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Le blog d 'Elodie Jauneau

Des rues, j'en ai traversées M. Macron avant de retrouver un emploi, alors vos leçons de vie, non merci!

Accuser les chômeurs et les chômeuses de se complaire, consciemment ou inconsciemment, dans leur statut de demandeurs d'emploi est d'un mépris sans nom.

 

Monsieur le président de la République,

Vous avez répondu à jeune diplômé en horticulture mais sans emploi (pendant sa venue au Palais de l'Elysée lors des Journées du Patrimoine), que s'il traversait la rue, il trouverait pléthore d'offres d'emploi dans le commerce, dans la restauration, dans le bâtiment.

Vous n'avez pas tort dans l'absolu. Des offres en CDD, en horaires décalés, mal payés, en intermittence, en bas de chez lui, à 30, 40 ou 100 km de chez lui, il y en a.

Mais est-ce une réponse satisfaisante de la part d'un Président de la République?

Non. C'est en dessous de tout.

C'est revenir à lui dire que s'il n'a pas de boulot, c'est de sa faute. C'est qu'il ne cherche pas. Pas assez. Pas comme il faut. Pas où il faut.

Mais il est horticulteur. Il n'est ni serveur ni cuisinier. Sinon il aurait fait une école d'hôtellerie-restauration. Il n'est pas maçon non plus. Sinon il aurait suivi une formation dans le BTP.

Est-ce à dire qu'il faut supprimer les écoles d'horticulture parce que, bien sûr, chacun sait, et vous le premier semble-t-il, que cela ne débouche sur rien?

Doit-on choisir ses études selon les débouchés?

Si oui, dans ce cas, supprimez tout de suite les doctorats de Sciences Humaines. Pardonnez-moi cet exemple ultra ciblé mais, contrairement à vous sur ce sujet, je parle de ce que je connais.

Accuser les chômeurs et les chômeuses de se complaire, consciemment ou inconsciemment, dans leur statut de demandeurs d'emploi est d'un mépris sans nom.

Devrait-on, dès lors qu'on est jeune diplômé, parfois après de nombreuses années, renoncer immédiatement au diplôme fraîchement obtenu pour se tourner dans la seconde vers des filières qui recrutent?

Pensez-vous que tout le monde a les compétences et les qualifications pour travailler dans le bâtiment, la restauration ou le commerce de proximité?

Est-ce cela votre plan pour résorber le chômage?

Et l'humain dans tout ça, vous en faites quoi?

La sensation de culpabilité et d'inutilité sociale, la mise à l'écart, la stigmatisation quotidienne par les politiques (de tous bords pour le coup, puisque Jean-Marie Le Guen s'est brillamment illustré il y a deux ans également), cette honte de se dire qu'on profite du système (qu'on a nous-mêmes contribué à financer puisqu'on a cotisé des années pour avoir "le droit" au chômage), qu'on n'est rien que des feignasses avec un poil dans la main.

Le doute même: celui qui nous fait penser qu'on n'aurait jamais dû faire de telles études puisqu'elles ne servent à rien, qu'elles ne débouchent sur rien, sinon un satisfecit personnel d'avoir étudié pendant plusieurs années un domaine, une passion, parfois au prix de sacrifices personnels et / ou matériels.

Oui, le chômage est un sujet qui me tient à cœur. Parce que j'ai été au chômage 19 mois indemnisé à 860€ par mois (et réjouissez-vous Monsieur le Président de la République, je ne compte pas les 2 mois pendant lesquels je n'ai rien touché. Pas un euro. RIEN). Mais je l'ai bien cherché. Je n'avais qu'à pas faire des études longues dont tout le monde se fout. Je n'avais qu'à me reconvertir sitôt mon diplôme en poche.

Et pourtant, j'ai essayé, Monsieur le Président de la République.

Des rues, j'en ai traversées pendant 19 mois entre 2011 et 2013.

Des candidatures spontanées, j'en ai envoyées: plus de 450.

Des offres, j'en ai reçues. Environ 200. Et j'ai répondu. J'ai postulé. J'ai décroché 30 entretiens en tout. Plus de 150 sont restées sans réponse.

Trop qualifiée (bac + 8). Pas assez expérimentée (6 ans d'enseignement dans le supérieur).

Des rendez-vous chez Pôle Emploi, j'en ai eus. 4 en 19 mois.

Par contre, j'avoue, mea culpa, je n'ai pas postulé aux offres d'hôtesse de charme sur le web, ni assistante sociale dans l'armée de l'air avec 6 mois de classes à Salon de Provence, ni chargée de sciences sociales en études hébraïques, ni testeuse de jeux vidéos rémunérée "au test", ni conductrice de bus.

J'avoue. Je n'ai pas postulé parce que j'ai eu le sentiment que Pôle Emploi se foutait de ma gueule.

Et j'avais beau être une chômeuse, et donc une feignasse par définition, j'avais encore un peu d'estime pour le doctorat que je venais d'obtenir.

Alors, vos leçons de vie, Monsieur le Président de la République - d'une vie dont vous ne mesurez pas une seule seconde ni les enjeux, ni les difficultés -, merci bien. J'en ai soupé.

Et votre mépris n'a d'égal que celui de Laurent Wauquiez qui déclarait il n'y a pas si longtemps que l'assistanat était un cancer de la société.

Et bien, moi, Monsieur le président de la République, ancienne chômeuse, ancienne feignasse, ancienne inutile de la société, moi qui ne fut "rien" pour reprendre vos mots, je vous emm...

Je ne finis pas ma phrase, parce que je suis une lâche. Mais je n'en pense pas moins.

 

Elodie Jauneau

Responsable développement

dans une association 

auteure du blog Affichage Libre

Tag(s) : #TRIBUNE LIBRE
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