1975 de Gérard TISSERAND - © Photo Éric Simon
Ce matin, je consultais le fil d'actualité de mon compte Facebook. Un flot intarissable de positions, protestations, querelles, apostrophes et autres injonctions, aussi solennelles que des discours de sénateurs romains, se déversaient sous mes yeux.
Ici, un pro-Mélenchon défendant bec et ongles son idole en carton, là un groupusculaire grinçant sur le petit mauvais mot qui aurait été prononcé par Roussel.
Des avis à la pelle, des déclarations solennelles sur telle ou telle position. Moi, moi, moi, moi... L'orgie des egos esseulés, des communistes sans Parti, sans action, que leur vue courte et partielle d'un monde qui les effraie.
Ils s'insurgent contre les « erreurs » de Roussel: Quelle HORREUR ! Roussel ne serait pas le Lénine dont ils rêvent, le sauveur suprême qu'ils attendent pour être enfin débarrassés de la tâche quotidienne, pénible, violente, difficile, parfois écœurante, de la lutte et du combat révolutionnaire.
Roussel, cette bonne poire sur laquelle tirer dès qu'on le peut, pour se consterner de « son absence de construction théorique », pour proclamer qu'il n'a pas la stature de ceci ou de cela.
Pour pouvoir se targuer d'avoir soi-même raison, d'être un vrai, d'être un bon. D'être dans le droit chemin.
Alors, surprise, non Roussel n'est pas Lénine!
Non, Roussel n'est pas Duclos, ni Thorez, ni Cachin !
Mais avec ce biais égotique et pervers, de leur temps, vous auriez accusé Thorez d'être un lâche fuyard; vous auriez condamné Cachin de ne pas avoir été un pur de chez pur.
Tout ce que je vois dans vos postures pseudo-révolutionnaires, c'est d'abord que vous passez complètement à côté de la réalité de la campagne du PCF. Parce que vous êtes hors de la réalité, vous pensez que la liquidation - celle que vous avez laissé, oui vous, se produire- se rattrape par l'Idée. Vous faites abstraction du réel, des difficultés, parce que ça vous arrange, parce que comme ça, vous êtes des héros, qui avez toujours raison.
Vous n'êtes pas critiques. Vous êtes idéalistes. Parce que si moi-même, comme beaucoup de communistes, j’ai beaucoup de choses à redire sur telle ou telle position de Roussel ou de tel ou tel responsable, à commencer par ceux qui ne respectent pas le vote majoritaire des militants, sur telle ou telle « erreur », etc. Nous continuons de nous efforcer à avancer de façon constructive. Parce que cette campagne ne se situe pas dans le champs que vos esprits cloisonnés imaginent.
Nous travaillons à la reconstruction de notre Parti. Ce Parti que vous avez déserté, que vous avez laissé aux mains de liquidateurs.
Et ne venez pas avec vos arguments abscons d'autorité du '' moi à mon époque j'ai fait ceci ou cela'' ou "quand tu auras fait ce que j'ai fait pour le Parti" !
Il n’y a pas de gloire à se battre quand c'est facile. Il n'y en a pas non plus à cracher sur ceux qui luttent alors que tout est à reconstruire.
Non, vous ne critiquez pas, car si vous souhaitiez être critique, vous produiriez une critique interne, vous travailleriez, au sein du Parti, de façon disciplinée à son succès. À faire les motions et apports nécessaires par la voie des organes du Parti pour influer sur les choses.
Vous vous battriez, comme nous le faisons, avec quasiment rien, pour restructurer des formations de base, pour reconstruire des cellules d'entreprises comme notre section le fait.
Mais non. Vous dispensez les bonnes et mauvaises notes sur Facebook.
Je ne vous vois jamais sur les lieux de lutte.
Je ne vous ai pas vu lorsque les salariés de Charles et Alice crevaient de froid pour obtenir quelques euros d'augmentation.
Je ne vous vois jamais aux portes des usines, le matin dans le froid, l'été sous le soleil brûlant, ni devant Eurenco, ni devant Aromazone, ni devant Rousselot ou Florette. Je ne vous ai pas davantage vu « escorter » Marine Le Pen hors du marché de Pernes ni infliger un camouflet dont ils se souviendront aux fascistes zémmuriens quinze jours plus tard.
Je ne vous vois pas endurer la contradiction qu'impose le réel, endurer la frustration de ne pouvoir, la fatigue arrivant, exténué, poursuivre l'écriture de la prochaine formation, après une journée de travail d'ouvrier à la tâche et d'avoir préparé l'organisation du lendemain, de la semaine pour votre section.
Non.
La seule chose qui vous importe c'est de dire votre vérité, celle que vous savez bonne, la vraie !
Ce que je vois au fond, c'est votre solitude. C'est votre incapacité de jouer un rôle autre que de dénigrement parce que vous êtes hors Parti.
Parce que votre libéralisme comportemental vous accable et vous isole. Vous ne supportez la contradiction que lorsqu'elle est abstraite. Vous n'avez pas envie de participer à la reconstruction du Parti, parce qu'au fond, vous avez trouvé, seuls dans vos coins, une existence pseudo sociale dans cette fallacieuse et virtuelle position critique du PCF.
Au fond, je vous plains.
Je vous vois gémir et hurler sur des questions identitaires pour les uns, sur des questions sociétales pour les autres, sur des mots, des phrases, des postures. C'est triste.
Et plus le temps passe, plus j'ai l'impression que vos cris et les hurlements des liquidateurs se marient et se noient dans le bruit sourd d'un passé qui se meurt. Bientôt, ces chants de sirènes ne seront alors plus qu'un vague souvenir de quelque chose qui fut le renoncement de la Révolution socialiste.
Noyés dans les hauts-fonds facebookiens, vous aurez pour toujours figé vos frêles esquifs dans le sable mouillé des rancœurs aigres, tandis que les flots montants de l'histoire vous auront recouverts peu à peu de leur masse écrasante, pour avoir refusé de monter sur les radeaux de sauvetage, par orgueil de ne point vous salir sur leurs planches brutes remplies d’echardes et ne pas saisir les mains rêches des matelots, que vous méprisez, vous capitaines de traversées solitaires.
Abandonnez votre orgueil, cessez de jouer les donneurs de leçons, rendez-vous utiles conséquents, constructifs.
Saisissez la main qui vous est tendue.
La marée monte et le radeau est sur le départ.
Jonathan
Militant de la section Oswald Calvetti du PCF