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( chronique de José Fort sur la radio web, Radio Arts-Mada, tous les lundi de 19h à 19h30) 28 mai 2018

 

Au milieu de ce fatras de mauvaises nouvelles, en voilà une qui éclaircit le sombre panorama général : le résultat du référendum sur l’avortement en Irlande. 66,4 % des 2,1 millions d’électeurs irlandais se sont prononcés pour une libéralisation de la législation sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG), actuellement l’une des plus restrictives et répressives d’Europe.

« Ce que nous vivons aujourd’hui est l’aboutissement d’une révolution tranquille qui a lieu en Irlande depuis dix ou vingt ans, a déclaré le premier ministre, Leo Varadkar.

Quant au Sinn Fein, il a salué « un important moment pour les femmes et pour la société irlandaise en général, un pas vers une Irlande plus tolérante et ouverte. »

Le « oui » massif des Irlandais à l’abrogation du 8e amendement de la Constitution qui prohibait tout avortement, ouvre la loi à une légalisation de l’IVG par voie législative. Enfin, une bonne nouvelle. Pourtant, elle ne doit pas nous faire oublier que dans de nombreux pays d’Europe, le droit des femmes à disposer de leurs corps reste un tabou durement réprimé par celles qui osent passer outre les injonctions archaïques et féodales.

Tenez, par exemple, deux pays membres de l’Union européenne : la Pologne et la Hongrie. L'avortement était toléré en Pologne jusqu’en 1993. La pression de l'Église a fait reculer les droits des femmes. La plupart des leaders de Solidarnosc étaient liés à l'Église catholique. Redevable au clergé de son soutien contre l’ancien régime, les ex-dirigeants du syndicat devenus les piliers de la classe politique polonaise, l'on récompensé en validant ses positions régressives. Dans les écoles, les cours d'éducation sexuelle ont été supprimés, remplacés par des sessions sur la « vie de famille » et l’avortement est présenté comme un « crime » au point que même les militantes hésitent à employer le mot avortement.

En Hongrie, dans leur manuel scolaire de sciences naturelles, les collégiens hongrois apprennent que « les garçons et les filles (...) n’ont pas les mêmes capacités physiques et aptitudes intellectuelles ». Et dans le livre destiné aux nouveaux cours de morale obligatoire, ils se voient avertis qu' « avoir des relations sexuelles hors mariage est un péché ».

En Hongrie, sur le papier, il est toujours possible d’avorter. Mais il est désormais inscrit dans la "loi fondamentale" que « la vie humaine est protégée dès le moment de la conception ». Avorter revient à s’embarquer dans un parcours du combattant. Même les filles mineures enceintes sont maintenant incitées à conserver leur enfant : elles n’ont pas besoin de l’accord des parents pour le garder… mais elles en ont besoin pour avorter.

Le succès des campagnes contre les harcèlements sexuels ne devrait pas estomper le combat plus général pour le respect des droits des femmes, pas seulement sur la question de l’avortement. Partout dans le monde, les femmes subissent des violences. Dans de nombreux États les discriminations sont inscrites tant dans le droit pénal que dans le droit civil relatif au mariage, à l’héritage ou encore à la propriété. Mais même dans les pays où les femmes ont pu obtenir une égalité en droit, celle-ci est souvent illusoire dans la pratique. Dans les instances publiques de décision, les femmes demeurent largement sous-représentées. Les violences à leur égard prospèrent souvent en raison de l’absence de lois adéquates, des obstacles à l’accès des victimes à la justice ou de l’inaction des pouvoirs publics qui tolèrent leur banalisation. Les femmes ne sont pas seulement victimes. Elles sont les principales actrices de leur propre émancipation. En Irlande et ailleurs.  

José Fort

 

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Tag(s) : #TRIBUNE LIBRE
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