« Liberté », « Dictature », « Extermination », ces mots retentissent dans les manifestations anti-Pass (pourquoi ne pas écrire Passe ?). Notre ami et camarade Raymond Chabert a écrit plusieurs articles sur la Résistance en Vaucluse. La vraie, celle qui vous conduisait parfois devant un peloton d’exécution où vous livrait aux SS ou à leurs collaborateurs français qui vous torturaient avant de vous assassiner.
Le 2 août, à Barbarenque, Olivier Safon, au nom de l’ANACR, rendait hommage aux cinq martyrs de la Division Brandebourg et rappelait qu’ils appartenaient au Maquis Jean Robert.
Raymond Chabert nous en dit plus sur ce jeune ouvrier communiste, notre camarade Louis Lopez, mort à 27 ans, qui savait, lui, le sens réel des mots dictature et liberté.
R.C.
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Né le 4 juillet 1917 à Marseille (Bouches-du-Rhône), guillotiné le 22 avril 1943 à Nîmes (Gard) ; électricien ; militant communiste ; résistant. (Source Maitron)
Jean Robert, lieutenant FFI, « Mort pour la France » le 22 avril 1943, est né à Marseille le 4 juillet 1917. C’était un jeune ouvrier électricien, communiste, qui participait à la résistance armée. Il fut arrêté et interné au fort Saint-Nicolas. Au cours du premier trimestre mille neuf cent quarante-deux, il s’évada en compagnie d’un codétenu, en sautant d’un mur de huit mètres puis d’un second de dix. Malheureusement, son collègue eut les deux chevilles brisées et se réfugia dans le couloir d’un immeuble où demeurait le directeur de la prison.
L’organisation clandestine marseillaise envoya Jean Robert chez mes parents, 56 chemin des Sources à Avignon. C’étaient des épiciers dans un quartier tranquille, proche de la campagne, à deux cents mètres des exploitations agricoles. Jean Robert s’était présenté dans un piteux état, sale, avec un œil au beurre noir et vêtu d’une soutane. En sautant d’un des deux murs du fort, il s’était blessé au genou. Il a dû vivre au chemin des Sources peut-être jusqu’au mois de septembre. Il affrontait le danger sans peur. Lors du Quatorze Juillet, il alla place de l’Horloge au milieu de la foule, truffée de policiers en civil et de mouchards, s’approcha d’un groupe de jeunes et il se mit à chanter la Marseillaise. Lesquels reprirent en cœur l’hymne national. À ce moment-là, il s’éclipsa. La direction clandestine l’envoya à Nîmes. En compagnie d’un autre camarade, Vincent Faïta, ils décidèrent de donner l’assaut à un fourgon cellulaire pour libérer des camarades. C’était d’une témérité folle, la police les repéra rapidement et ils furent internés à la prison centrale. On les y tortura en vain pour leur faire avouer quels étaient les membres de leur organisation. Marguerite Charmasson, son épouse, qui était allée le voir à son lieu de détention, ne le reconnut pas sur le moment tant il avait été battu, défiguré par les coups. Il fut condamné à mort par le régime de Vichy dirigé par Pétain. On refusa sa grâce à sa femme. On l’emmena le vingt-trois avril au matin, il chantait La Marseillaise et l’Internationale avant d’être guillotiné, boulevard des Arènes à Nîmes.
Le commerce de mes parents était entouré au rez-de-chaussée par la cuisine et un débarras, au premier étage deux chambres contigües et une isolée. Les patriotes venaient à l’épicerie en se faisant passer pour clients et ils pouvaient être abrités dans la pièce excentrée. Le mot de passe était « Je viens prendre des nouvelles du petit Raymond ». En me fondant sur mes souvenirs, j’ai divisé en deux les camarades qui sont venus au 56 chemin des Sources, « morts pour la France » d’un côté et ceux qui ont eu la bonne fortune de vivre. Mais l’énumération n’est pas exhaustive. Les morts, Jean Robert, Jean Moutet, Louis Rachinel, Edgard Tarquin, Louis Lopez.
Ceux qui ont survécu: Étienne (c’était son nom de guerre. J’avais rencontré François Billoux, bien des années après, qui m’apprit qu’il s’agissait de son ancien beau-frère), Georges Bourelly, cheminot de Nîmes, Louis Castan, qui sortit de la guerre capitaine, titulaire de la Croix de guerre au titre de la Résistance. Félix Charre, cheminot d’Avignon qui organisa la résistance au dépôt des locomotives. C’était un patriote culotté, il avait adhéré au syndicat vichyste et à ce titre il était allé à Vichy défendre les intérêts de ses collègues. On racontait qu’il avait été en présence de Pétain. Joseph Armando, lui, était varois. Au début de la guerre, il fut arrêté par les fascistes italiens. Pour qu’il cède sous la torture, ils l’attachèrent à une ligne électrique à haute tension, peine perdue pour les tortionnaires. Joseph c’était le nom de guerre de Romano, je ne me souviens pas exactement de son nom, il demeurait à Vedène.
Tout le monde n’a pas eu la chance
D’avoir des parents communistes.
Raimond Chabert
Militant de la Section Fernand Marin (Sorgues)