Les Zemmuriens anti-vax, l’homme à la caméra, l’Action française, et les dinosaures, Roger Martin

Le marché de Pernes-les-Fontaines, c’est comme La Samaritaine.
On y trouve de tout.

Courant octobre, Marine Le Pen y était venue faire son marché, accompagnée de sa grande sœur, du responsable du DPS (Département Protection Sécurité), payé pendant quatre ans comme attaché parlementaire à l’Assemblée européenne où il ne mettait jamais les pieds, et de l’ineffable conseillère départementale du canton du Pontet, Danièle Brun, qui avait réussi le tour de force de recueillir 5 % des suffrages aux élections municipales à Velleron, où le RFN en obtenait sans elle plus de huit fois plus. 

Sans doute aiguillonné par cette visite de la fille du milliardaire de Montretout, voilà qu’un quarteron de lepénistes en rupture de ban, emmené par Julien Langard, ex-élu FN à Carpentras, ex-thuriféraire de Marion Maréchal Le Pen, co-fondateur de l’association Racine (Les Enseignants patriotes), ex-Gilet jaune (« On est chez nous ! ») et quelques vieux chevaux de retour intégristes, a organisé une distribution de tracts samedi 20 dans la ville où Langard avait échoué à devenir Conseiller départemental. 

Cette fois, le nouvel homme fort dont tout ce joli monde entend faire le futur président de la République, n’est autre, quel paradoxe !, que celui qui trouve des accents à la Maurras pour vouer justement au pilori cette république. Certes, le quidam en question évite de l’accabler du titre de « gueuse », comme ses grands ancêtres royalistes et antisémites, mais de quels forfaits ne s’est-elle pas rendue coupable ! 

On l’aura reconnu, l’homme providentiel, c’est bien sûr Éric Zemmour, ce bateleur de foire mêlant mensonges, demi-mensonges et fabulation outrancière, assenés avec aplomb sur toutes les chaînes, ou presque, de nos médias et qui, à force d’être répétés sans contradiction et copiés par Éric Ciotti et ses clones, deviennent vérités révélées.

An nom des « valeurs » zemmuriennes, ont littéralement déferlé sur le marché une grosse vingtaine de jeunes gens des deux sexes, venus de Carpentras et Avignon, mais aussi du Var et des Bouches-du-Rhône, cornaqués par quelques quadras et quinquas, chargés de tempérer l’ardeur de la jeunesse, sans doute.

Il se trouve que, comme ils en ont l’habitude depuis des années, des militants de la Section Oswald Calvetti du Parti communiste distribuaient un tract ce matin-là. Celles et ceux qui n’en n’ont pas été témoins auront du mal à imaginer la jubilation peinte sur quelques visages dans le camp zemmurien, dans les rangs duquel fusaient réflexions et quolibets. Ainsi, il existait encore des communistes? Qui avaient en outre le front de se présenter en public malgré leurs 100 millions de victimes ! Au secours, les dinosaures sont de retour !

Il va sans dire que les militants communistes présents ne se privèrent pas d’évoquer les condamnations pour racisme de Zemmour, son apologie du traître Pétain (qui aurait « sauvé des juifs », sic !), sa défense du capitalisme le plus sauvage et autres détails aussi insignifiants.

Jusque-là, finalement, rien de bien différent de ce qui arrive dans une campagne électorale où l’extrême-droite raciste entend semer les graines de la haine, ne trouvant la plupart du temps face à eux que les communistes.

Pourtant, sans doute désireux de pouvoir montrer à d’autres, de retour de leur expédition à Jurassic Park,  le spectacle inattendu de leur rencontre avec des dinosaures, voilà qu’une demi-douzaine d’aventuriers, formant une sorte de haie, cachèrent un de leurs acolytes, chargé d’immortaliser la scène. 

Hélas !, pour ces imprudents Zemurriens, la caméra que brandissait par-dessus la haie la main de leur affidé fut vite repérée.

C’est que ces tenants de l’Ordre (nouveau, sans doute), pourfendeurs des voyous qui entraînent la France au gouffre, ne se gênaient pas, eux, pour violer allègrement la loi sur le Droit à l’image !

Quant à l’arrêté municipal, affiché aux barrières aux entrées du marché, rappelant l’obligation de porter un masque, il était resté lettre morte, les disciples imitant jusqu’au bout leur maître qui n’en porte jamais dans ses meetings.

Allons, ne soyons pas jésuites ! Les communistes ne se cachent pas derrière leur petit doigt pour défendre leurs idées, Ils laissent les pseudos à d’autres lorsqu’ils répondent sur les sites et autres Tweeter ou Facebook (au fait, il y a un moment qu’on est sans nouvelles de « Toto »). Alors, qu’on les filme ne les traumatise pas plus que ça. Ils se plaignent assez que les médias n’aient pas vu les 3000 personnes rassemblées Place de Stalingrad avec Fabien Roussel le dimanche 21 et les 3000 autres venus écouter le même la veille à Rouen pour repousser les caméras !

Mais quand même, on a bien le droit de choisir son metteur en scène, le lieu et le moment du tournage  et de présenter son meilleur profil!
Bref, en moins de trois minutes, le problème de la caméra était réglé.
Nous ne nous étendrons pas sur la solution apportée, désireux d’épargner au camp adverse la honte publique d’avoir dû reculer, malgré sa supériorité numérique, devant six militants déterminés.
Il n’est pas sans intérêt cependant d’en dire un peu plus sur les meneurs de La Jeunesse avec Zemmour.
 

Passons sur Julien Langard, qui donnait le mauvais exemple à ces jeunes gens très propres sur eux (et elles, puisque, si !, existe un sous-groupe baptisé « Femmes avec Zemmour », comme quoi le masochisme a encore de beaux jours devant lui). 
« Ton oncle à Buchenwald, on s’en bat les couilles ! » vociférait le professeur d’histoire de Saint-Jo, qui, s’il a bien le droit de martyriser ses génitoires en évoquant mon oncle, montre ainsi une bien curieuse conception de l’Histoire et un singulier mépris pour les déportés.
 

Plus intéressants, lorsqu’il s’agit de défendre une certaine idée de la France et de la république, les figures du responsable du nouveau groupuscule Génération Z 84, Guillaume Lécluse, et d’un de ses lieutenants, Paul-Antoine Schmitt. Tous deux sont royalistes et se réclament en petit comité de l’Action française. Le ci-devant Lécluse pose sur Facebook, au sommet d’un rocher, en brandissant un drapeau fleurdelisé, en fond la statue de Jeanne d’Arc. L’ensemble figurant dans un cercle où l’on peut lire : NON AU PASS SANITAIRE/LIBERTÉ D’OPINION. Le second, la vingtaine conquérante, s’était déjà signalé, lui, en menaçant une jeune camarade de la Jeunesse communiste.
 

Résumons. les zémmuriens : complotistes, racistes, anti-vax, royalistes.
L’Avenir à reculons.
 

Roger Martin