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Jeudi 3 mai sa famille, ses amis, ses camarades de la FNDIRP étaient présents pour une cérémonie d'hommage à Gilbert Levieux au crématorium d'Avignon. La cérémonie s’est ouverte par la chanson de Jean Ferrat, Ma France, puis Alexandra Rollet, Vice-Présidente de la FNDIRP, Raymonde d’Isernia, Présidente de l’ADIRP de Vaucluse,  ont témoigné de le vie et du rôle de Gilbert Levieux dans la résistance au camp de Buchenwald et de son activité tant à la FNDIRP qu’au Parti communiste français à son retour et jusqu’à sa disparition. Anette Mouysset, Secrétaire Départementale de l’ADIRP de Vaucluse, a alors donné lecture du Serment de Buchenwald, prononcé sur la sinistre place d’appel par les 18 000 survivants le 5 mai 1945. Enfin, Roger Martin, militant communiste, écrivain, auteur de Dernier convoi pour Buchenwald,  a rappelé le combat de Gilbert Levieux et de ses camarades du Comité des Intérêts Français au sein de la Résistance internationale du camp, expliquant que, loin de l’image de victimes résignées donnée trop souvent par la littérature et le cinéma des déportés, les Gilbert Levieux, Marcel Paul ou Henri Manhès, comme les centaines de résistants du camp, issus de plus de 18 nationalités, étaient des militants qui avaient su ranimer la flamme de l’espoir au cœur de la barbarie. Il a souligné combien il était vital, à une époque où les anciens SS sont réhabilités en Lituanie ou en Ukraine et où des « identitaires » peuvent, hélicoptères à l’appui, installer une frontière illégale au sommet d’une montagne sans intervention de la préfecture, de faire vivre toujours davantage le souvenir et les combats pour l’être humain de Gilbert Levieux et de ses camarades.

Enfin, avant que chacun dans l’assemblée puisse s’incliner devant le cercueil, l’assistance a écouté dans une émotion perceptible , qui avait gagné le personnel des pompes funèbres, Jean Ferrat chanter Nuit et Brouillard.

Rouge Cerise s’associe à l’hommage rendu et propose ci-après le discours prononcé par Alexandra Rollet.

 

Texte de l'hommage rendu par Alexandra Rollet Vice-Présidente de la FNDIRP à notre camarade Gilbert Levieux
 

Il y a une semaine, après un court séjour à l’hôpital, nous apprenons que Gilbert Levieux, notre camarade, est décédé. Son état de santé s’est dégradé rapidement, et nous avons tous été frappés au cœur sous le choc de la triste nouvelle. Gilbert vient de nous quitter.

 

Fils unique de Lucie et Max Levieux, Gilbert est né le 12 juillet 1924 à Paris. Après des études primaires, il entre en apprentissage dans la métallurgie, sur les conseils de ses parents, qui pensent que c’est un bon métier. Il constate rapidement que ce travail ne lui plaît pas, et qu’il en changera un jour. Mais en 1939, la France déclare la guerre à l’Allemagne. Gilbert a 16 ans, lorsque l’armée allemande fait son entrée dans la capitale. Il passe alors une grande partie de son adolescence, sous l’occupation allemande, à Paris. A 18 ans, pour fuir le régime nazi de la zone occupée, il décide de s’engager dans l’armée de l’air, et lorsque les Allemands envahissent la zone dite « libre », il est embarqué pour Blida où il arrive le 18 novembre 1942. Il servira sous l’égide de la SAP (Sécurité Aérienne Publique), et sera, avec ses camarades, affecté à la surveillance, au poste de guet, de l’arrivée des avions. Gilbert dira souvent « çà m’a tellement plu, que j’ai déserté… ». En fin d’année 1942, il va se cacher à Angoulême, et c’est ainsi qu’en 1943, il entre, grâce à un oncle, chez les Francs Tireurs et Partisans Français. Gilbert n’est pas encore impliqué en politique, son père ne l’était pas, et il n’a jamais eu l’occasion de débattre dans son entourage. Il commence son activité résistante par la distribution de tracts, visant à recruter des réfractaires pour la création d’un réseau. Malheureusement, il est repéré, et dénoncé, par une personne acquise au gouvernement de Vichy. Le 26 juin 1943, il est arrêté, avec ses camarades, par les gendarmes français et les forces de l’ordre allemandes. Détenu à la prison d’Angoulême, il partage sa cellule avec 6 codétenus, apprend à jouer aux échecs, et fait la connaissance d’un communiste, Jean Doucet, qui le fera adhérer au Parti Communiste Français. Le 22 septembre 1943, Gilbert Levieux est transféré avec 5 camarades, à Compiègne « Royal lieu ». En tant que jeune adhérent, il est pris en charge par les communistes. Le 28 octobre 1943, il est évacué de Compiègne, dans un convoi de 933 hommes, qui devront voyager dans des wagons à bestiaux, pour arriver à Buchenwald, le 30 octobre 1943. Sur les 933 hommes du convoi, seulement 409 seront rapatriés, à la libération des camps nazis.

À Buchenwald, Gilbert Levieux devient le numéro 31262. Après la période de quarantaine, il est transféré, avec 80 déportés, au kommando de Schönebeck, situé à une vingtaine de kilomètres, au sud de Magdeburg. En tant qu’ancien métallurgiste, il est affecté à la firme Junker, qui fabrique des pièces d’avion. Gilbert apprend alors, en travaillant sur une aléseuse, que cette machine est en magnésium, et qu’elle présente des risques d’inflammabilité, lorsque la cadence est trop rapide. Il racontera plus tard, avec humour, que c’était inimaginable, combien il s’était mis à travailler vite… Suite à l’avancée des armées alliées, une partie de la firme Junker est transférée à Mühlhausen, située à 80 kilomètres au nord-ouest de Buchenwald. Gilbert fait partie de la cinquantaine de détenus destinés à remonter cette unité. Bientôt, plus de 1000 déportés les rejoindront, ce qui permettra de créer une cellule de sabotage. Avec un camarade codétenu, il gardera la même pièce sur une fraiseuse, sans y toucher, pendant 36 heures, un record qu’il aime à rappeler. Il se réjouira aussi d’avoir brûlé trois moteurs de cette machine. Avec son optimisme légendaire, notre ami Gilbert a réussi à organiser un spectacle pour Noël, entre déportés, dans le camp de Mühlhausen.

Fin mars, le kommando de Mühlhausen est évacué. Dans son triste parcours, Gilbert Levieux sait reconnaitre les petites chances qui lui ont permis de rester en vie. Par exemple, d’avoir eu affaire à un sous-officier SS, à qui des camarades déportés politiques plus âgés ont fait peur, lui faisant comprendre qu’il serait jugé comme criminel de guerre. Il est évacué, à pied, avec 568 déportés, vers Buchenwald où il arrive trois jours plus tard. Les SS veulent faire évacuer le camp, et le 8 avril, à 8h du matin, ils donnent l’ordre aux détenus de se rendre sur l’appelplatz. Les déportés refusent. A 10h du matin, ils sont sommés de monter sur la place d’appel, où attendent des lance-flammes et des mitrailleuses. Le mot d’ordre du Comité International Clandestin de Buchenwald est de ne pas sortir du camp. Les nazis ne voulaient pas laisser les traces de leurs crimes derrière eux, et tentaient d’évacuer le camp, en jetant des milliers de déportés sur les routes, dans les marches épuisantes de la mort. L’organisation clandestine du camp parvient à limiter le nombre des départs et à prendre le contrôle sur les SS le 11 avril 1945, quelques heures avant l’arrivée des blindés américains. Les barbelés sont détruits, les miradors occupés, les armes capturées. Gilbert participe à la libération du camp, et se retrouve, à 20 ans, avec un fusil dans les mains, pour faire la chasse à l’homme. Les détenus remettront 220 prisonniers, des kapos et des SS déguisés en déportés, aux troupes américaines, qui prendront possession du camp. Pour Gilbert, ce n’est pas un esprit de vengeance qui le guide, mais uniquement le plaisir de se libérer du joug nazi. Il est présent, le 19 avril 1945, quand les détenus survivants du camp, prêtent un serment, qui sera connu ultérieurement sous le nom de « Serment de Buchenwald ».

Voilà mon cher Gilbert, brièvement retracé, ton parcours dans cette période où la devise « Travail, Famille, Patrie » du gouvernement de Vichy s’était substituée à la devise républicaine, « Liberté, Égalité, Fraternité ».

Tu recevras successivement plusieurs décorations, dont la Médaille militaire, la Croix de guerre 39/45 avec palme et la Légion d’honneur…

Installé dans le Val de Marne, tu épouses Mathilde, le 27 avril 1946 à Le Perreux-sur-Marne. De cette union naîtra ta fille, Solange, en 1947. Dans les années qui ont suivi ton retour des camps nazis, fidèle à tes convictions, tu continueras de militer pour la dignité humaine, et les droits de l’homme. Tu seras grand-père avec l’arrivée de tes petites-filles Aurélie et Benoîte, et arrière-grand-père avec l’arrivée de Paolo et Gabriel.

Adhérent à la FNDIRP, tu seras membre du bureau de la section d’Antibes en 1976, ainsi qu’un trésorier départemental très imaginatif, pour faire vivre l’ADIRP des Alpes Maritimes, où tu t’es installé avec Éliane, ta seconde épouse.

En 2001, vous venez vous installer dans le Vaucluse, près d’Avignon, et tu prendras des fonctions au sein de l’ADIRP de Vaucluse, dans laquelle tu seras membre du bureau, Président de la section d’Avignon, et Vice-Président de l’Association départementale.

Tes camarades et amis se souviendront d’un joyeux boute-en-train, le seul capable d’animer, avec brio et bonne humeur, les tombolas que tu aimais organiser lors de nos Assemblées Générales.

La Fédération Nationale, que je représente aujourd’hui en ce triste moment, a été créée en 1945 sous l’égide de Marcel Paul et de Frédéric-Henri Manhès, tes camarades déportés à Buchenwald. Elle a aidé au rapatriement et aux soins médicaux des déportés, en mettant en place un dispensaire, rue Leroux à Paris pour soigner les pathologies liées à la déportation, un centre de réadaptation fonctionnelle, un centre hospitalier, et enfin, une maison de retraite médicalisée, à Fleury-Mérogis.

L’affection fraternelle que tu nous témoignais, t’a donné une place particulière dans notre cœur, Déportés, Internés, et Familles.

Ta bonne humeur et ton optimisme feront défaut à nos réunions.

Nous, tes amis, tes camarades, qui connaissons bien la tragédie de ton parcours, t’adressons, une dernière fois, nos très fraternelles pensées.

À ta fille Solange, tes petites-filles, Aurélie et Benoîte, tes arrière-petits-fils Paolo et Gabriel, nous présentons nos condoléances très sincères et les assurons de notre affection, en souvenir de toi.


 

Adieu Gilbert, tes camarades ne t’oublieront jamais.

Alexandra Rollet
Vice-Présidente de la FNDIRP
Avignon, le 3 mai 2018.

 

   Gilbert Levieux, notre camarade résistant déporté, n’est plus
   Gilbert Levieux, notre camarade résistant déporté, n’est plus   Gilbert Levieux, notre camarade résistant déporté, n’est plus

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 La Section Oswald Calvetti du PCF vous invite à participer à la

Commémoration de la Victoire du 8 mai 1945
Le 8 mai 2018 
 

 Rassemblement place Aristide Briand à 11h, cérémonie place Louis Giraud à 11h15.  
84210 Pernes les Fontaines   

 

  

 

Lecture du message des déportés

 par Anette Mouysset,

 secrétaire départementale de l’ADIRP de Vaucluse 

et dépôt de gerbe de l’ADIRP de Vaucluse

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