Si l’écho de leur voix faiblit, nous périrons !
"À nos camarades. P.C.F." Catherine et Jonathan déposent la gerbe de notre Parti
Ce dimanche, à Sarrians, nous avons honoré la mémoire de nos camarades ANTOINE DIOUF et ALBIN DURAND (abominablement torturés puis assassinés, le 1er août 1944, par les fascistes du P.P.F.) et nous étions nombreux à participer à la cérémonie
Chaque année depuis 1945 au cours de la cérémonie un discours est prononcé au nom de notre Parti par un camarade. En 1945 le premier fut Waldeck Rochet qui deviendra Secrétaire du Parti. 76 ans plus tard c'est André Castelli, récemment réélu Conseiller départemental, qui a prolongé cette tradition; qu'il en soit remercié.
Rouge Cerise publie ci-dessous le texte de son intervention
R.C.
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2021 Discours d’André CASTELLI
au nom du Parti Communiste Français
Madame la Maire, Mes et Mrs les élus, les représentantes et représentants des associations d’Anciens Combattants, Résistants et Déportés.es, des Corps constitués. Mesdames et Messieurs membres de l’association des Amis d’Albin Durand et Antoine Diouf. Mesdames et Messieurs, Chères et chers amis, Chères et chers camarades ….
Me conformant à ce qui m’est apparu comme une tradition respectueuse du moment qui nous rassemble aujourd’hui, je commencerais par ces mots : nous voilà réunis ce jour pour condamner un acte criminel commis en ce lieu dans une nuit d’horreur. Plus qu’une tradition, ces mots prononcés pour la première fois il y a 76 ans par Waldeck Rochet sont une inscription dans notre patrimoine commun.
Nous commémorons ce jour où nos camarades Albin Durand et Antoine Diouf furent assassinés par des bourreaux nourris de haine. Ce que nous perpétuons dans ce moment commémoratif, c’est un acte à l’opposé de cette haine de l’autre c’est-à-dire un acte d’humanité dans la fraternité. Nous poursuivons la construction de ces bases qui fondent notre rapport à une société d’égalité et de liberté et pour cela, nous saisissons l’importance de ces liens qui permettent de ne pas oublier.
Ne pas oublier. Lorsque je me lançais, au début des années 1990, dans les recherches concernant l’extermination des malades mentaux dans les asiles, (extermination définie comme naturelle par les théories aryennes des nazis, aidée par les concepts eugéniques d’Alexis Carrel et mise en œuvre par le gouvernement de Vichy), il en était qui souhaitaient que l’on oublie ce temps. Oublier les faits, permettait de ne pas les rapporter à des décisions et des conceptions qui ont amené à l’abandon à la mort de 70 000 personnes, mortes de faim, de froid, de manque de soins dont près de 2000 à Montdevergues de 1940 à 1944. Oublier pour que les changements de camp des commanditaires, se fassent dans un ordre naturel des choses et que l’histoire se constitue en les sortant de toute responsabilité.
Ne jamais oublier, nous disait Lucien Bonnafé, psychiatre communiste, humaniste et désaliéniste qui créa la psychiatrie moderne de secteur dans les années 1960. C’est à cet appel qu’ont répondu et répondent encore aujourd’hui celles et ceux qui perpétuent ce temps de mémoire du 1er Août. Depuis 76 ans ils font œuvre d’humanité, permettant que ces vaillants que nous honorons, poursuivent leur engagement et nous éclairent encore aujourd’hui dans ces chemins du 21ème siècle. Ces chemins qui ont encore tant besoin des lumières de la réflexion, de l’action, et de la décision pour nos libertés.
Cette commémoration nous parle au présent, elle nous dit combien aujourd’hui, dans notre modernité accélérée, nous devons à tout moment refuser des faits, des propos, des conceptions, des décisions dans nos vies qui sont portées par des visions faites de haine, d’intolérance hors de toute solidarité élémentaire et cela dans notre quotidien. Ne jamais s’accoutumer à l’intolérable.
Nous sommes donc là, le cœur battant dans l’émotion que porte ce passé dramatique, mais nous sommes là aussi avec notre cœur militant qui fait de nous des semeurs d’espérance en des jours heureux. Nous sommes là, envahis par ces cris de nos camarades qui ce 1er Août 1944 subissaient des actes de barbarie. Torturés et assassinés sous l’égide de l’armée d’occupation allemande et des collaborateurs français. Ils ont subi l’insoutenable tout en restant fidèles à leur engagement et leur conscience. Nous évoquons bien sûr les noms d’Albin et Antoine, mais nous ne devons pas oublier les autres martyrs de cette horreur sanglante. Paul Roux et Lucien Faraud, victimes dans la fusillade sur la place comme, à d’autres dates Pierre Charasse, Marius Bastidon ou Marcel Billota. Mais aussi en d’autres lieux du Vaucluse, à Vaison le 10 Juin précédent, à Valréas le 12, au Beaucet le 2 Août… c’est la terreur absolue qui régna et les morts se comptèrent par dizaines quelques mois voire quelques jours avant la libération.
Donc, ce 1er Août 1944, une vague d’horreur sanglante s’abat sur Sarrians. Une horreur préméditée, orchestrée et guidée par les responsables locaux de l’État vichyste. Ceux-là mêmes qui auraient bien voulu que cette horreur ne soit pas connue. Ce fut le cas de ce chef de service des questions juives en Préfecture d’Avignon, qui allait devenir un éminent historien de la résistance vauclusienne.
Depuis des mois, le Préfet et le Sous-Préfet rappellent la nécessaire surveillance de « Mr Durand, dont les opinions extrémistes sont notoires et devant être considéré comme un des principaux militants du PC de l’arrondissement…..et qu’il serait opportun de faire exercer sur lui une surveillance discrète et toute particulière…. » Nous savons, par ailleurs, qu’Albin Durand et Antoine Diouf avaient fait l’objet de lettres de dénonciations de la part de collaborateurs sarriannais.
Ce sont les membres du Parti Populaire Français, parti fasciste, qui vont laisser libre cours à leur barbarie tout au long de cette soirée et nuit d’horreur. Ils instaurent une peur généralisée sur le village. La place et le café du Casino sont occupés. Les barbares sont protégés par un détachement militaire nazi. Les habitants sont interrogés, violentés. Une fusillade en riposte est enclenchée. Des blessés s’effondrent, deux aidants courageux que j’ai évoqués, sont tués. Une opération organisée dans le droit fil des procédures de surveillances mise en place par les services préfectoraux. Le but affiché est de mettre fin aux agissements de ceux qui résistent et croient à des valeurs opposées à celles de l’occupant et de ceux qui sont à son service. Une opération militaire pour abattre ceux qui refusent une France à genoux, qui portent l’honneur de la solidarité face aux bourreaux de la liberté. Le café a servi de salle d’interrogatoire. La horde sauvage, à la nuit tombée s’est rendue à la ferme d’Albin Durand et Antoine Diouf. Toute la famille est regroupée avec brutalité. L’objectif est de démanteler le réseau des résistants du territoire, de trouver des armes. Albin et Antoine sont torturés et leurs douleurs entendues par les femmes retenues à proximité. Leurs cris résonnent d’autant plus fort que leur silence est total face à cette ignominie. Ils n’ont jamais voulu être des héros, ils ne voulaient être que des porteurs de la paix et du bonheur. Albin aura le cuir chevelu scalpé, la poitrine défoncée, les jambes et les bras sciés. Antoine a été frappé, brûlé, ses muscles ne sont plus qu’une tumeur, ses os cassés. Ils seront rendus au silence à jamais par un coup de revolver.
Notre livre, honorant les 100 ans du PCF en Vaucluse « Communistes en Vaucluse, Regards sur un siècle d’histoire » évoque, ce moment dramatique qui est dans notre génétique militante et politique. Et antérieurement un autre ouvrage collectif « Un village dans la tourmente » nous a aussi construit un champ mémoriel essentiel à la compréhension de la réalité historique.
Ces traces de mémoire nous sont essentielles pour vivre dans le présent. Des traces qui qualifient les faits et leurs responsabilités, faisant résonnance sur des faits et responsabilités dans notre quotidien. Des résonnances virales et financières infectant notre humanité et notre dignité. Ces résistants dont l’un croyait en Dieu et l’autre pas, ne nous disent-ils pas qu’il est incompréhensible que sur notre planète subsiste encore tant d’injustice et d’intolérance ? N’ont-ils pas criés assez fort leur refus de l’injuste en se taisant dans la dénonciation voulue par l’oppresseur barbare ? Ne doit-on pas réfléchir à nos propres cris à pousser aujourd’hui pour refuser la barbarie planétaire qui guide les pas de ces puissants voyageant maintenant dans l’espace au prix des famines et des épidémies qui se généralisent et font mourir des millions d’enfants sur notre planète ?
Ce temps de non-oubli nous invite à ne pas baisser notre garde de solidarité et d’humanité, à guider nos pas pour la tolérance, le respect et la dignité humaine.
Je me permets enfin, dans ce moment solennel, de rendre hommage à notre camarade Marie-Hélène Calvetti qui nous a quittés il y a quelques jours pour rejoindre Oswald au cimetière de Lagnes. Leur nom est celui qui identifie la section de notre parti organisatrice de cette commémoration. Marie-Hélène comme Oswald ont été non seulement des camarades de route mais des acteurs déterminés, envahis dans leur conscience par les valeurs qui ont été celles d’Albin Durand et Antoine Diouf, pour construire un monde dans lequel compte l’Humain d’abord. Jusque dans ses derniers moments Marie-Hélène a porté son sens de la responsabilité, de l’engagement, du partage et de la fraternité. Il m’est apparu important d’associer la mémoire de notre camarade dans ce temps d’émotion fraternelle qui nous porte en ce jour de commémoration.
Je vous remercie pour votre écoute.
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Discours de Madame BARDET, Maire de Sarrians