Molly Parsons est conductrice de bus à Chicago et militante syndicale. Le 27 avril dernier, elle a été détectée positive au COVID-19. C’est son cri d’indignation, fortement politique, que nous proposons aujourd’hui dans Rouge Cerise. Pour s’exprimer, Molly n’a pas hésité à s’adresser à nos camarades du CPUSA (*), qui lui ont aussitôt ouvert les colonnes de People ’s World.
Les plus anciens se rappelleront sans doute le film bouleversant de Martin Ritt (victime du maccarthysme), NORMA RAE, qui valut un oscar à Sally Field en 1979, l’histoire vraie d’une ouvrière du textile, Crystal Lee, qui mène une lutte exemplaire en Caroline du Nord. Pour ceux qui vivent sur des préjugés et des clichés, il est important de rappeler que la classe ouvrière américaine a, en maintes occasions, montré qu’elle savait aussi pratiquer la lutte de classes !
R.C.
(*) Parti Communiste des USA
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Nos dirigeants n’ont qu’à la bouche « La Grande Reconstruction » à venir, tout en refusant de répondre aux problèmes capitaux qu’affrontent aujourd’hui les travailleurs : nous sommes malades et nous en mourons!
Je ne veux pas de vos mercis. Je ne veux pas de votre pitié. Je ne suis pas une héroïne. Je n’ai pas fait ce travail pour me sacrifier. Les travailleurs des transports ne sont pas des militaires. D’ailleurs mêmes ceux-ci sont rejetés et livrés à eux-mêmes lorsqu’ils rentrent au pays en proie à toutes sortes de maux, tant physiques que mentaux. Je ne vois pas pourquoi on devrait être remerciés alors que nous crions sur tous les toits que nos véhicules sont vecteurs de maladies, que nous réclamons du matériel de protection et des désinfections. NON ! Vos mercis ne sauveront ni ma vie ni celles de mes collègues de travail. C’est du martyre, pas de l’héroïsme. Et lorsque nous nous rebellons contre des conditions de travail mortelles, nous sommes stigmatisés comme des mauvais patriotes, des mutins et des lâches.
Je ne veux même pas de votre prime de risque. Jeter une aumône à quelqu’un pour faire le travail que vous ne voulez pas faire vous-même, exiger des services dangereux à l’abri au fond de votre maison confortable, pendant que de plus en plus d’entre nous tombent malades, dépasse tous les privilèges et ne constitue pas une réponse à la crise. Nous offrir plus d’argent pour accomplir un travail dangereux, potentiellement mortel, est une carotte pour nous faire mettre en sourdine nos revendications, un troc qui équivaudrait aux moyens sanitaires indispensables à notre survie. L’argent ne m’empêchera pas de respirer des microbes, pas plus qu’il ne me procurera le respirateur dont j’aurais besoin. Ce qui nous permettra, à mes collègues de travail et moi, de le faire, c’est de d’être maîtres de nos conditions de travail, par le contrôle syndical des questions de santé et de sécurité.
Je n’aime pas l’idée que des gens puissent s’estimer meilleurs s’ils se contentent de nous remercier de permettre de faire fonctionner la machine dans les conditions les plus normales possibles. Assurer la marche de ce Système, c’est ce qui nous a amenés dans le mur. Ignorer ou nier 40 ans de privatisations, de dérégulation et de démantèlement de la santé publique, aussi bien sous des gouvernements républicains que démocrates, voilà la cause de nos malheurs. Richard Daley[1] a fermé les Centres médicaux de Chicago, Emanuel Rahm[2] a, lui, fermé la moitié des cliniques psychiatriques !
NON, je ne veux pas de vos mercis, je ne veux pas de votre pitié. Je veux que vous arrêtiez de soutenir ce système pourri !
Molly Parsons
(Traduction: Roger Martin)
[1] Richard Daley (1902-1976). Maire démocrate de Chicago de 1955 à 1976.
[2] Emanuel Rahm (1959- ). Maire démocrate de Chicago de 2011 à 2019. Chef de cabinet d’Obama. Partisan de battre les Républicains en étant plus « libéraux » qu’eux.
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Hymne syndical US, chanté par des travailleurs de Ford
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