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Le Conseil départemental a décidé hier de la tenue , en janvier, d'un congrès départemental  pour élire une nouvelle direction. En attendant une direction provisoire a été mise en place.

On peut voir dans ces décisions le verre à moitié plein ou à moitié vide.

À moitié vide, car cela se passe dans un contexte difficile où le Parti perd, en Vaucluse,  influence et militants; déclin que les pratiques opportunistes et souvent bien peu démocratiques des deux dernières directions n'ont fait qu'accentuer. À moitié vide aussi car les adhérents ont jusqu'ici été tenus à l'écart de ce processus.

À moitié plein car si, recommencer pour la nième fois à rechercher en petit comité (de légitimité plus qu'incertaine) une homme ou une femme providentielle pour résoudre nos problèmes ne peut que mener une fois de plus à l'échec,  un autre chemin est possible: donner la parole   aux adhérents et leur permettre d'exercer pleinement leur rôle. Celui-là  conduit à coup sûr au succès.

Succès ou échec dépendront  donc de la mobilisation des adhérents et, pour l'obtenir, nul doute que nous ayons beaucoup à faire. Les sempiternels voeux pieux des organisateurs resteront, comme à l'accoutumé,  lettre morte.  Seul un engagement total et une organisation sans faille  permettront de relever  à l'intérieur du Parti aussi "le défi des jours heureux". 

Notre parti a déjà connu ce genre de situation. L'article que Rouge Cerise reproduit ci-dessous est paru dans l'Humanité, le 14 août 1931.  Confronté à un déclin du Parti et à des pratiques de la direction aussi politiquement douteuses qu'inefficaces , Maurice Thorez, partant du cas concret d'une réunion de section (à l'époque appelée rayon) qui n'a pas marché, y propose analyses et  solutions.

Certains diront:  "Paris 6ème en 1931, rien à voir avec le Vaucluse de 2022", d'autres entendront   au contraire  "de longs échos qui de loin se confondent" comme  le disait le poète (qui a toujours raison).

Et vous?

Enver (sous forme de tribune libre)

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Le comité du 6ème rayon de Paris avait convoqué, l'autre soir, une assemblée des communistes du rayon en vue d'établir le bilan de la campagne du 1er août et aussi afin d'élaborer le plan de travail pour les prochaines semaines.

Le rapporteur a constaté que les résultats du 1er août étaient franchement mauvais dans ce rayon où se trouve une des plus grandes usines de la Région parisienne.

Toutefois, selon une tendance remarquée un peu chez tous nos militants, le rapporteur n’a pas cessé de répéter : « malgré tout, nous avons fait ceci..., nous avons obtenu cela ». On cherche ainsi à atténuer les couleurs sombres du tableau et à affaiblir, par conséquent, la vigueur et l'efficacité d'une autocritique sincère et salutaire.

En cette période d'offensive du capital et de poussée révolutionnaire des masses; il n’est pas possible de se prévaloir de quelques menus résultats, voire même de quelques petits succès ; pour se dissimuler à soi-même, et dissimuler au parti, la persistance des graves faiblesses de notre mouvement et même sa régression partielle.

Par exemple ; le comité du 6ème rayon doit voir nettement que l'absence de manifestation le 1er août, dans les usines ou dans la rue, est la conséquence d'un travail, insuffisant dans les entreprises principales. Actuellement, des milliers d'ouvriers du rayon sont en « congé forcé » et nous n'avons, quasi rien fait, alors que nous étions prévenus et que les ouvriers attendaient nos directives.

Il faut reconnaître, comme l'a souligné justement un camarade, que l'on a jusqu'alors négligé le travail syndical, méconnu la tactique du front unique et que le recrutement est nul. Et cela, malgré des conditions favorables et malgré le dévouement inlassable des membres du parti, exténués physiquement pour la plupart, tant leur effort est grand et continu.

L'assemblée. 6ème rayon nous confirme dans cette, opinion que l'activité du parti ne se déploie pas dans le sens d'une large orientation vers les masses.

En exigeant, des membres du parti qu’ils réalisent seuls et sans la masse telle ou telle manifestation, on aboutit peu à peu à faire du communiste un exécutant, au lieu d'un entraîneur. La vie intérieure du parti s’en trouve affectée.

On ne cherche plus à convaincre les camarades de la cellule de base, afin qu'eux-mêmes aient la possibilité et les moyens de convaincre à leur tour tous les ouvriers de l'usine, du syndicat, du quartier ou de la localité.

Il suffit de donner une directive sèche, j'allais écrire un ordre. Les discussions politiques sont ainsi  peu à peu éliminées et l'esprit critique se dissout dans les détails matériels.

Un ouvrier a exprimé franchement son sentiment « On nous prend pour des mannequins. ». Un autre a expliqué comment, sur douze nouveaux adhérents, dix étaient partis au bout de quelques mois, parce que 1'on se contentait...de leur « fixer des tâches » sans se préoccuper de les intéresser aux problèmes politiques, de les instruire dans notre doctrine, d'en faire des communistes et non des mannequins.

Les critiques chatouillent désagréablement les oreilles des responsables ; ils y répondent souvent de telle façon que les ouvriers perdent toute envie de discuter. Formellement, on proclame les bienfaits de l'autocritique mais, dès qu'un camarade critique, on lui fait mille reproches, on lui tient rigueur, si même on ne l'accuse pas de vouloir désagréger le parti, Si quelqu’un sort une idée, on se demande tout de suite : « Quelle peut être sa déviation ? »

À l'assemblée du 6ème rayon, un camarade s'est défendu de vouloir critiquer en formulant quelques justes observations, un autre, ayant émis des critiques, a été pris à partie et interrompu.

Et voilà pourquoi les camarades n'osent pas toujours parler dans les réunions du parti. Ils parlent dehors, entre eux, ainsi que nous l'avons constaté dans tel rayon de la région parisienne et même jusque dans certain comité régional.

Parfois, fatigués, découragés, les camarades quittent le parti, ainsi que voulaient le faire vingt communistes de Nîmes, excédés par l'attitude sectaire des responsables du rayon.

La tendance à la secte, c'est-à-dire la méfiance vis-à-vis des masses, a comme conséquence la méfiance à l'égard même du parti et de ses militants. Elle fausse les principes du centralisme démocratique, en rendant illusoire la critique de la base, elle aboutit, consciemment ou non, à la formation, à l'intérieur du parti, de petits clans fermés et étroits. Elle menace le développement du parti en tant qu'organisation de l'avant-garde prolétarienne, numériquement forte et étroitement liée à l'ensemble des exploités que nous devons entraîner à la bataille et à la victoire sur le capital.

Les remèdes sont avant tout dans la réponse quotidienne aux préoccupations de la classe ouvrière et de tous les travailleurs et dans la possibilité pour chacun de nos adhérents de dire franchement son opinion sur la politique du parti dans le cadre régulier de nos organisations.

 

Maurice THOREZ.

 

Tag(s) : #TRIBUNE LIBRE
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