
Page FaceBook de Sophia Lilya Hocini
Ce n’est pas un scoop la pauvreté finit par tuer.
Depuis 15 ans, malgré une réalité économique difficile pour les marseillaises et marseillais, l’élection de Jean Claude Gaudin n’était pas un chèque en blanc.
A de bien nombreuses reprises, petites mains artisanes, militantes, élus de l’opposition, associations, familles n’ont de cesse dénoncé la politique des écoutilles fermées.
Loin, très loin, de politique politicienne, nous avons été nombreux et longtemps à alerter du danger, à interpeller quant à la tiers mondisation dangereuse de la ville de Marseille. Dangereuse parce qu’elle tue. Tout simplement.
Ce n’est pas un scoop la pauvreté finit par tuer.
En bradant l’éducation et en laissant nos « minots » livrés à eux même dehors. Combien de nos copains, copains de copains sont tombés sous les balles ?
En bradant l’accès à la culture faisant monter des fascismes qu’on n’aurait jamais pu imaginer à Marseille.
En fermant des PMI sous prétexte de l’amiante mais en refusant en même temps de vérifier si nos immeubles construits par les mêmes prestataires à la même période ne seraient pas contaminés.
En ne daignant même pas faire semblant de s’intéresser aux 12000 sans abris que comptent les rues de Marseille et qui finissent par mourir eux aussi.
Combien, combien ai-je compté de famille me disant qu’elles cherchaient à être relogées. Je n’en ai vu que rarement l’être, ou dans pas bien mieux. Ce sont des copropriétés, même pas des HLM, pour y accéder, il faut traverser des rues pleines cratères, de racines d’arbres mal plantés qui défoncent la chaussée, ce sont de très vieux immeubles, très mal isolés, qui se fissurent, ou le combat contre les moisissures sont une réalité pour bon nombre de familles chaque hiver.
En bas, les rats font presque la loi sur les chats, et les cafards ont infesté la plupart des cages d’escaliers.
La semaine dernière, la Mairie s’est offert une muraille de béton pour 400000€ protégeant les travaux de La Plaine qui avait déjà suscité beaucoup d’émoi. Ironie du sort, hier, ce sont les murs de trois immeubles qui ont cédé. Dix des nôtres restent introuvables. Ensevelis.
Ces personnes auraient pu être ma mère, l’un de mes neuf frères ou sœur, l’un de mes sept neveux et nièces, l’un de mes amis, la plupart habitant le secteur ...
Et jusqu’au bout, l’indécence. La pluie. La pluie ? Et ce n’est pas l’ouragan et la zizanie que Jean Claude Gaudin et ses équipes ont mené dans les couloirs de l’hôtel de ville les principaux responsables ?
Et le résultat, je croise de plus en marseillais dans les rues d’autres communes. À Toulouse, Lyon, Bordeaux, Rennes, Paris. Personne, personne ne rêve de Marseille. Personne ne se dit « je pars m’installer à Marseille, c’est thé place to be ». Personne ne dit j’ai un super poste, je suis bien payé, j’habite un quartier agréable et bien desservi. Personne ne dit quel bonheur de circuler dans les détritus de la Canebière. Personne ne prend le risque d’aller dans le 14 eme à vélo sereinement. Personne ne profite vraiment de la mer tant les plages sont polluées.
Nous avons vu nos espoirs s’effondrer, nos ambitions n’ont plus été cultivées pour Marseille, le nationalisme marseillais ne dépasse pas le stade foot ou le verre de pastis ... qu’on a pourtant longtemps voulu voir à moitié plein.
Aujourd’hui, il déborde.
Ultime signe de mépris, d’indécence et « Je me fous ouvertement de ta gueule, moi je rentre dans ma demeure du 7ème » ce tweet, de la mairie qui n’a pas trouvé mieux que ces mots ...
Les marseillais s’attendaient franchement à un peu plus digne comme réponse.
Mes pensées les plus sincères pour les familles qui cherchent encore leurs proches. L’attente nous est aussi insupportable.
Sophia Lilya Hocini

Communiqué de la CGT du 13

Scène terrible à Marseille rue d’Aubagne dans le 1er arrondissement, où 3 immeubles se sont effondrés ce lundi 5 novembre 2018 faisant de nombreuses victimes.
À la tristesse provoquée par cette catastrophe succède à présent la colère. Car au moment de faire le point sur les causes de cet accident – pour que cela ne se reproduise plus – les autorités politiques se déresponsabilisent une fois de plus. Dans un communiqué publié par la ville de Marseille on peut même lire : « Ce dramatique accident pourrait être dû aux fortes pluies qui se sont abattues sur Marseille ces derniers jours ». La mairie tient donc son coupable : la pluie.
Sans doute est-elle frustrée de ne pouvoir enfermer cet assassin notoire afin de redonner à la ville son surnom de « ville du soleil », faute de pouvoir redonner la vie à ceux qui en ont été privés injustement. Mais pour la CGT, il ne s’agit pas d’un accident qui serait le fruit du hasard des circonstances météorologiques, mais il s’agit bien d’une catastrophe qui était prévisible et qui aurait put donc être évitée.
En effet, l’état de délabrement des bâtiments effondrés était connu depuis de nombreuses années. L’un des bâtiments avait été simplement muré et abandonné depuis 2012 et était occupé par des habitants sans domicile fixe. Tandis qu’un autre « avait fait l’objet, le 18 octobre dernier, d’une expertise des services compétents qui avait donné lieu à la réalisation de travaux de confortement permettant la réintégration des occupants », indique l’Hôtel de Ville. Enfin, le premier bâtiment à s’effondrer était même la propriété de Marseille Habitat dont la mairie est actionnaire majoritaire. Les autorités étaient donc non seulement au courant du niveau d’insalubrité et de danger potentiel mais elles estimaient avoir tout mis en oeuvre pour leurs concitoyens.
Dans le premier arrondissement, plus de 40 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté, dont la plupart vivent dans des logements insalubres. Pourtant ces habitants ne sont visiblement pas la priorité de la mairie qui est plus préoccupée par l’image de façade qu’il faut donner pour attirer les touristes.
Car comment ne pas faire le parallèle avec les travaux de rénovation du quartier de « la Plaine » à quelques 100m de là qui sont très fortement combattus par les habitants du quartier ? Car pour offrir aux touristes de nouvelles et grandes terrasses de bar sur la place Jean Jaurès, la mairie n’hésite pas à déployer des moyens immenses en termes de forces de police mais aussi dans la construction d’un mur – baptisé « mur de la honte » et dont le prix est estimé à plus de 400 000 € – simplement pour empêcher les habitants et habitués du quartier de s’opposer à cette construction.
Des moyens il y en a, ce sont donc bel et bien des choix politiques qui sont la cause du drame de la rue d’Aubagne.
La grande majorité des habitations des travailleurs Marseillais nécessitent d’être rénovées, d’autant plus celles des plus pauvres. Il s’agit d’une urgence. Cependant les rénovations doivent être faites dans l’intérêt des habitants. Car les plans de rénovation permettent aux propriétaires immobiliers de se faire financer – jusqu’à 50 % – par de l’argent public les grands travaux. Or, il s’en suit que ces mêmes propriétaires profitent de ces opérations de rénovations pour augmenter les loyers ce qui ne fait que décaler le problème : les habitants les plus pauvres qui ne peuvent payer l’augmentation des loyers voire de la taxe d’habitation sont obligés de déménager.
Cette « gentrification » de certains quartiers ne change rien au problème : les plus pauvres continuent de vivre dans des logements insalubres. C’est pourquoi, il faut d’urgence une véritable politique publique de l’habitat et du logement qui permette à tous d’accéder à des logements de qualité.
La CGT présente ses condoléances aux familles des victimes. Nous restons solidaires et disponibles pour faire valoir nos droits à vivre dans la dignité et faire en sorte que les autorités assument leurs responsabilités et donne réparation, autant que possible, aux victimes et familles des victimes.
Marseille, le 7 novembre 2018