Qu’on ne me fasse surtout pas de mauvais procès. Ce qui va suivre, une ignominie, ne saurait en faire oublier une autre, de bien plus grande ampleur, la tragédie ukrainienne, qui plonge des populations dans l’horreur et la guerre, avant que ses conséquences ne viennent demain affamer le continent africain.
Pourtant, voilà qu’au détour d’une image (les chaînes de télévision sont capables de passer sans transition de charniers humains à un chef « étoilé » pour avoir « inventé » la banane au Maroilles ou au dernier caca nerveux de la famille Kardachiante), je découvre, ouf !, qu’« après une longue concertation la nuit dernière entre les pilotes, les directeurs d'écurie et les patrons de la Formule 1, la FIA a annoncé que le Grand Prix d'Arabie saoudite était maintenu ce week-end, malgré l'attaque par des rebelles houthis d'un site pétrolier situé à proximité du circuit ».
On ajoute même que le suspense n’en était pas un puisque « la décision était attendue ».
Le pire, c’est qu’on présenterait ça comme un fait d’armes, un exploit, l’incroyable courage des pilotes (pourquoi pas la résilience, un mot qu’on est en train de vider de son sens !) qui n’ont pas finalement boycotté la course, malgré l’attaque terroriste.
Pas une ligne, dans le communiqué de la FIA, pas un mot, dans les interviews de ces intrépides héros, de la situation en Arabie saoudite.
Rien pour rappeler qu’une loi fondamentale, érigée en Constitution et reposant sur la charia, permet de condamner à mort pour viol et homicide, mais aussi pour adultère (seulement commis par une femme), homosexualité, sodomie, sorcellerie et apostasie, a permis l’exécution ce seul samedi dernier de 81 personnes !
Rien pour faire comprendre ce que sont ces « rebelles houthis » !
Et surtout aucune allusion aux 377 000 morts dans le Yémen voisin en proie à une guerre où l’Arabie saoudite se distingue sinistrement avec le silence complice de son amie la France !
£Avant qu’il n’appelle à voter Fillon et à « embrasser les flics », Renaud avait stigmatisé en 1991 Paris Dakar avec la chanson « 500 connards sur la ligne de départ ».
Aujourd’hui, il ne s’agit plus de simples « connards ».
Intérêts colossaux des écuries de course, vitrine mensongère d’un régime dictatorial, inconscience, cynisme, égos surdimensionnés des pilotes, qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse, qu’importe la morale pourvu qu’on ait la thune !
Allez, roulez !
Vingt saloparts sur la ligne de départ !
Roger Martin
Écrivain
Militant de la section Oswald Calvetti du PCF