"Chanson sans peur". Vivir Quintana et El Palomar
La chanson sans peur (« Cancion sin miedo »), ci-dessus, est un hymne féministe écrit par Vivir Quintana, une magnifique apologie des femmes qui se soulèvent au Mexique, des filles de Sonora aux femmes armées du Chiapas, ainsi qu’un vibrant hommage aux nombreuses victimes de viols et de féminicides.
L’autrice y célèbre le courage de « las morras de Sonora ». Las morras, ce sont ces jeunes filles qui subissent des violences au sein de leur famille mais aussi dans la rue, qui sont agressées dans les transports publics où des hommes les tripotent, se frottent à elles parfois jusqu’à l’éjaculation, vont même jusqu’à utiliser des ciseaux pour déchirer leurs vêtements, voir leurs organes génitaux ou leurs fesses. Certaines ont 14 ans et vont encore à l’école où un enseignant les harcèle sexuellement.
Sonora est un État du nord du Mexique, tristement célèbre pour son taux élevé de féminicides et de violences sexistes. Jusqu’à présent, les dénonciations restaient sans conséquences pour les agresseurs, mais depuis plusieurs mois, ces jeunes filles sortent dans les rues pour protester et exiger la condamnation de tous les féminicideurs. Elles écrivent sur les murs et les monuments, cassent des portes, brûlent des objets sur leur passage pour se faire entendre. Elles ne sont plus disposées à tolérer la violence, et encore moins à servir de chair à canon aux féminicideurs et aux multiples crimes qui caractérisent les sociétés patriarcales : pédophilie, viol, traite prostitutionnelle et pornographique. Ces jeunes filles connaissent la législation, l’étudient, la maîtrisent, et s’en servent pour exiger le respect. Et surtout, elles s’organisent pour manifester dans les rues de leurs villes, pleurer ensemble et se réconforter. À Sonora, 117 femmes et filles ont été assassinées en 2019, année la plus sanglante, avec une augmentation de 45 % en un an du nombre de féminicides.
Les manifestations se multiplient dans tout le Mexique, où des collectifs investissent les grandes avenues, taguent le sol et les murs, montent des tribunes où les victimes prennent la parole et témoignent, comme Luz María, mère d’une victime, qui raconte comment le compagnon de sa fille l’a tuée et a vécu plusieurs jours avec son cadavre. La place publique est investie par des femmes qui crient « ¡Ni una más! » (« pas une de plus »), « ¡Vivas nos queremos! (« nous nous voulons vivantes »), et qui interpellent les policiers : « Il y a plus de flics pour protéger les bâtiments que les femmes ! ». Au Mexique, 833 féminicides ont été enregistrés entre janvier et octobre 2019. « C’en est assez », ont crié les femmes, le 24 novembre de la même année, devant la maison du Président, où elles ont publiquement exigé que l’État mette fin aux violences machistes et aux nombreuses disparitions de femmes :
« Nous sommes en état d’urgence, nos ennemis sont forts, ils sont nombreux, ils sont partout. Nous devons nous unir, nous avons besoin les unes des autres. Nous devons continuer à croire en l’organisation des femmes et rester dans la rue. Nous sommes en temps de guerre, et en ce temps de guerre, nous nous voulons vivantes, libres et ensemble[1]. »
Source: Le Partage
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