« Aucun pays ne peut ouvrir assez grand ses portes pour accueillir les centaines de milliers de Juifs qui veulent quitter l’Europe : il faut fixer une limite quelque part. »
"La pression des juifs pour entrer au Canada n'a jamais été aussi forte que maintenant, et j'ai le plaisir de pouvoir dire, après 35 ans passés dans ce service, qu'elle n'a jamais été aussi soigneusement maîtrisée" (1) écrivait en septembre 1938, Frederick Blair, directeur du service de l'immigration du Canada, avant de refuser, quelques mois plus tard, l'accès de son pays aux passagers du paquebot "Saint-Louis", juifs fuyant le nazisme, que la politique de "la porte close" de pays occidentaux condamnaient à errer de ports en ports.
Rouge Cerise reproduit ci-dessous un extrait de l' Encyclopédie canadienne racontant cette honteuse tragédie et dédie cet article à tous ceux qui pensent que l' important dans la situation en Afghanistan c'est la maîtrise des flux migratoires...
R.C.
(1) source Wikipedia
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eXTRAIT DE l'encyclopedie canadienne
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À la recherche d’un lieu sûr
Quelques mois après l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler et l’inauguration du « troisième Reich » en 1933, les Juifs allemands commencent à craindre pour leur vie. Des centaines de lois discriminatoires visant les citoyens juifs sont adoptées par le gouvernement allemand. Par exemple, les Juifs sont expulsés du fonctionnariat, radiés du barreau, et licenciés comme enseignants, tandis que le nombre d’élèves juifs est sujet à des quotas. En 1935, les Lois de Nuremberg révoquent la citoyenneté et le droit de vote des Juifs allemands, les laissant sans protection légale alors qu’ils sont sujets à une hostilité grandissante encouragée par l’État.
Le monde n’ignore pas que la situation des Juifs en Allemagne est de plus en plus précaire, en particulier après la Kristallnacht. Cette « nuit du verre brisé », du 9 au 10 novembre 1938, est marquée par de violentes émeutes en Allemagne nazie et en Autriche dans lesquelles on assiste à la destruction délibérée d’établissements juifs. Des centaines de synagogues sont détruites par le feu, 91 Juifs sont tués, et près de 30 000 hommes juifs sont arrêtés et envoyés aux camps de prisonniers de Dachau, Buchenwald et Sachsenhausen, qui deviendront plus tard des camps d’extermination. Après plusieurs événements du même genre, des centaines de milliers de Juifs allemands se voient contraints de quitter le pays avant la Deuxième Guerre mondiale.
Le voyage du Saint Louis
Le Saint Louis quitte la ville allemande d’Hambourg le 13 mai 1939. Les 937 réfugiés à bord du paquebot de luxe y voient leur meilleure chance d’échapper aux troubles en Europe. Presque tous les passagers sont juifs, pour la plupart des citoyens allemands et quelques Européens de l’Est et des passagers cubains ou espagnols. De façon officielle, certains sont « apatrides » et plusieurs ont perdu leur commerce et leur maison. D’autres sont d’anciens prisonniers de Dachau et Buchenwald, relâchés à condition qu’ils quittent l’Allemagne au plus vite.
Le Saint Louis se dirige vers Cuba, un pays ayant octroyé des visas à plusieurs passagers. Ils ont aussi rempli les formulaires leur permettant d’entrer aux États-Unis et prévoient une simple escale à Cuba avant d’obtenir le droit d’entrer aux États-Unis.
À son arrivée à La Havane le 27 mai, le navire est retenu au port. Seulement 29 passagers reçoivent la permission de débarquer; il y en a 28 qui achètent de nouveaux documents sur place et un individu qui doit être hospitalisé à La Havane. (Un autre passager est mort pendant le voyage). Confrontés à un antisémitisme grandissant, à la vente illégale de certificats d’entrée et aux nouvelles règles concernant l’immigration adoptées par le gouvernement cubain, le navire et ses passagers demeurent dans le port pendant plusieurs jours.
Cependant, le capitaine Gustav Schröder refuse de ramener les 907 passagers restants en Allemagne nazie. Il plaide auprès des autorités cubaines, sans succès. Après le rejet de ses demandes, le navire reçoit l’ordre de quitter les eaux cubaines, ce qu’il fait le 2 juin. Le capitaine longe les côtes de la Floride, espérant que les États-Unis offrent d’accueillir les réfugiés. À la place, le Saint Louis est intercepté et suivi par la garde côtière. Un comité représentant les passagers écrit au président Franklin D. Roosevelt, qui reçoit aussi d’autres messages provenant d’autres groupes et célébrités américains sympathiques à la situation des passagers. Des fonctionnaires américains font valoir que les réfugiés à bord du navire doivent attendre leur tour dans une longue file de demandeurs d’asile. Le président refuse d’accepter les réfugiés, et le Saint Louis vogue vers le nord, en partance pour l’Europe.
Les Canadiens sont bientôt au courant de la difficile situation des passagers. À Toronto, 41 citoyens influents, dont le pasteur et historien George Wrong, adressent une pétition au premier ministre William Lyon Mackenzie King le 7 juin pour qu’il donne asile aux réfugiés. Étant alors à l’étranger pour affaires d’État, William Lyon Mackenzie King demande à Oscar Skelton, son sous-secrétaire d’État aux affaires étrangères, de consulter le ministre de la Justice Ernest Lapointe et Frederick Blair, directeur de l’Immigration au gouvernement canadien. Ernest Lapointe est « tout à fait opposé » à l’admission des réfugiés, et Frederick Blair fait valoir qu’ils étaient disqualifiés par les lois sur l’immigration de l’époque… lois qu’il avait créées. Selon Frederick Blair, « Aucun pays ne peut ouvrir assez grand ses portes pour accueillir les centaines de milliers de Juifs qui veulent quitter l’Europe : il faut fixer une limite quelque part. »
Alors qu’Halifax est à seulement deux jours de navigation, le navire continue sa route vers l’Europe. Rien ne semble indiquer que le capitaine Schröder ait contacté le gouvernement canadien à ce moment.
Le 17 juin, les passagers du Saint Louis débarquent à Anvers. Par la suite, leurs chemins se séparent : 214 s’installent en Belgique, 224 en France, 181 aux Pays-Bas et 288 au Royaume-Uni. Durant la Deuxième Guerre mondiale, plusieurs de ces pays tombent entre les mains des nazis, et les réfugiés du Saint Louis se retrouvent en danger de mort. Bien que beaucoup réussissent à survivre aux horreurs de la guerre, beaucoup sont envoyés dans les camps de concentration, où périssent 254 des anciens passagers
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