Raviver la flamme de la résistance.
Un article de L'Hebdo Le Comtadin du 8/03/2012
Le 1er août 1944, un commando de collaborateurs français assassinait Antoine Diouf et Albin Durand. Ce dramatique épisode de la 2e guerre mondiale met en évidence les deux France qui cohabitaient à ce moment-là. A l’occasion des premières « Rencontres vauclusienne du film de Résistance », rappel des faits et rencontre avec la petite fille d’Albin Durand, Tamara Savitsky-Midena.
Sylviane Tramoy, secrétaire de l’association des «Amis d’Antoine Diouf et d’Albin Durand, et Tamara Savitsky-Midena, présidente de l’association et petite-fille d’Albin Durand
A Sarrians, c'est encore un sujet fragile. « Il y a des gens, quand je leur posais des questions sur cette histoire, qui posaient un doigt sur leurs lèvres pour dire « je ne veux rien dire » raconte Sylviane Tramoy, secrétaire de l'association des amis d'Antoine Diouf et Albin Durand.
Vérité sans fard
Car cette histoire est de celles qui montrent la réalité sans fard. Certes, d ‘un côté il y avait les Résistants, incarnés par Antoine Diouf et Albin Durand. Mais ceux qui les ont assassinés n'étaient pas les occupants nazis. Non, c'étaient des Français, eux aussi. Des membres de la Milice, du parti populaire français, ou de la Gestapo française.
« Pendant longtemps, la version qui a été racontée à Sarrians était qu'ils avaient été assassinés par les Allemands »,se souvient Sylviane Tramoy. Une « erreur » qui permettait d'éviter de regarder en face la partie la plus déplaisante de la vérité historique.
Aujourd'hui, Tamara Savistsky-Midena, petite-fille d'Albin Durand, veut que l'on regarde cette vérité les yeux dans les yeux. Mais elle veut aussi que l'on remette en évidence l'esprit de résistance qui animait son grand-père et son ami Antoine. « Il nous faut faire des ponts avec l'histoire aujourd'hui. Quand je vois les scores impressionnant des partis d'extrême-droite dans ce département, cela me paraît important. La violence est en chacun de nous, c'est vrai. Mais il nous faut apprendre à écouter les autres, chercher la part d'humanité en nous, et aussi chez nos adversaires. Le sentiment de culpabilité qui peut être ressenti par certains me paraît logique. Cette histoire a été douloureuse pour tout le monde. Mais cette culpabilité est aussi porteuse d'espoir, car elle est justement un signe d'humanité ».
Esprit de résistance
Aujourd'hui, Tamara Savistsky, présidente de l'association des « Amis d'Antoine Diouf et d'Albin Durand » veut redonner un souffle à l'esprit qui animait les deux résistants communistes. « Il est essentiel de rappeler l'importance de l'esprit critique, et de la méfiance vis à vis du pouvoir. Ce que l'histoire de mon grand-père et d'Antoine nous rappelle, c'est qu'autour des gens qui détiennent le pouvoir, gravite tout un ensemble de personnes qui obéissent sans se poser de questions sur la portée de leurs actes. C'est pour cela que nous avons voulu faire les rencontres vauclusiennes du film de Résistance : pour amener les gens à ne pas se laisser mener par le bout du nez, jusqu'à commettre des choses terribles ».
Pierre Nicolas
Bibliographie : « Les Carnets du Ventoux », n° 48 - Juillet 2005.
Antoine Diouf est né à Marseille en 1910, de père inconnu. Sa mére est arrivée en France quelques années plus tôt, venue des Antilles ou d'Afrique, on ne le sait pas. Car sa mère va mourir alors qu'il est encore très jeune. Il est alors recueilli par le vicaire de la Trinité de Marseille. Il va rapidement être placé sous la tutelle de la « Protection catholique », un organisme qui recueille en Ardèche les orphelins marseillais. Il y passera son certificat d'études primaires en 1925, et y apprendra le métier de garçon de ferme. En 1931, à son retour du service militaire, où il a obtenu le grade de caporal, il quitte l'institution. Il rencontre les jeunes communistes, et arrivera à Sarrians en 1937, Rapidement, il ira travailler chez les Durand. Là, il est traité comme un égal et comme un camarade. Il a sa chambre, passe ses premiers congés payés à Fos-sur-Mer avec ses patrons.Il ne participe pas aux activités des communistes sur Sarrians, mais sera par contre un membre très actif des « Sports populaires sarrianais ». Apprécié pour son caractère de boute-en train et son talent de chanteur, il est connu de tous. Certaines sources affirment aussi qu'il a eu une activité d'instructeur au sein du maquis Ventoux, mais ces faits n'ont jamais pu être confirmés.
Albin Durand est né à Aubignan, en 1895. Son père, Joseph Marie, est originaire de ce village. Sa mère, Marie Mars est Loriolaise, fille d'un farouche républicain anticlérical. Albin est le seul garçon, il a 4 soeurs. Comme tous les enfants de paysans de cette époque, il ne va à l'école que lorsque les travaux de la ferme le permettent. A 12 ans, il arrêtera définitivement l'école et partira travailler chez un ferronnier de Carpentras, le père Rousseau. Il y rencontre son meilleur ami, Charles Bec, originaire de St-Didier. Il partira avec lui travailler à Lyon. C'est là qu'Albin va découvrir le monde associatif, et les idées socialistes.En 1914, toujours avec Charles, il s'enrôle comme mécanicien dans la Marine. Devenu quartier-maître, il défend la parole de ses camarades, et se fait sanctionner. Il quitte la Marine et revient à Aubignan. En 1922, il rencontre sa femme, et s'installe à Sarrians, où il cultive greffés et primeurs. Après le congrès de Tour, il devient communiste. Il fait partie des Jeunesses communistes. Médiocre orateur, c'est cependant un membre respecté et écouté. En 1936, il est élu conseiller d'arrondissement. Son autre grande implication dans la vie publique a été sportive, puisqu'il a été le créateur des « sports populaires sarriannais ».
La soirée du 1er août 1944 : C'était une belle journée d'été. 15 jours avant, la fête du 14 juillet, à Sarrians, avait eu un éclat tout particulier. Les échos de la marche des Alliés, en Normandie comme en Provence, donnent à tous un espoir certain. A la ferme des Durand, on reste cependant sur le qui-vive. Albin et sa femme donnent réguliérement l'abri à des résistants, et les perquisitions de la police spéciale de Marseille sont fréquentes.En fin de journée, le gendre d'Albin, Nic Savitsky, est parti chercher des melons. Albin, lui, s'apprête à sortir pour rencontrer René Gilli, responsable des FTPF (francs tireurs et partisans français). Mais lorsqu'il sort de la ferme une colonne de soldats allemands, commandée par un groupe de milicien français, l'arrête, et investit la ferme.Toute la famille est d'abord alignée contre le mur. Puis Albin et Antoine seront emmenés à l'étage. On les entendra crier. Le corps d'Antoine sera retrouvé. Mais pas celui d'Albin, signalé « disparu sans laisser de traces » par le maire de l'époque. Son corps sera retrouvé plus tard. Les deux hommes sont enterrés le 29 août 1944. Leurs corps portent de nombreuses traces de torture, à la scie notamment.
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Conti: 187 jours de protection de l'usine
"Les soutenir, c’est affirmer l’indispensable solidarité sans laquelle, un à un, chacun dans notre coin, nous serons _mangés à la sauce libérale..."
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