes sont au portes du pouvoir, le PCF fait bien de remettre des questions de fond sur la table pour regagner la population à des valeurs solidaires (et non charitables) basées sur le partage des richesses.

 

 

 
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