Extrait d'un article du site Faire vivre et renforcer le PC
Si on regarde les commentaires en ligne des militants de la CGT sur les manifestations contre le Pass sanitaire, on a l’impression que beaucoup de travailleurs pensent qu’il est possible de faire passer à gauche ces manifestations dominées par l’extrême droite. Cette position repose sur l’idée que les mouvements sociaux n’ont pas d’orientation propre, mais dépendent exclusivement des rapports de force : si on participe en masse, on peut voler la manifestation à l’extrême droite, qui la monopolise actuellement.
Malheureusement, ce n’est pas le cas. Pour comprendre la nature d’un mouvement social, il faut comprendre ses racines sociales. Le mouvement contre le passeport vaccinal a une racine loin des valeurs de gauche et est par conséquent
Un exemple italien
Les premières manifestations en Italie ont eu lieu en janvier, lorsque le gouvernement a décidé de fermer les bars et les restaurants en raison de l’aggravation dangereuse de la situation pandémique. Fascistes, restaurateurs et clients sont descendus dans la rue en criant ’Libertà ! Libertà !’ et avec pour slogan ’ J’ouvre ’.
Dans le même temps, chaque jour, entre 300 et 600 personnes suffoquaient et mouraient seules dans un lit d’hôpital, tandis que les travailleurs de la santé, désespérés, essayaient de faire ce qu’ils pouvaient et plus pour sauver le plus de vies possible. Comme si un avion intercontinental s’écrasait tous les jours.
Mais de quelle liberté parlaient les fascistes et les restaurateurs dans la rue? Ils parlaient de la liberté de continuer à faire des affaires comme avant. Comme si rien ne s’était passé, comme si les lits d’hôpitaux n’étaient pas remplis de mort et de désespoir. Ce qu’ils voulaient, c’était la liberté de faire ce qu’ils voulaient quand ils le voulaient, sans contraintes. Il est vrai que les restaurateurs italiens ont reçu beaucoup moins d’aides que leurs collègues français. Mais ils auraient pu demander une aide similaire à celle reçue dans d’autres pays d’Europe, montrant ainsi un intérêt pour la situation générale. En effet, dans ce cas, en plus des intérêts légitimes des restaurateurs, la santé publique aurait été protégée, à commencer par celle des personnes les plus fragiles. Au lieu de cela, cette solution n’a même pas été conçue.
Et les clients qui ont participé à ces manifestations, de quelle liberté parlaient-ils? Ils demandaient la liberté de faire ce qu’ils voulaient, sans se soucier des autres. Pour célébrer et trinquer sans penser à la mort qui nous entourait alors.
Ça me faisait peur. Ça me fait peur. Pour eux, la liberté n’est pas une femme qui peut marcher tranquillement dans la rue. Ce n’est pas un travailleur qui n’a pas peur d’être licencié. Ce n’est même pas un enfant qui peut étudier et développer ses capacités. Ce n’est pas un monde sans guerres ni une répartition équitable des richesses. Il ne s’agit pas d’un environnement non empoisonné ou d’une vieillesse sereine.
Pour eux, la liberté c’est de pouvoir manger et boire. La photo du coucher de soleil sur la plage. Des seins et des culs. Une succession de moments d’expérience, l’un après l’autre. L’important est que rien ne vienne perturber ces moments. Pas un immigrant ou un sans-abri. Pas un gouvernement qui essaie de construire une barrière à la pandémie. Pas un ’autre’ dont la simple présence perturbe la jouissance de l’instant.
Il pourrait y avoir Pinochet au gouvernement, et si on peut manger et boire, s’amuser et faire la fête, c’est pareil. En fait, ce serait peut-être mieux, car il s’agirait d’un gouvernement ’efficace’ qui résoudrait rapidement les désagréments qui perturbent les expériences.
Une vie pleine pour eux n’est pas une vie sociale, avec les autres, s’efforçant de poursuivre quelque chose, de construire quelque chose qui restera, de laisser le monde meilleur que celui qu’on a trouvé. Ils remplissent leur vie de tagliatelles et de fromage de fosse, de vodka et de selfies posés, tous pareils.
En Italie, il y a un tiers du pays qui est comme ça et qui crie ’Libertà Libertà’ si les bars et les restaurants sont fermés. Et il y a un autre tiers qui, dans l’ensemble, sympathise et pense que ’ce n’est pas la vie sans ça’, tout en niant la survie de ceux qui risquent leur vie avec la pandémie. Dans un pays où depuis des semaines, depuis le déblocage des licenciements (c’est l’extrême droite de Meloni et Salvini qui a réclamé la liberté de licencier), on assiste à des licenciements massifs au rythme de 500 par jour, pas un seul d’entre eux n’est allé devant ces usines pour crier ’liberté liberté’ et soutenir ces personnes et leurs luttes. Aujourd’hui encore, aux heures les plus sombres, il y a un autre tiers du pays, toujours le même, qui fait grève, qui aide les sans-abri, qui cuisine dans les cuisines populaires pour les pauvres, qui aide les immigrés clandestins, qui demande l’imposition des grandes fortunes, qui adhère aux partis de gauche, qui manifeste, qui fête le 25 avril et le 25 juillet (anniversaire le premier de la Libération de l’Italie et de la chute de Mussolini le second).
L’orientation du mouvement no-vax/no-pass
Les manifestations européennes contre les restrictions en période de pandémie se caractérisent, comme celles en Italie, par le rejet absolu de toute limitation de l’activité économique (le droit irrépressible et illimité de faire des profits) et le rejet de toute limitation des comportements individuels exigés par les clients.
La liberté des sujets fragiles et de la société dans son ensemble de les protéger est absente, cette liberté qui est avant tout leur droit de vivre, leur et notre droit de rester en bonne santé et de ne pas risquer des conséquences à long terme. Cette liberté entre en conflit avec la liberté économique de faire des profits et la liberté individuelle de se divertir. Dans cette confrontation, les manifestants ont choisi leur camp.
La droite sait aussi où se placer. Ils ne disent pas qu’ils se fichent des personnes fragiles (ils s’en foutent, pour reprendre le langage des années 2000), ils disent vouloir défendre la liberté des restaurateurs et des clients de se divertir. De vivre. Et avec une certaine lucidité et cohérence politique. Historiquement pour eux les estropiés, les ratés, étaient un fardeau pour la race, à tel point qu’ils ne finissaient même pas dans les camps de concentration et étaient éliminés directement (une élimination qui a commencé avant même les autres).
Le problème, c’est la gauche, hégémonisée depuis des décennies par une pensée libertaire post-soixante-huitarde qui conçoit la liberté, au même titre que la droite, comme l’absence de contraintes et d’entraves. Sans ficelles ni liens, comme dirait Sole 24 Ore, journal du Medef italien. Sans contraintes sociales, sans responsabilité envers les autres, concentré sur la vie comme une succession d’expériences belles et gratifiantes que personne ne peut interrompre ou perturber.
Cette ’gauche’ ne ressent aucun devoir envers les plus faibles et considère sa propre liberté irrépressible et sans contraintes comme un bien absolu qui ne peut être compromis. S’il faut sacrifier les plus fragiles pour qu’ils puissent retrouver leur vie antérieure de jouissance, qu’il en soit ainsi.
Les contraintes servent à exploiter les plus forts au profit des plus faibles. Et les forts ont toujours été intolérants aux contraintes. La pensée libertaire a suggéré à gauche que ce n’est pas le cas. Mais sans contraintes extérieures, la loi du plus fort revient, les rapports de force réapparaissent, au détriment des plus faibles. La pensée libertaire de gauche, même si elle ne s’en rend pas compte, ouvre en fait la voie à gauche à une pensée fonctionnant à droite. Dans ce cas, à la droite la plus extrême.
Le rejet de toute limitation a été suivi de la diffusion de théories du complot de toutes sortes : ’le virus n’existe pas’ ’c’est une grippe normale’’on peut le soigner avec le médicament x mais on ne nous le dit pas’, etc. Il s’agit d’une rationalisation a posteriori pour justifier le rejet de toute contrainte, même face à des preuves sanitaires indiscutables. Je refuse les limitations et pour cela je dois me justifier à moi-même avant de le faire aux autres, c’est pourquoi on accepte de croire les théories les plus imaginatives et les plus invraisemblables.
Les choix derrière le passeport sanitaire
La question qui se cache derrière le pass sanitaire est de savoir s’il peut y avoir des limites collectives au comportement individuel et à l’activité économique.
Soit on protège les personnes fragiles, celles qui ne peuvent pas se vacciner ou sur lesquelles le vaccin n’a pas d’effet (greffés, immunodéprimés, maladies auto-immunes, etc.), en restreignant la possibilité de vie sociale de ceux qui ne veulent pas se vacciner, soit on donne à ces personnes le droit de vivre librement en enfermant chez elles les personnes fragiles, comme si c’était leur faute pour la fragilité qu’elles portent.
Ceux dont le comportement individuel est en contradiction avec l’intérêt collectif doivent être sanctionnés. Pour protéger la partie la plus fragile de la société qui serait touchée par les conséquences de cette liberté sans limite. Une liberté sans limites qui se transforme en son contraire, à savoir la ’liberté’ des forts contre les faibles.
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Lorenzo Battisti (CGT Banque Assurance)
(*) Titre donné par RC à cet extrait
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Tour de "Pass Pass"
Le taux de chômage reste au sommet et les salaires des patrons du CAC 40 ont pris 40% en un an. Par étonnant que le gouvernement cherche à détourner notre attention.
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