17 octobre 1961 : MEURTRES POUR MÉMOIRE. Par Roger Martin

En 1983 la Série Noire publiait le roman d’un jeune écrivain encore inconnu.
Il s’intitulait Meurtres pour Mémoire.Quelques mois plus tard, il obtenait le Prix Paul Vaillant-Couturier, à l’instigation d’André Wurmser, spécialiste de Balzac et redoutable polémiste qui signait chaque jour dans L’Humanité un billet intitulé « Mais… dit André Wurmser ». Suivit, dans la foulée, le Grand Prix de la Littérature policière.
Meurtres pour mémoire était un roman noir. Didier Daeninckx, son auteur, avait choisi ce genre pour évoquer des faits laissés dans l’ombre ou volontairement occultés de notre histoire. La déportation de 1750 Juifs de Bordeaux aux camps de la mort via Drancy pendant l’Occupation et le Massacre du 17 octobre 1961 s’y retrouvaient étroitement liés. Dans les deux cas, le même responsable était aux commandes, un certain Maurice Papon, haut fonctionnaire de Vichy devenu préfet de police de la Ve République ...

Même si quelques rares articles avaient évoqué le 17 octobre 1961, le livre de Daeninckx fut pour beaucoup, journalistes, chercheurs une révélation. Suivirent téléfilm, articles, ouvrages historiques, dont un, remarquable, de Jean-Luc Einaudi, inauguration d’une plaque à Paris sur le pont d’où furent jetés à la Seine des dizaines d’Algériens, et, in fine, la reconnaissance de la responsabilité dans le massacre du gouvernement de l’époque par Emmanuel Macron, soixante ans après les faits.

Rares ont été les journalistes à citer le titre du livre et le nom de son auteur ces derniers jours.
Pourtant, Meurtres pour mémoire aura été le modèle de ce qu’est le roman noir quand il est fidèle à ses origines, un cri contre l’oubli, un détonateur, un réveilleur de consciences.

On connaît ma haine des thrillers à tueurs en série et à flics géniaux. Pourtant, paradoxalement, Maurice Papon, qui n’était pas encore passé en procès ni condamné, à l’œuvre dans le roman de Daeninckx était bien lui aussi un tueur en série !

Il n’est pas trop tard pour celles et ceux qui ne l’ont pas encore lu, de découvrir Meurtres pour mémoire, disponible en livre de poche chez Folio Policier.

Roger Martin