
Je suis effaré par la caricature qui est faite de Cuba à travers le reportage de M. de Maximy.
Je ne peux pas être identifié comme un communiste ou un socialiste « à l’ancienne », bref, un dangereux bolchevique victime ou complice de la propagande castriste. Je suis simplement un voyageur attentif au respect des personnes, et ceci m’a toujours interdit de demander à être invité si jamais je voyais un gâteau d’anniversaire sur un vélo ! particulièrement dans un pays pauvre.
En revanche, pour avoir visité Cuba de « casa particular » en « casa particular » durant un mois, en ne choisissant pas forcément les lieux a priori touristiques, jamais je n’ai senti la pesanteur du « flicage » mentionné dans le reportage.
Un de nos interlocuteurs a été effectivement arrêté et relâché le lendemain. Il avait passé quatre jours avec nous auparavant. Pendant les quatre jours il a été notre compagnon de restaurants et de visites et il nous en a dit sur son pays ! Et nous l’avons écouté. Nous avons su qu’il était coutumier du fait, en bon “Jinetero”, et qu’il souhaitait qu’on lui donne de l’argent. Ceci a été vérifié puisque la veille de notre départ pour une autre ville, il est venu à notre casa en insistant pour qu’on lui en donne. C’est vrai qu’il était frustré de ne pas pouvoir voyager pour des raisons économiques essentiellement. Pour cela, il se sentait, comme beaucoup, prisonnier de son île.
Il est certain que la démocratie cubaine est remise en question en permanence, malgré des processus électoraux résultant de débats contradictoires souvent à l’échelon local. Il est certain que la “liberté” à l’Européenne est présentée comme LE modèle à atteindre.
On se demande bien pourquoi, quand on vérifie chaque jour les dégâts occasionnés sur les plus pauvres par cette religion du libéralisme qu’on nous martèle et qu’on nous vend quotidiennement, sous couvert du label de démocratie. Investi dans une association laïque d’aide aux personnes, je sais de quoi je parle.
Enfin, Cuba est indépendante depuis cinquante ans et on attend que, malgré un blocus insupportable, la répartition des « richesses » cubaines (uniquement celles du tourisme) résolve tous les problèmes de vie pour le peuple cubain !
En somme, j’ai le sentiment très net qu’on attend de Cuba une « performance » libérale qui résoudrait par magie, en cinquante ans d’indépendance, certains problèmes que notre « démocratie » ne parvient pas, même après trois siècles, à résoudre, entre autre l’éradication de la pauvreté. Notre mentalité quasiment ethnocentrique, voire anthropomorphique dans ses excès, est lamentable. Des reportages comme celui de M. de Maximy s’inscrivent dans cette forme de pensée. Bienvenue au Zoo ! ainsi devrait se nommer la série d’émissions de ce monsieur.
Partout à Cuba, nous avons, ma femme et moi, été accueillis par des personnes souriantes, y compris à l’aéroport. Pour anecdote, ayant égaré l’adresse de notre première casa, le chauffeur de notre taxi nous a accompagnés dans toutes les ruelles de la vielle Havane, pendant la nuit, tirant l’une de nos valises, jusqu’à ce que des personnes lui indiquent la bonne adresse. Nous n’avions que le nom des personnes et la rue. Le manège a duré plus d’une heure.
Le chauffeur ne nous a rien demandé en supplément. C’est nous qui avons rallongé le prix de sa course. Trouvez l’équivalent à Paris, M. de Maximy ! Vous seriez encore en train de marcher dans les rues de la capitale !
À Cuba, nous avons pu aborder tous les sujets que nous souhaitions avec les gens. J’ai même pu faire une partie de pétanque avec des Cubains, trois heures durant. Sans nul doute, mes compagnons de jeu (des musiciens) devaient être de dangereux agents de la « stasi » locale chargés de se renseigner auprès du joueur de pétanque français, si un complot n’était pas en route pour renverser le pouvoir.
Jamais nous n’avons été mis en garde contre les vols, nous avons simplement respecté la prudence qui est de mise dans tout voyage, quel que soit le pays visité. Inutile, en effet, de se conduire en colon arrogant.
Les Cubains sont dignes et respectables, ils parviennent, dans une immense frustration pour leur jeunesse avide de découvertes, à développer un savoir vivre et un savoir accueillir que l’accès aux plaisirs contemporains (Internet, Mac Do, PlayStation…) balaiera un jour, je le crains ; le plus tard possible, je l’espère.
Beaucoup rêvent qu’au nom d’une liberté de pacotille (est-on libre en France quand la presse appartient à trois grands groupes ?), Cuba redevienne le bordel et le casino de tonton Sam. Cuba est une île aux multiples contradictions, et appréhender sa vérité passe par une recomposition permanente des discours et des faits.
Les statistiques nationales sont des petites pierres amenées à l’édifice de la vérité : 4% seulement d’analphabètes, une médecine qui s’exporte, du tourisme médical, une jeunesse éduquée, un système de santé entièrement gratuit.
Je rajouterai à cela, une performance énorme : Cuba est parvenu à développer un « savoir vivre ensemble » qui pourrAuteur : Jacques Louvet, le 7 juillet 2016.ait nous servir d’exemple. Des Africains, des Indiens, des Européens se côtoient sans que le racisme soit aussi exacerbé que chez nous… L’autre sera toujours l’autre de toutes façons, tout est affaire de degré d’acceptation ou de rejet.
À ce jour, je ne connais aucun pays tel que Cuba, qui ait éduqué sa jeunesse et développé une médecine de pointe en n’ayant rien à vendre d’autre que le soleil, les plages et le mojito. Tout ceci dans un contexte d’inadmissible blocus.
Je souhaite dire ici que ce blocus est d’inspiration coloniale, relevant de la même démarche que la politique qui met à genoux toute l’Amérique latine actuellement. Il est des pays bien moins sécuritaires que Cuba et qui n’ont pas à subir un empêchement économique aussi minable. Ce blocus n’est toujours pas levé, faut-il le rappeler ?
Et qu’il soit dit haut et fort que Cuba a joué un rôle essentiel pour faire cesser le conflit entre les FARC et le gouvernement colombien ! On ne sait jamais, des fois que quelqu’un puisse trouver des points positifs aux initiatives internationales cubaines. Pourtant, nous en avons entendu parler, du conflit entre les FARC et le gouvernement colombien !
En information, comme en musique, les silences, s’ils durent trop longtemps, mettent en valeur… les mauvais interprètes.
Jacques Louvet