Rouge Cerise publie aujourd’hui une contribution de George Mati . Comme toutes les autres contributions que nous serons amenés à publier dans le cadre de la préparation du congrès de novembre 2018, elle n'engage ni Rouge Cerise ni la section Oswald Calvetti et n'est partagée qu'avec l'espoir de susciter un débat constructif et fraternel au sein de notre parti.

De nos jours, en ce début de 21ème siècle, faut-il laisser le système capitaliste libéral régner en maître sans tenter de s’y opposer, alors qu’on sait, dès maintenant, qu’il conduit l’humanité toute entière à sa perte. Face à un pouvoir dirigé par Macron fondé de pouvoir des plus importants capitalistes de notre pays, les communistes, par nature les adversaires les plus résolus devraient animer la résistance. Mais nous sommes très inquiets, car les grandes insuffisances actuelles du parti font douter de sa capacité de faire de la politique, en sachant allier audace révolutionnaire et respect rigoureux des possibles. Les insuffisances portent principalement sur trois questions fondamentales : la démocratie, la bataille des idées et les luttes.
- La démocratie
Un exemple récent montre les insuffisances. L’élection présidentielle est devenue l’élection la plus importante de notre système électoral. Conscients de l’enjeu, la décision de présenter un candidat a été prise à notre dernier congrès par les communistes. Pour diverses raisons, la décision de choisir une candidature a été reportée, alors que sans concertation, Mélenchon développait sa campagne sur un programme tellement éloigné de nos volontés que nous en avons mis au point un autre. L’attente démoralisatrice et rendant problématique une candidature a créé un mécontentement chez les militants, et une conférence nationale a été convoquée. La question de la candidature a été posée et débattue dans le parti en préalable et la conférence a décidé à 55,7% d’une candidature contre l’avis de la direction du parti. Dans le respect des statuts, le vote des militants a été organisé. Contre toute logique, le secrétaire général fait campagne dans les grands médias pour le rejet de la décision de la conférence et à 53,6% mal informés, les communistes le suivent. C’est ainsi que l’électorat national n’a pas eu connaissance de notre programme et a pu croire que celui de Mélenchon correspondait à nos propositions. Notre candidature n’aurait sans doute pas fait un score satisfaisant, mais nos idées auraient été présentées et la campagne des législatives aurait été plus efficace, sans ambiguïté.
Les possibilités financières du parti sont en baisse sensible et peut-être durable. Et si l’on veut poursuivre le nécessaire renouvellement des responsables cela posera le problème de retours sur le marché du travail, en conséquence cette question devrait être étudiée dès le recrutement des permanents. Enfin pour renforcer l’influence du parti dans les entreprises, il serait efficace pour le choix des candidatures aux élections et aux responsabilités politiques de faire appel à des camarades ayant une expérience professionnelle et ainsi une meilleure connaissance des problèmes des salariés.
Les grands médias ne rendant pas compte des informations concernant les activités du parti, Il est indispensable qu’avec les nouvelles technologies le parti organise un réseau d’information de tous les militants. La correcte information de tous constitue une des bases de la démocratie. Attention tout le monde n’a pas les équipements nécessaires, il faudra trouver des solutions. Cette information sera complétée par l’organisation d’une formation de tous les militants. Certes le niveau d’instruction a progressé mais les militants révolutionnaires doivent acquérir des connaissances spécifiques pour mener la bataille décisives des idées.
- La bataille des idées
Un siècle après 1917 demeure son inspiration la plus essentielle: nous pouvons transformer le monde et changer la vie. Le meilleur tardant à naître, faute d’initiatives appropriées, le pire n’est pas fatal si nous savons nous montrer capables d’invention stratégique, qui commence par celle de la pensée.
Le parti se caractérise comme communiste sans définir en quoi il l’est. Cela a pour conséquence de lui faire subir le discrédit accolé à des références historiques négatives en permanence rappelées par les médias et nous ne menons pas la bataille d’idées que le communisme n’est ni une utopie, ni un modèle à imiter mais que c’est le mouvement réel, abolissant l’état de chose actuel où le sort de tous continue d’être commandé par l’intérêt de quelques-uns, se donnant pour feuille de route du genre humain.
L’escamotage jusque dans nos têtes du promoteur communisme est devenu le principal moyen de dissimuler aux peuples la voie de sortie du capitalisme. Croire qu’on peut réguler le capitalisme est une grave erreur: avec la financiarisation et la globalisation, il n’existe pas de moyens d’actions efficaces. Les marchés financiers disposent des moyens multiples pour imposer leurs exigences: Mitterand a, en son temps, dénoncé le « mur de l’argent », Hollande a dû se rallier au pacte de stabilité pour aller au pouvoir. En Grèce, malgré l’opposition majoritaire du peuple, la politique mise en œuvre est imposée par la Commission Européenne et les grecs sont dans une situation très difficile.
Pour mettre en œuvre une politique de transformation sociale, il faut réaliser trois conditions :
- Avoir la maitrise des moyens de financement des mesures progressistes qu’on veut appliquer,
- Maitriser les secteurs clés de l’économie •
- Dès la victoire électorale, réaliser des réformes pour transformer les conditions de vie des travailleurs, mobilisant leurs forces pour les obtenir et ensuite pour les pérenniser. Alors les forces progressistes auront le pouvoir.
La maitrise des moyens de financement passe par la création d’une banque publique de financement regroupant les moyens financiers de l’Etat et ceux des principales banques privées. Cette banque pourra obtenir des crédits de la BCE et effectuer les financements y compris des collectivités et organismes publics.
La maitrise des secteurs clés implique de les sortir de la sphère privée: c’est la propriété qui assure le pouvoir, c’est-à-dire la possibilité de transformer et de développer l’appareil de production et de service pour satisfaire les besoins de la population avec une efficacité meilleure respectant l’écologie.
Enfin la première création nouvelle sera la mise en place de la sécurité/formation qui constitue le moyen le plus efficace de résoudre le problème du chômage. Il faut entreprendre dès maintenant la bataille des idées pour cette nouvelle sécurité, d’abord parce que c’est une proposition nouvelle et qu’il faut convaincre de son utilité ,ensuite parce qu’une double attaque est portée contre le statut du salarié. Le salaire universel déconnecte le revenu du travail, comme le remplacement du financement des dépenses sociales par l’impôt à la place des cotisations sociales. D’autres questions doivent être abordées pour faire connaître les positions des communistes.
L’écologie n’a pas sa place dans la pratique militante alors que le réchauffement climatique est un problème fondamental. Les idées répandues à la fois par les milieux dirigeants pour susciter la peur qui fait perdre confiance et par les écologistes pour faire des voix aux élections créent une ambiance hostile aux domaines scientifiques. La transition énergétique est traitée sans tenir compte des possibilités techniques, la chimie est devenue un sujet de craintes, les vaccinations sont négligées. Le parti semble gêné et ne donne pas son point de vue. Le journal l’Humanité participe à cette ambiance et coopère même à des opérations lancées par des clans rétrogrades.
Sur les relations internationales le parti n’a pas encore trouvé la façon de donner son point de vue fondé sur une analyse rationnelle des situations, en particulier quand il s’agit de problèmes objets de campagnes virulentes des grands médias. Par exemple le parti ne parait pas à l’aise pour parler de la Chine ou de Cuba alors que ce sont deux pays de très grande importance. La Chine pour son phénoménal développement, Cuba pour son rayonnement en particulier en Amérique Latine.Pour ces deux pays, leur étiquette communiste semble inciter la direction du parti à rester à distance pour ne pas avoir à donner un point de vue. Pour la plupart des communistes la Chine est un pays capitaliste comme les autres et Cuba est gênant car il est beaucoup attaqué.
- La participation aux luttes.
C’est dans l’action que se développe la conscience et que progressent les idées. Pour cela, il faut planifier l’organisation des luttes car elles demandent du temps pour sortir du cercle limité des militants les plus actifs. La tendance marquée actuellement est de répondre aux évènements plus ou moins artificiels qu’imposent les médias dominants. Sans négliger de prendre part aux débats importants il faut plus qu’on ne le fait s’inscrire dans une stratégie. Pour réduire le chômage et faciliter la mise en œuvre de la sécurité emploi /formation des actions coordonnées et suivies devraient être poursuivies, en relation avec des besoins réels sur la réduction du temps de travail, la créations de postes etc..Des succès même limités feraient progressivement renaître l’espoir en particulier dans les couches sociales démoralisées et s’abstiennent le plus aux élections. On a relevé, dans la dernière période que si 6% des cadres se sont abstenus à tous les derniers scrutins, les ouvriers ont été 16%à le faire. D’une façon générale, ceux qui obtiennent des résultats constatent qu’on peut faire progresser les problèmes généraux en les abordant avec continuité par les aspects les plus concrets.
Dernière remarque, une longue expérience montre que dans le parti comme dans la plupart des organisations les décisions prises sont le reflet des pensées, des compétences et de la culture du groupe dirigeant qui en a pris la responsabilité. A fortiori, quand les décisions ont été nombreuses et ont couvert une longue période: on ne peut pas modifier profondément des orientations, des modes de fonctionnement sans constituer une équipe largement modifiée pour développer et mettre en œuvre une nouvelle dynamique
Georges Mati
Militant communiste de Paris

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