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 Le droit à l’IVG est un droit fondamental
 

 

  
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme l’a souligné Éliane Assassi, en déposant voilà presque un an la proposition de loi constitutionnelle visée, mon groupe souhaitait consolider ce droit chèrement acquis, par la lutte des féministes, des progressistes.

Le droit à l’IVG est un droit fondamental. Il est l’un des symboles de liberté et d’émancipation des femmes.

Pour autant, pratiquer une IVG ne se fait jamais le cœur léger. Une telle décision est mûrement réfléchie, difficile à prendre pour les plus de 200 000 femmes qui ont recours chaque année en France à l’IVG. Si ce nombre est aussi important, c’est bien que donner naissance à un enfant est également une décision dont il faut pouvoir assumer les conséquences. Seule chaque femme, seul chaque couple peut le faire en son âme et conscience, en fonction de raisons multiples et personnelles.

Alors que ce droit est aujourd’hui inscrit dans le code de la santé publique et alors que de récentes décisions sont allées dans le sens d’un renforcement, d’une meilleure prise en charge de l’IVG – remboursement des actes afférents, suppression du délai de réflexion… –, mon groupe a des raisons objectives d’être inquiet de sa remise en cause et de vouloir le constitutionnaliser pour l’ériger en principe fondamental.

Nous assistons à l’émergence d’une vague conservatrice qui remet en cause le droit des femmes de choisir librement d’avoir ou non un enfant, dans tous les pays.

En France, les commandos anti-IVG se renforcent et sont toujours actifs pour dissuader, culpabiliser les femmes qui souhaiteraient avoir recours à l’IVG. N’avons-nous pas dû, l’an dernier, adopter une loi pour créer un délit d’entrave numérique à l’IVG, pour sanctionner les sites internet anti-avortement qui exercent leur propagande sous des apparences de sites gouvernementaux très officiels ?

En Europe, ce droit est loin d’être acquis et des forces réactionnaires agissent pour le remettre en cause. On relève encore quatre pays n’autorisant pas l’IVG, sauf circonstances exceptionnelles : la Pologne, l’Irlande, Andorre et Malte, où l’avortement est totalement interdit. À noter, Chypre vient tout juste d’assouplir sa législation, ce qui constitue une bonne nouvelle.

Souvenons-nous, par ailleurs, des millions de femmes polonaises, descendues dans la rue pour défendre ce droit, en 2016 et encore tout récemment. Souvenons-nous également de la mobilisation exceptionnelle survenue en 2013 en Espagne, où le gouvernement Rajoy avait tenté de faire passer un projet de loi remettant en cause l’IVG.

Quant à l’Irlande, un référendum aura lieu en mai prochain pour éventuellement autoriser sa légalisation, et mettre fin ainsi à l’hypocrisie conduisant des milliers d’Irlandaises à se rendre chaque année en Angleterre pour avorter et échapper ainsi à quatorze années de prison.

Quittons l’Europe, pour nous rendre aux États-Unis : l’élection de Donald Trump a entraîné dans ce domaine, comme dans d’autres, une régression totale, avec la fin de l’aide aux associations qui soutiennent l’avortement.

Ces exemples, auxquels il faut ajouter également l’interdiction de l’IVG dans de nombreux pays d’Afrique et d’Amérique latine, montrent bien que, en 2018, les femmes ne peuvent être totalement libres de choisir d’avoir ou non un enfant, de prendre des décisions qui concernent leur propre corps.

L’IVG continue de soulever des débats passionnés et houleux, sous l’influence des milieux les plus réactionnaires, souvent sous la pression des religions. Pourtant, lors de la Conférence mondiale sur les femmes qui s’est tenue à Pékin en 1995 il avait été clairement affirmé : « Les droits fondamentaux des femmes comprennent le droit d’être maîtresses de leur sexualité, y compris leur santé en matière de sexualité et de procréation, sans aucune contrainte, discrimination ou violence, et de prendre librement et de manière responsable des décisions dans ce domaine. »

Toutefois, n’allons pas conclure que la France ne connaît pas de réelles difficultés à rendre ce droit effectif. Dans notre pays, plus de quarante ans après la loi Veil, le droit à l’avortement n’est pas aussi accessible que l’on pourrait le croire. En dix ans, comme l’a montré en 2013 le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, le HCE, 130 centres d’IVG ont fermé sur l’ensemble du territoire national. C’est énorme ! La raison ? Les restrictions budgétaires décidées par les gouvernements successifs en matière de politique de santé. Les GHT, les groupements hospitaliers de territoire, aggraveront encore cette situation.

Mes chers collègues, si chacun d’entre vous défend assez sincèrement la lutte contre les déserts médicaux, le manque de généralistes et de spécialistes, les fermetures de services, comment ne pas vous rendre compte que les budgets que vous votez majoritairement lors de l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale, avec des ONDAM, des objectifs nationaux de dépenses d’assurance maladie, plus que limités depuis des années – c’est un doux euphémisme – ont évidemment des conséquences concrètes sur les structures existantes et l’offre de soins ?

À cet égard, les inégalités territoriales sont très inquiétantes. Je le rappelle, le HCE a préconisé un moratoire sur la fermeture de ces structures et la nécessité de garantir partout le choix des femmes entre les méthodes chirurgicale et médicamenteuse.

À ces obstacles s’ajoute le manque de moyens des associations telles que la CADAC, la Coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception, les centres de planification et d’éducation familiale et le planning familial pour accompagner les femmes et défendre ce droit. Là aussi, les décisions budgétaires prises dans cet hémicycle, auxquelles mon groupe est le seul à s’opposer, unanimement et quels que soient les gouvernements en place, ont évidemment des impacts, et contraignent de nombreuses jeunes femmes à se rendre dans d’autres pays pour avorter.

Ainsi 5 000 Françaises avortent-elles chaque année à l’étranger, du fait du dépassement du délai légal de douze semaines. C’est une réalité inchangée depuis dix-sept ans et qui entraîne de nombreuses inégalités parmi les femmes, puisque, dans ce cas, les frais liés à l’IVG, au déplacement et à l’hébergement sont totalement à la charge de la personne qui souhaite avorter.

En résumé, on le voit, aujourd’hui en France, le droit à l’IVG est loin d’être garanti. À l’heure où le Gouvernement s’apprête à se lancer dans une grande réforme constitutionnelle, nous saisissons l’occasion pour lui proposer l’idée d’une constitutionnalisation de l’IVG. Cela ne fera pas tout, mais c’est un point d’appui important.

Le président Macron ayant déclaré que l’égalité entre les femmes et les hommes serait une grande cause du quinquennat, il nous semble tout à fait opportun que les textes en préparation visent également à constitutionnaliser l’interruption volontaire de grossesse.

La constitutionnalisation de ce droit en France constituerait une protection pour les femmes de notre pays. Par ailleurs, cela enverrait un signal fort et servirait de point d’appui inestimable pour les femmes du monde entier.

Laurence Cohen  / 4 avril 2018

 

Pour en savoir plus sur les propositions des Sénatrices et Sénateurs Communistes: ICI 

Tag(s) : #AGIR AVEC LE PCF
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