http://www.le-chiffon-rouge-morlaix.fr/2016/08
Quelques données de l'IFOP suite à l'Université d'été du PCF à Angers où Fréderic Dabi, son directeur adjoint, est intervenu
Les sondages sont des données à manier avec précaution, des photographies à un moment donné du temps, qui n'ont pas de pouvoir prédictif et qui peuvent évidemment bouger en quelques mois avec les logiques des acteurs politiques et leur capacité à convaincre, à rassembler, à porter l'attention sur des thèmes qui favorisent ou non la droite ou la gauche.
Néanmoins, les données recueillies à l'Université d'été du PCF au cours de l'intervention très intéressante de Fréderic Dabi, de l'IFOP, le vendredi, permettent de mesurer l'étendue des défis que nous avons à relever, et la difficulté à venir pour la gauche de se sortir du piège des présidentielles et des législatives de 2017.
Ce n'est pas une surprise, la popularité de l'exécutif et de François Hollande cet été est extrêmement basse, avec 17% d'opinions favorables, contre 61% en mai 2012, soit un recul de 44 points, ce qui est inédit pour un président de la République.
Sarkozy était passé de 65% d'opinions favorables en mai 2007 à 36% en juillet 2011, soit un recul de 29% sur une période comparable.
Chirac était passé de 51% d'opinions favorables en mai 2002 à 38% en juillet 2006, soit un recul de 13%.
L'imposition de la loi contre le droit du travail et les travailleurs a encore aggravé un sentiment qui était déjà installé dans l'électorat de 2012 de François Hollande puisque en 2015 déjà, 62% des gens de gauche considéraient que la politique menée par Hollande n'était pas de gauche, à raison évidemment. L'opinion a toujours soutenu le mouvement social contre la loi travail, que rejettent deux tiers des Français invariablement depuis les premières annonces de la loi El Khomri.
François Hollande est la personnalité que les Français rejettent le plus, à 72%, devant Marine Le Pen ( 71% d'opinions défavorables), Marion Maréchal Le Pen (65% d'opinions défavorables), Nicolas Sarkozy (62% d'opinions défavorables).
Cela indique d'emblée qu'une grande majorité des Français ne veut pas d'un match Le Pen-Sarkozy- Hollande, aux présidentielles, qui apparaîtrait pourtant comme assez probable aujourd'hui, si Sarkozy gagnait la primaire à droite face à Juppé en utilisant le ressort de la fuite en avant xénophobe et sécuritaire. Alain Juppé a beaucoup d'opinions favorables chez des électeurs qui se situent au centre et même un peu chez des électeurs qui se situent à gauche, mais il est moins assuré d'être en tête dans son camp, la droite, face à "l'expérience" (calamiteuse il est vrai) de Sarkozy et a sa réputation d'homme à poigne sur des sujets qui sont au centre de l'attention de tout l'électorat, et encore plus de l'électorat de droite: sécurité, lutte contre le terrorisme, immigration.
En juillet 2016, les enquêtes IFOP donnaient le FN quel que soit les adversaires à entre 28% et 29% au premier tour des Présidentielles. Avec un regard un quasi effondrement de la gauche, hors peut-être l'"extrême-gauche" dans laquelle les sondeurs placent Jean-Luc Mélenchon, le total des voix de gauche (extrême-gauche compris) ne dépassant pas 30% si l'élection devait avoir lieu demain, dans un contexte d'émiettement des candidatures.
30% de voix potentielles pour la gauche au 1er tour des Présidentielles, le score le plus bas jamais réalisé sous la Ve République, alors que 47% des Français se classent plutôt eux-mêmes à gauche (et 4% à l'extrême-gauche)! C'est dire la crise de confiance entre l'électorat de gauche et les prétendants actuels de la gauche aux présidentielles.
Jean-Luc Mélenchon, à l'été 2016, avec l'état du débat et des candidatures déclarées, est en mesure de se hisser en troisième position dans un second tour des présidentielles, devant Hollande, ou un autre candidat présentée par le PS, qui serait alors quatrième. Mais cela ne permettrait pas pour autant dans cette configuration d'éviter un choix droite /extrême-droite/ ou abstention au second tour des présidentielles, ni une déroute de la gauche aux législatives, dont l'issue serait un Parlement essentiellement Bleu - Brun, avec sans doute des députés FN élus à la faveur de triangulaires, sauf "désistement réciproque" PS-droite au nom de la défense républicaine. Et peut-être même des députés FN élus sur des matchs à deux avec la droite ou la gauche. Des projections annonçaient il y a quelques mois que sur 577 circonscriptions, dans l'état actuel des intentions de vote, 180 seulement donneraient lieu au second tour à des duels droite-gauche: le reste, des triangulaires ou des duels droite-extrême-droite. Seule une résistance ou une victoire de la gauche aux Présidentielles peut éviter ce désastre!
La candidature de Jean-Luc Mélenchon, rejetée par 50% des français (beaucoup moins donc que Hollande ou Sarkozy ou les Le Pen), est appréciée par une part croissante de l'électorat socialiste, de l'électorat de François Hollande en 2012. Sans doute grâce à l'ancienneté et la cohérence globale de son positionnement, grâce aussi à sa présence médiatique, elle arrivait cet été très loin devant les hypothèses Montebourg, Hamon, Duflot, dont la candidature pour l'heure, en commencement de campagne, ne recueillerait pas plus de 10%. Aucune candidature communiste n'a été testée par l'IFOP, à défaut de candidature déclarée. La popularité de Macron est une popularité de papier puisque ce sont essentiellement des citoyens de droite qui jugent son action et sa personne positivement. Dans la division et l'éparpillement des candidatures, il apparaît en tout cas que la gauche a très très peu de chances d'accéder au second tour.
Faut-il penser alors comme Cambadélis ou Joffrin qu'il faut tous se placer derrière Hollande pour "sauver la République"? Evidemment non, car il est le plus mal placé pour le faire, sur le fond et le résultat possible.
Depuis des années, pas un sondage de l'IFOP ne place Hollande comme potentiellement qualifié au second tour.
La part de Français se disant proche du PS a été divisée par 2,5 en 4 ans entre 2012 et l'été 2016! Cela ne veut pas dire malheureusement que le Front de Gauche ou les Verts en ont profité.
Pas un sondage de l'IFOP ne place non plus Sarkozy comme vainqueur au second tour. Cela montre que nos concitoyens ne veulent ni de l'un, ni de l'autre, tant ils ont déçu et échoué sur tous les chantiers et promesses qu'ils s'étaient donné ou avaient faites.
L'effondrement de confiance pour l'ensemble de la gauche causée par la politique de François Hollande et des socialistes et son résultat n'implique pas, néanmoins, contrairement à l'habitude, un désir de droite. Les champions potentiels de la droite, à l'exception peut-être de Juppé, restant assez ou très impopulaires, et les dernières élections Régionales n'ayant presque pas permis à la droite d'améliorer son nombre de suffrage de 2010, pourtant le plus bas sous la Ve République.
Les derniers événements, le climat politique et social, les priorités actuelles des Français favorisent pourtant la droite et le Front National.
En juillet 2016, seuls 17% des Français considéraient que la lutte contre le chômage devait être la priorité n°1 de l'élection présidentielle, contre 58% qui considéraient que ce devait être la sécurité et la lutte contre le terrorisme, 8% l'amélioration du pouvoir d'achat, 6% la préservation de notre système social, 4% l'amélioration de la situation de l'école, 7% la lutte contre le réchauffement climatique.
En revanche, si l'on pose la question des enjeux qui comptent beaucoup et orientent le choix:
- la lutte contre le terrorisme arrive à 67%
- la lutte contre le chômage à 60%
- la lutte contre la délinquance à 51%
Le FN est une "marque" qui n'a apparemment plus besoin de prouver sur le thème de la xénophobie, de la lutte contre l'immigration, pour des méthodes prétendues "fortes" contre l'insécurité, le terrorisme, ce qui fait que le FN de Marine Le Pen reste relativement et prudemment silencieux sur ces sujets dans le contexte actuel, préférant élargir ses parts de marché vers la France de la crise, des salariés, des zones populaires et rurales abandonnées, avec un discours souverainiste contre l'Europe, parfois anti-libéral et à prétention sociale, même si la réalité du programme économique est bien différente.
Sur les 30% d'électeurs potentiels actuels du FN, 11% se disent eux-mêmes d'extrême-droite. C'est déjà énorme: 4,5 millions de personnes! Dans le passé, c'était 3 à 4% de la population. On voit qu'il y a une réalité de la progression du racisme et des idées d'extrême-droite dans le pays.
Le FN a très fort chez les jeunes, moins chez les personnes âgées (10% de cet électorat): c'est aussi une évolution très notable par rapport au passé. Le vote FN monte fort dans les classes moyennes (catégories intermédiaires, Fonction Publique), surtout dans les grandes banlieues éloignées par le manque de desserte de transport rapide des centres urbains, les zones rurales délaissées, où les services publics sont fragilisés. 45 à 47% des personnes proches de ce qu'on appelle la "classe ouvrière" se sentent aujourd'hui plus proche du FN que d'autres sensibilités politiques.
En revanche, il reste tout de même entre 6 et 7 français sur 10 qui n'envisagent pas de voter FN et qui le rejettent catégoriquement, ce qui limite très fortement ses possibilités de gagner en 2017 même s'il va progresser de manière significative encore, malheureusement.
D'ailleurs, en dehors d'un seul département, le FN n'est jamais parvenu à obtenir une majorité absolue de + de 50% aux dernières régionales.
Le danger est en tout cas bien présent et impose de prendre nos responsabilités à gauche pour construire une parade à la mesure des enjeux et du péril pour notre peuple et notre société, pour nos libertés, notre modèle social et nos acquis démocratiques et républicains.
I.D