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Photo Pixabay

Pour nombre de sociétés du secteur de l’alimentation, l’emballage semble devoir compter davantage que le contenu.


Depuis quelques années, les conseillers en communication s’efforcent de faire passer de gros groupes producteurs pour des maisons familiales pétries d’éco-responsabilité et de bienveillance, ces mots passe-partout que le capitalisme (fût-il vert) ressasse à longueur d’antenne.


La preuve en est avec un des couples de la série télévisée Scènes de ménage, qui séduit depuis des années plusieurs millions de téléspectateurs/trices  chaque soir. Car, Emma, l’employée de Bricoflex et Fabien, l’agrégé d’Histoire hypersensible,  sont aussi les promoteurs d’une petite entreprise qui produit des … compotes. Et des étiquettes affichant une production artisanale (et bio, bien sûr), assurée par un jeune couple souriant et sympathique répondant aux noms d’Anouk et Quentin, ça vous a une autre gueule que « Compote Mapomme » ou « Compote Talapêche ».


Eh bien, en Vaucluse, à Monteux plus précisément, nous aussi on a not’ petite entreprise familiale qui n’connait pas la crise, c’est la reine des supermarchés, que parrainent nos Anouk et Quentin à nous, les imaginaires Charles et Alice !


Dans le temps, l’entreprise était connue sous le nom de son propriétaire, et l’on disait qu’on travaillait chez Faraud. Il faut reconnaître que ça n’avait pas le parfum d’intimité de Charles et Alice, mais au moins les choses étaient claires.


Aujourd’hui, Faraud est devenu un groupe qui a racheté l’usine Allex dans la Drôme, créé une usine à Lancaster, aux États-Unis s’il vous plaît, et agrandi d’un deuxième site la maison-mère de Monteux.


Sans rentrer dans les détails, contentons-nous de reprendre les éléments fournis par Vaucluse Matin (Le Dauphiné Libéré) le samedi 18 décembre 2021, il y a moins d’un mois.
La veille, Marc Fresneau, « ministre délégué chargé des Relations avec le parlement et de la Participation citoyenne » (une notion très floue), invité par le député « marcheur » Adrien Morenas, était en visite dans « l’un des fleurons vauclusiens, Charles et Alice ».
Pour escorter ce « premier vice-président du MoDem » (le gadget de François Bayrou), il y avait aussi Christian Gros, maire de Monteux (ce qui se justifie), mais aussi le préfet de Vaucluse avec, dans ses bagages, le sous-préfet chargé du « Plan France Relance ».


La délégation a été accueillie par le P.d.g de Charles et Alice, Thierry Goubault, lequel a fait valoir l’excellente santé de sa société qui, « depuis 2011, voit son chiffre d’affaires croître de manière exponentielle, atteignant 161 millions d’euros en 2020 », avant de présenter l’extension de 6500 mètres carrés (20 millions d’euros) qui va permettre « à court terme une production de 8500 tonnes de gourdes de compote bio par an ».


Roulement de tambours : Charles et Alice fait appel aux producteurs locaux. On ne va pas s’en plaindre, mais il faut cependant souligner que cette attitude « écoresponsable » lui permet de « bénéficier d’une aide de 400 000 euros de la Faeder   (un dispositif de soutien européen  à l’agroalimentaire) et à une aide de l’État de 750 000 euros via le Plan France Relance ».

Fichtre!


Le hic, c’est que, contrairement à ce que prétendent nombre de politiques, y compris à gauche (n’est-ce pas monsieur Montebourg !), l’argent ne ruisselle pas. Ou plutôt si. Dans la poche des riches et des super-riches mais jamais dans celle des petits, des salariés, de celles et ceux qui produisent les richesses. 


Alors, lorsque le syndicat CGT de Charles et Alice, faisant valoir que tout augmente dans l’entreprise, sa taille, sa production, ses bénéfices, mais jamais les salaires, et qu’exaspéré-es, les salarié-es exercent leur droit de grève, voilà que le discours triomphaliste de décembre se transforme en janvier en chœur de lamentations !


Augmenter les salaires ? Vous n’y pensez pas, ou alors à dose homéopathique ! C’est que vous compromettriez la santé de Charles et Alice si l’on acceptait vos revendications ruineuses !


Ah bon ? Parle-t-on de cette même société épinglée avec sept autres groupes dans l’affaire dite du « Cartel des compotes » et condamnée pour entente illicite à 16,4 millions d’euros par l’Autorité de la concurrence? Une somme dont le P.d.g. avait expliqué que « l’entreprise se portant très bien, elle pouvait payer cette amende sans problème ». 


Mais Noël est passé, on en est plus à faire des cadeaux et le temps est venu de remettre à leur place (sur leur ligne de production) ces individus qui attentent à la liberté du travail en brûlant des palettes et en mangeant des sandwiches devant les locaux de leur entreprise. Vous voulez faire grève ? Libre à vous ! Et si vous attendez des négociations, sachez que le mot rime avec fion ! Des agents de maîtrise, des cadres, des gens qui ont, eux, le sens des responsabilités (et auxquels, à en croire certaines langues malintentionnées, on aurait promis de les payer 2, ou 3, ou 4 fois plus) vous remplaceront avantageusement sur les chaînes. 


Tu parles, Charles (et Alice bien sûr). On aimerait connaître la productivité horaire de ces briseurs de grève ! Rouge Cerise s’est laissé dire qu’elle était si ridicule qu’aucun suppôt du capitalisme ne serait tenté de les recruter.


Mais au fait, plus de préfet ? De sous-préfet ? Où est passée la « participation citoyenne » lorsque personne n’écoute plus les citoyens ?
Et le député ? 


Carpentras n’est pas si loin de Monteux. Adrien Morenas n’entend-il pas de sa permanence monter le mécontentement des salarié-es, de ces Vauclusiens de toutes origines qui se lèvent tôt, qui travaillent en 3/8, la nuit, pendant les vacances, et qui ont affronté le covid avec courage, permettant la continuité d’une production de qualité qui est leur fierté?


Aujourd’hui, ils ne se contentent plus  de mots sonores et de phrases creuses.
Alors, Adrien, un peu de courage. Si le rôle d’un député peut être, certes, de rencontrer un chef d’entreprise, il est aussi d’écouter celles et ceux qui la font tourner.

 

Roger Martin

 

Dernière minute : les dernières élections départementales ont vu l’élection de deux RFN dans le canton de Monteux (ayant succédé à deux FN en rupture de parti pour cause de sympathie zémmuriennes). Ces gens qui ont fait campagne entre autres en prétendant défendre les français qui souffrent et les plus humbles et dont l’absentéisme est notoire, où sont-ils, que font-ils ?
 

Tag(s) : #CULTURE
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